Zad

Notre-dame-des-Landes : gaz lacrymogènes et bulldozers de retour dans le bocage

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par Nolwenn Weiler

Près de 2000 gendarmes et policiers se sont à nouveau déployés dans la Zad de Notre-dame-des-Landes depuis le 17 mai, pour ce que l’on appelle désormais la seconde phase d’expulsion. La première a duré quinze jours début avril. Les personnes visées par ces nouvelles expulsions sont celles qui n’ont pas souhaité intégré le processus de reconnaissance institutionnelle des lieux et projets alternatifs menés sur la Zad. Une dizaine de lieux ont été évacués ou détruits.

La Chat-teigne, lieu de vie situé à l’ouest de la Zad de Notre-dame-des-Landes, est « tombée » ce jeudi 17 mai. L’annonce de la destruction de ce hameau de cabanes, qui prive de logement celles et ceux qui y vivaient, est vécue douloureusement parmi les mouvements de soutien à la lutte contre l’aéroport et son monde. Ce lieu était sorti de terre en novembre 2012, lors de la grande manifestation de ré-occupation organisée suite à la première tentative d’expulsion de la Zad. Des milliers de personnes avaient alors convergé vers la Chat-teigne chargées de poutres, de marteaux et de clous.

« La construction de la chat-teigne a marqué la montée en puissance d’un mouvement populaire qui allait finir des années plus tard par arracher l’abandon du projet d’aéroport, remarquent les habitants de la Zad (...). En s’attaquant aujourd’hui à la Chat-teigne, l’Etat cherche à raser un symbole de l’histoire de la lutte. » D’autres lieux ont été détruits le 17 mai. Les forces de police sont intervenues au petit matin pour raser de nouvelles cabanes. Les habitants de maisons en dur, occupées parfois depuis des années, ont par ailleurs été expulsés [1]

Réprimer les « sans-fiches »

Les lieux visés par cette seconde phase d’expulsion sont habités par des personnes qui ont refusé de se plier à l’injonction préfectorale des fameuses fiches. Celles-ci exigeaient le dépôt de projets individuels et nominatifs. Pour une partie des ces « sans-fiches », la négociation avec l’État n’a jamais été une option. D’autres, plutôt optimistes au départ, ont progressivement perdu toute confiance ces dernières semaines. « Ce nouveau lâchage de lest a été présenté de telle sorte qu’il fallait que le « consentement », que le consensus des signatures individuelles soit total. Si un lieu refusait cela bloquait tout. Nous avons rejeté et cet ultimatum et ce paradoxe de consentement forcé », ont expliqué les « sans-fiches ».

Malgré ces dissensions autour de la stratégie à adopter, « les gens se soutiennent », disent des habitants ayant participé au mouvement collectif de dépôts de projets individuels. « Il faut bien peu de cœur pour imaginer que quiconque laisse ses voisin.e.s se faire raser leurs maisons sans réagir », signalent les habitants de la Zad. Chacun, participant ou non à la reconnaissance institutionnelle des projets alternatifs, pâtit de la présence policière. Certains agriculteurs déplorent ainsi la destruction de pâtures de printemps, où les vaches s’apprêtaient à venir brouter. « Ils sont partout, ils bloquent les routes et les chemins, ils nous empêchent de travailler », remarque un agriculteur en cours d’installation sur la Zad. Pour ceux qui ont déposé des projets individuels, la tâche est loin d’être terminée. Certaines terres défendues et cultivées par le mouvement de lutte contre l’aéroport sont aujourd’hui réclamées par les paysans qui les ont vendues...

Intervention, « déconstruction », tas d’ordures

L’intervention policière suscite par ailleurs la colère des naturalistes en lutte - collectif qui étudie, cartographie et défend la biodiversité de la Zad. Des ornières très profondes (mesurant parfois plus d’un mètre) ont été creusées, des haies et talus ont été détruits, des arbres arrachés, s’indignent les naturalistes. Ils déplorent que des cabanes à faible impact écologique aient été transformées en tas d’ordures par la « déconstruction » à coup de pelleteuse lourde et de bulldozer. « Ces destructions en pleine période de nidification des oiseaux et de reproduction pour la plupart des espèces sauvages du site s’accompagnent bien entendu d’un nuage de gaz lacrymogène et d’un grand nombre de grenades explosives. Nous connaissons les conséquences de ces batailles lourdement équipées en terme de pollution chimique et sonore, fatale à un certain nombre d’animaux et gâchant le travail agricole pour longtemps. »

Des inquiétudes pointent aussi du côté des soignants, qui prennent en charge les blessés lors des affrontements avec les forces de l’ordre. Un collectif de infirmiers, médecins, aides-soignants, kinés et psychologues, qui soutient l’équipe « médic » de la Zad, rappelle qu’il y a eu plus de 300 blessés depuis le 9 avril, principalement à cause des flashballs, des grenades assourdissantes et de dés-encerclement. Certains blessés ont subi des lésions graves qui ont nécessité des évacuations et des interventions chirurgicales. Les soignants craignent que les forces de l’ordre finissent par commettre l’irréparable.

Nolwenn Weiler

En Photo : Construction de la « Chat-teigne » en 2012 / © Laurent Guizard

P.-S.

Plusieurs rassemblements de soutien ont eu lieu jeudi soir à Bordeaux, Lyon, Nantes, Rennes ou Poitiers ; d’autres sont prévus ce vendredi, un peu partout en France. Un appel à converger massivement sur la Zad ce dimanche a été lancé.

Notes

[1Pour plus de détails sur les lieus détruits, voir le flash info quotidien tenu par les habitant.es de la Zad.