Répression

Le parquet allemand demande 4 ans de prison contre l’activiste français Loïc Schneider

Répression

par Rachel Knaebel

Le jeune activiste anti-nucléaire est poursuivi pour des dégradations en marge des protestations contre le sommet du G20 de 2017, à Hambourg. Il a déjà passé un an et quatre mois en prison en Allemagne. Dans ce procès, la justice allemande veut rendre tous les participants de la manifestation responsables de l’ensemble des dégâts.

Ce 10 juillet, la justice allemande rendra son jugement au sujet de Loïc Schneider. Le jeune Français de 24 ans est accusé d’avoir participé à des dégradations lors d’une manifestation du contre-G20 de Hambourg, en 2017. Militant anti-nucléaire et engagé contre le projet de site d’enfouissement de déchets radioactifs de Bure (Meuse), il avait été arrêté en France en août 2018, chez ses parents. Il a ensuite été transféré en Allemagne en octobre 2018, puis placé en détention provisoire à Hambourg. Il a passé un an et quatre mois dans une prison allemande avant de bénéficier d’une liberté conditionnelle en décembre dernier, à condition de ne pas quitter Hambourg et d’y trouver un travail. Depuis, il n’a pu se rendre qu’une seule fois en France.

« En prison, je n’étais qu’avec des étrangers. Dans mon bâtiment, il n’y avait aucun Allemand, nous parlions anglais », témoigne le jeune homme avec qui Basta! a pu s’entretenir. Loïc Schneider risque de devoir bientôt retourner en prison. Après un procès qui a duré plus d’un an et demi, le parquet allemand a requis fin juin une peine de quatre ans et neuf mois de prison à l’encontre du Français. Pour ses quatre co-prévenus, dont certains étaient mineurs au moment des faits, les réquisitions sont de trois ans et deux ans et demi de prison. L’avocat du jeune Français a demandé la relaxe.

Plusieurs dizaines de personnes ont déjà été condamnées à des peines de prison en lien avec les manifestations contre le sommet du G20 de Hambourg de 2017. Elles étaient bien moindres que celles requises contre le Français et ses co-prévenus. « Plus de quatre ans de prison, ce serait la plus forte peine de toutes celles prononcées jusqu’à aujourd’hui sur le G20 », dit à Basta! Lukas Theune, l’avocat allemand de Loïc Schneider.

Une commission d’enquête spéciale et une vaste traque européenne pour interpeller des manifestants

Que s’est-il passé de si grave à Hambourg pour écoper de quatre ans de prison ? Les 7 et 8 juillet 2017, les chefs d’État et de gouvernements du G20 se rencontrent dans la ville portuaire. Plus de 20 000 agents des forces de l’ordre transforment la cité en forteresse pour faire face aux manifestants écologistes, altermondialistes et anticapitalistes attendus de toute l’Europe pour manifester lors du sommet. Certaines manifestations se déroulent tranquillement, d’autres tournent à l’affrontement avec la police.

Loïc Schneider est mis en cause par le tribunal pour des dégradations commises lors de l’une de ces manifestations, le 7 juillet. Durant celle-ci, des voitures et des poubelles sont incendiées, des vitrines brisées. La police n’interpelle alors aucun des prévenus. C’est une fois le G20 terminé que les autorités allemandes lancent les poursuites. Dès la fin du sommet, la police de Hambourg a mis en place une commission d’enquête spéciale appelée « Black Block ». Celle-ci lance une vaste traque à partir de dizaines d’heures d’images vidéos, obtenues via les caméras de surveillance, les réseaux sociaux ou des appels à témoins. Elle envoient les images aux polices européennes, dont celle de Commercy, près de Bure, où le Français a milité contre le site d’enfouissement de déchets nucléaires.

La police française surveille les militants antinucléaire de Bure de très près (lire notre article A Bure, un « état d’urgence permanent » et une « surveillance généralisée » pour réprimer les opposants) [1]. « Quand j’ai été arrêté, c’était à Nancy, mais c’était par des policiers de Bure. J’ai fait ma garde à vue au sujet du G20 à Commercy », souligne Loïc.

« La volonté du procureur est de délégitimer la manifestation »

Aujourd’hui, l’enjeu du procès allemand est de savoir si les prévenus vont être rendus responsables des dégradations quand bien même ils ne les auraient pas commises eux-même, simplement parce qu’il se trouvaient dans le cortège. « La volonté du procureur est de délégitimer la manifestation, il dit que c’était une émeute, il a même comparé cela à un cambriolage, témoigne le Français. Quand le procès a commencé, en décembre 2018, je voyais les images des manifestations de gilets jaunes en France, puis celle du Chili, et de Hongkong. Nous, nous restions bloqués sur des manifestations de 2017… »

Cette vaste traque n’est pas terminée. D’autres procès vont s’ouvrir prochainement pour une autre manifestation lors du contre-G20 le 7 juillet 2017 (celle dite de "Rondenbarg"). Là aussi, la justice met en cause les prévenus pour avoir seulement participé à la manifestation. Dans ce cas, il ne leur est pas même reproché des dégradations, mais des jets de pierre, sans blessés. Peu importe qui a jeté les pierres, les prévenus sont mis en cause pour avoir été là quand cela s’est passé. L’action, et la responsabilité, sont considérées comme collective par le parquet [2].

120 procédures contre des violences policières abandonnées

Dans un long texte qu’il a lu au tribunal à la toute fin de son procès, Loïc Schneider a fait remarquer qu’« en France, les policiers allemands sont perçus comme les rois de la désescalade, j’ai cependant vu, à Hambourg, des milliers de manifestants escalader un mur afin d’échapper à la police qui matraquait ». Et il s’interrogeait : « Pourquoi donc les palais de justice restent-ils silencieux vis à vis de la violence policière ? »

169 procédures contre des policiers, la plupart pour violences, avaient été engagées suite au G20 de Hambourg. Les autorités ont déjà tout bonnement abandonné 120 d’entre elles [3].

Mise à jour du 10 juillet : Le tribunal a condamné Loïc Schneider à une peine de trois ans de prison.

Rachel Knaebel

Voir ici le texte lu par Loïc Schneider au tribunal :

Photo : CC Thorsten Schröder via Flickr.

Notes

[1Voir aussi l’enquête de Mediapart et de Reporterre.

[2Voir cet article (en allemand).

[3Selon la réponse apportée par les autorités de Hambourg à une question des élus municipaux du parti de gauche Die Linke début juillet. Voir ici et ici.