Entretiens - page 22

Articles

Société

« Si on emmenait certains PDG visiter leurs usines d’approvisionnement, ils seraient eux-mêmes horrifiés »

Entre la crise climatique, la massification de la sous-traitance, la montée en puissance des entreprises multinationales et les basculements géopolitiques en cours, le mouvement syndical international est confronté à des enjeux qui bouleversent profondément la manière dont il s’est construit depuis le XIXe siècle. La Confédération syndicale internationale (CSI), qui regroupe plus de 300 organisations syndicales dans 162 pays et territoires, est en première ligne pour répondre à ces défis. Sharan Burrow, secrétaire-générale de la CSI depuis 2010, a accepté de répondre à nos questions. « Le modèle économique actuel est devenu insoutenable en lui-même », avertit-elle.

Par Olivier Petitjean (Observatoire des multinationales)

SociétéTravail

« Ce qui se passe dans le monde du travail est une des causes importantes de la montée du FN »

Les entreprises françaises ne seraient pas assez compétitives. La réforme du code du travail, en supprimant de nombreuses protections des salariés, leur permettra de le devenir, assure le gouvernement. Les grands groupes ont pourtant déjà commencé de mettre en concurrence leurs usines et salariés. Fabien Gâche, délégué syndical central (CGT) de Renault, explique la stratégie de la direction, qui joue la compétition entre CDI et intérimaires, entre sites de production en France, en Espagne ou en Turquie. Objectif : baisser les salaires et augmenter le temps de travail. « Les salariés ont le sentiment qu’ils se retrouvent entourés d’ennemis plutôt que de collègues. »

Par Nolwenn Weiler

SociétéLutte sociales

« Le syndicalisme est un des rares espaces où les ouvriers peuvent encore lutter contre leur domination »

Paradoxe : alors que la réforme du droit du travail sera discutée à l’Assemblée nationale dans les prochaines semaines, celle-ci ne compte aucun ouvrier parmi les élus « du peuple ». Avec les employés, ils constituent pourtant la moitié de la population active française. Le syndicalisme demeure l’un des rares espaces qui leur offre une expression et une action collective. Le sociologue Julian Mischi a suivi des militants CGT d’un atelier de la SNCF dans une localité rurale en Bourgogne. Son ouvrage Le bourg et l’atelier bat en brèche plusieurs idées reçues : celle d’un syndicalisme agonisant ou corporatiste, et celle d’un monde rural qui n’aurait d’autres choix que de se replier sur lui-même. Entretien.

Par Rachel Knaebel

ÉcologieToxique

« À Bruxelles, la vie des personnes est moins prioritaire que la bonne santé de l’industrie chimique »

L’Union européenne n’a toujours pas réglementé l’usage des perturbateurs endocriniens, ces substances chimiques aux effets sanitaires colossaux utilisées dans de très nombreux produits de consommation courante. Malformations, cancers, obésité... Les perturbateurs endocriniens sont pourtant à la source de bien des maux. Ce retard, qui vient d’être condamné par la justice européenne, ne doit rien au hasard. Les industries de la chimie, des pesticides ou du plastique pratiquent un lobbying intensif, et entravent toute avancée sérieuse. La journaliste Stéphane Horel a décrypté dans un ouvrage intitulé Intoxication ce lobbying et ces objectifs. Entretien.

Par Nolwenn Weiler

Alternatives

Un Podemos « à la française » est-il possible ?

Le tout jeune parti de gauche Podemos a recueilli plus de 20 % des voix aux élections législatives espagnoles du 20 décembre 2015. Deux ans à peine après sa création, il se place en 3e position, juste derrière les deux partis traditionnels : le Parti socialiste (22 %) et les conservateurs du Parti populaire (28 %), ce dernier perdant la majorité absolue. D’où vient le phénomène Podemos ? Quelles sont ses propositions ? Comment s’explique ce succès fulgurant ? Comment la gauche française peut-elle s’en inspirer ? Réponses avec Héloïse Nez, spécialiste des mouvements sociaux, dont le dernier ouvrage Podemos, de l’indignation aux élections vient d’être publié.

