Pharma Papers

Lobbying et mégaprofits :
tout ce que les labos pharmaceutiques voudraient vous cacher.
Laboratoires pharmaceutiques,
lobbying et mégaprofits

Pourquoi les relations avec la profession médicale sont au cœur de la stratégie commerciale du laboratoire américain Celgene

Si Sanofi et MSD figurent logiquement aux deux premières places des laboratoires qui déclarent les sommes les plus importantes versées aux acteurs de la santé en France, du fait de leur poids industriel et commercial (lire notre article « Les spécialités les plus ciblées, les labos les plus généreux »), le troisième du classement est plus étonnant : le laboratoire américain Celgene. Bien que celui-ci déclare relativement peu de liens d’intérêts en nombre, il dépense beaucoup plus pour chaque professionnel de santé ou chaque association sponsorisée, pour atteindre la somme totale de 179,3 millions d’euros en six ans. Hors de proportion avec sa place sur le marché hexagonal.

Celgene cherche à choyer les hématologues pour qu’ils continuent à prescrire son médicament très lucratif.

L’explication est relativement simple : son best-seller, le Revlimid, a un coût exorbitant (entre 3 900 et 5 000 euros par mois), critiqué par la Ligue contre le cancer, et représente environ 60% de son chiffre d’affaires. Il pointe en quinzième position des médicaments les plus remboursés par la sécurité sociale en 2017, avec un peu plus de 200 millions d’euros. Ce qui explique que Celgene cherche à choyer les hématologues pour qu’ils continuent à prescrire ce traitement du myélome multiple, un cancer rare du sang. « Celgene met le paquet sur le marketing du fait de cette fragilité », explique Anne Chailleu, du Formindep. D’autant que les génériques du Revlimid débarquent à partir de 2022…

Face à cette perspective couperet, le laboratoire multiplie les extensions de gamme, c’est-à-dire de simples changements de forme ou de mode d’administration, comme un passage du comprimé à la gélule. « Chaque extension est comme un mini-lancement sur le marché, avec l’investissement marketing qui va avec », poursuit Anne Chailleu. Ce lobbying ne s’arrête évidemment pas aux frontières de l’Hexagone : aux États-Unis, Celgene a même été condamné en 2017 à payer une amende de 280 millions de dollars pour une promotion en-dehors des autorisations de mise sur le marché du Revlimid et d’un autre anticancéreux.