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Le management musclé de Free pour se débarrasser du « syndicalisme marseillais »

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par Rédaction

Free et son fondateur, Xavier Niel, se prévalent volontiers de leur management moderne et de leur esprit start-up. Une enquête exclusive de Politis révèle la face cachée de ce modèle, notamment les méthodes agressives mises en œuvre par Free, au moment de l’obtention de sa licence mobile, pour se débarrasser de salariés marseillais dont ils craignaient la culture syndicale. Harcèlement, fichage des salariés, licenciements maquillés, instrumentalisation des prud’hommes... L’opérateur est accusé d’avoir recouru à de peu sympathiques pratiques pour se débarrasser de ses employés potentiellement gênants.

Pour préparer le grand saut, son groupe, Iliad, a racheté en août 2008 la marque Alice, appartenant à Telecom Italia, qui dispose de 1 400 salariés répartis sur une structure parisienne et deux centres d’appels à Marseille et à Bordeaux. Malgré le licenciement officiel de 315 personnes, principalement parisiennes, lors de la fusion avec Iliad, le groupe veut poursuivre en toute discrétion le nettoyage dans son centre marseillais. « Xavier Niel et Cyril Poidatz [président du groupe] m’ont exprimé leur crainte des syndicats marseillais, certes actifs mais constructifs, raconte Giorgio Mariani, ancien responsable des ressources humaines (RH) du site marseillais. Ils avaient peur que le “syndicalisme marseillais” puisse se propager au sein du groupe Iliadl. » (...)

Pour s’éviter les contraintes légales et financières qui accompagnent les « plans sociaux », l’entreprise va maquiller des licenciements. Un plan secret est lancé en interne dès 2009. Il est baptisé « Marco Polo ». « Ils ont dépouillé le site : tous les cadres ont été dézingués », s’insurge une avocate marseillaise rodée aux dossiers Free. (...) Ce plan secret atteindra plus ou moins ses objectifs : la majorité des salariés listés sont partis ou sont en phase de départ, avec une bonne série de contentieux, encore en cours pour la plupart. Mais l’entreprise avait anticipé avec précision ces risques juridiques, comme nous le prouve un tableau extrêmement détaillé, évaluant les pertes aux prud’hommes en comparaison de ce qu’aurait coûté un plan de licenciement conforme à la loi. Le résultat est sans appel : économiquement, mieux vaut harceler, licencier et être condamné que respecter la loi.

Lire l’intégralité de l’enquête sur le site de Politis (abonnement).

Selon ses auteurs, les méthodes mises en œuvre par Free pour se débarrasser de ces salariés témoignent d’un état d’esprit plus général dans le groupe, défavorable aux syndicats et aux droits sociaux :

Free a incontestablement dynamité les télécoms français, où une poignée d’opérateurs hégémoniques se sont longtemps grassement rétribués. L’entreprise a réussi ce tour de force grâce à une longueur d’avance sur l’Internet haut débit, en lançant une box « triple play » que personne n’était capable de produire en 2002. Et grâce à une politique tarifaire particulièrement agressive, qui fut aussi la clé du succès de son entrée sur le marché de la téléphonie mobile.

Or, si Free a pu casser les prix à ce point, ce n’est pas en rognant sur ses marges. Iliad présente en effet une marge de 30,8 % en 2014 (Ebitda sur chiffre d’affaires en 2014, selon le bilan financier), soit exactement la même que ses concurrents. La différence est donc à chercher ailleurs. « Le coût moyen d’un salarié Bouygues Telecom est de 69 000 euros, contre 25 000 euros chez Free », a notamment affirmé Olivier Roussat, directeur général de Bouygues Telecom, lors de son audition, fin février 2012, par la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale.

Free a déclaré à Politis « contester fermement les propos et les faits rapportés », sans autre commentaire, et aurait menacé nos confrères de poursuites en justice.