Par Ivan du Roy

DémocratieClasse populaires

« Il faut être clair : un monde a pris fin, il n’y aura pas de retour en arrière »

Pour combattre efficacement l’Etat islamique et son offre politique de mort et de désespoir, « nous devons réfléchir à la révolte qui est à la racine de ces crimes », suggère l’anthropologue Alain Bertho, qui prépare un livre sur « les enfants du chaos ». A la racine du mal, la fin des utopies, enterrées avec l’effondrement de tous les courants politiques progressistes. Le XXIe siècle aurait oublié l’avenir au profit de la gestion du risque et de la peur, indifférent à la colère des jeunes générations. Entre un quotidien militarisé et le jugement dernier à la sauce djihadiste, seule « la montée d’une autre radicalité » pourrait raviver l’espérance collective.

Par Ivan du Roy

ÉcologieClimat

COP21 : des négociations dans un sale climat

La conférence internationale sur le climat à Paris – la COP21 – sera maintenue malgré les attentats du 13 novembre. Mais au fait, où en est-on depuis vingt ans de négociations internationales ? Le bilan est catastrophique : les émissions de gaz à effet de serre ont explosé, atteignant un record en 2013. « L’alerte scientifique n’a jamais suffi à déclencher l’action », explique l’historienne des sciences Amy Dahan, qui décortique les arènes des négociations où s’entremêlent intérêts électoraux, enjeux économiques et géopolitiques. L’objectif serait d’arriver à zéro émission. Mais de cela on ne discutera pas lors des prochaines négociations. Dès lors, que peut-on attendre de cette COP21 ? Entretien.

Par Sophie Chapelle

Démocratie

Turquie : cette nouvelle gauche qui s’oppose au projet nationaliste et néolibéral du président Erdogan

Suite à l’élection législative du 1er novembre, le parti conservateur turc du président Recep Tayyip Erdogan (AKP) retrouve la majorité absolue. Malgré la répression et les violences politiques qui l’ont visé, le nouveau parti de gauche kurde, le Parti démocratique des peuples (HDP), demeure la troisième force politique du pays avec 59 députés. La raison de ce relatif succès : au-delà des Kurdes, le HDP tente de fédérer mouvements écologistes, féministes ou jeunes diplômés précaires. « Il doit désormais étendre son message à l’ensemble des secteurs de la société exclus par le projet nationaliste et néolibéral de l’AKP », explique Murad Akincilar, responsable de l’Institut de recherche politique et sociale de Diyarbakir.

Par Emmanuel Haddad

AlternativesScience citoyennes

Low tech : comment entrer dans l’ère de la sobriété énergétique pour vivre sans polluer

Les innovations high-tech, fortement consommatrices de ressources, conduisent les sociétés dans l’impasse. Et si nous prenions le contre-pied de cette course en avant en nous tournant vers les low tech, les « basses technologies » ? C’est ce à quoi invite Philippe Bihouix, ingénieur spécialiste des ressources minières. Entretien.

Par Sophie Chapelle

SociétéProtection sociales

David Graeber : « Le néolibéralisme nous a fait entrer dans l’ère de la bureaucratie totale »

Paperasse et formulaires ont envahi nos vies, et de plus en plus de gens pensent que leur travail est inutile, n’apportant aucune contribution au monde. Malgré ce que martèlent les ultralibéraux, ce n’est pas la faute de l’Etat et de ses fonctionnaires, mais celle des marchés et de leur financiarisation. « Toute réforme pour réduire l’ingérence de l’État aura pour effet ultime d’accroître le nombre de règlementations et le volume total de paperasse », explique ainsi David Graeber, anthropologue états-unien et tête de file du mouvement Occupy Wall Street, dans son nouvel ouvrage Bureaucratie. Il appelle la gauche à renouveler sa critique de cette « bureaucratie totale » avec laquelle nous nous débattons au quotidien.

Par Agnès Rousseaux, Rachel Knaebel