Xénophobie

Une nouvelle loi sur l’immigration qui s’en prend aux étrangers, qu’ils soient étudiants ou travailleurs

Xénophobie

par Rédaction

La loi sur l’immigration est revenue à l’Assemblée nationale après avoir été durcie au Sénat. D’abord présentée comme un outil pour régulariser les travailleurs sans-papiers, elle risque en fait de rendre la vie impossible aux étrangers de France.

Le Sénat s’en est donné à cœur joie début novembre pour durcir le projet de loi sur l’immigration du gouvernement. La loi, voulue par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, est ensuite repassée en commission à l’Assemblée nationale. Le texte reviendra en séance plénière de l’Assemblée à partir du 11 décembre. Avant une adoption définitive prévue d’ici la fin de l’année.

Le gouvernement a notamment justifié son projet en assurant vouloir créer une carte de séjour d’un an pour régulariser les travailleurs sans-papiers actifs dans les métiers en tension. Cette carte devait être expérimentée jusqu’à fin 2026, avant son éventuelle pérennisation. À l’heure actuelle, les travailleurs sans-papiers employés dans ces secteurs peuvent certes être régularisés, mais à titre exceptionnel et à l’initiative des employeurs – ce qui oblige régulièrement syndicats et sans-papiers à lancer des mouvements de grève pour les y contraindre. Le projet prévoyait aussi de créer une nouvelle carte de séjour pour les professionnels médicaux, et de donner plus rapidement le droit de travailler aux demandeurs d’asile.

De l’autre côté, le texte du gouvernement veut conditionner l’obtention d’une première carte de séjour pluriannuelle à un niveau minimum de connaissance du français, jusqu’ici obligatoire seulement pour l’octroi d’une carte de résident (dix ans) et pour l’accès à la nationalité. Le texte vise également à faciliter les expulsions d’étrangers pour « menace à l’ordre public ».

« Plus de 20 lois immigration en près de 40 ans »

« Le texte initial présenté par le gouvernement s’inscrivait déjà dans la lignée d’une frénésie législative sur ce sujet, avec plus de 20 lois en près de 40 ans, critique La Cimade, association d’aide aux étrangers. À chaque nouveau gouvernement son projet de loi sur l’immigration, et à chaque nouveau projet de loi des restrictions de droits supplémentaires pour les personnes étrangères. ».

Le texte initial, « était dès le début centré sur les mesures d’expulsion du territoire, visant à criminaliser et à chasser celles qui, parmi les personnes étrangères, sont considérées comme indésirables par le gouvernement, dit encore l’association. La notion de menace à l’ordre public y est instrumentalisée pour faire tomber les maigres protections contre le prononcé d’une mesure d’expulsion. »

Et voilà qu le Sénat a encore largement durci le texte, à droite toute. Il a supprimé l’Aide médicale d’État, soit la possibilité d’accès aux soins pour les sans-papiers ; restreint l’accès au regroupement familial et aux titres de séjour pour motifs familiaux ; restreint les conditions d’accès à la nationalité française (fin de l’acquisition automatique de la nationalité à leur majorité pour les enfants nés en France de parents étrangers, délai de résidence de dix ans pour une naturalisation contre cinq aujourd’hui) ; durci la rétention administrative notamment pour les demandeurs d’asile ; établi un du délit de séjour irrégulier ; durci les conditions des visas étudiants ; exclu des personnes sans titre de séjour du droit à l’hébergement d’urgence…

« Propos stigmatisants »

Le Sénat a même supprimé les articles portant sur la régularisation dans les métiers en tension et ceux sur l’accès au travail des demandeurs d’asile. « La majorité à la chambre haute a déposé et adopté un grand nombre d’amendements, tous plus répressifs les uns que les autres, tout en multipliant les outrances et propos stigmatisants à l’égard des personnes migrantes », accuse un collectif d’associations.

Certes, les élus alliés au gouvernement ont annoncé vouloir revenir au texte initial. Après avoir été supprimée par le Sénat, l’Aide médicale d’État a par exemple été rétablie en commission par l’Assemblée nationale. La commission des lois de l’Assemblée nationale a adopté sa version remaniée le 2 décembre. Elle a aussi supprimé le délit de séjour irrégulier introduit par le Sénat, tout comme la fin de l’automaticité du droit du sol.

Mais d’autres mesures votées par les sénateuricess ont été conservées, dont la nécessité de bénéficier de ressources régulières pour accéder au regroupement familial et la levée de protections contre l’expulsion d’étrangers en situation régulière, quand ils ont commis certains crimes et délits.

Sur l’expérimentation de la régularisation des sans-papiers dans les métiers en tension, l’Assemblée a aussi cédé en partie au Sénat et donne le droit aux préfets de s’opposer à la délivrance du titre de séjour en cas de menace à l’ordre public ou de « non-respect des valeurs de la République », sans préciser concrètement ce que cela recouvre. Par ailleurs, les députées ont restauré l’accès à l’hébergement d’urgence pour les étrangers en situation irrégulière, mais décidé aussi que les déboutés du droit d’asile en seront exclus.

Avant le vote définitif de la loi, la plateforme citoyenne Vox public appelle chacune et chacun à interpeller ses députéses pour qu’elles et ils s’opposent à ce texte jugé « scandaleux et dangereux ».

Photo : Manifestation contre la loi immigration à Paris/©Serge D’ignazio

Suivi

Mise à jour du 12 décembre 2023 : Le lundi 11 décembre, l’Assemblée nationale a adopté une motion de rejet de la loi immigration, présentée par les écologistes et votée par l’ensemble des députés de la gauche, du Rassemblement national (RN), et une grande partie d’élus Les Républicains (LR). Le gouvernement peut maintenant retirer son texte. Ou laisser la loi poursuivre son parcours législatif au Sénat, pour une deuxième lecture, mais il reviendrait ensuite à l’Assemblée nationale, où un scénario identique pourrait se reproduire si la majorité supprime de nouveau dispositions introduites au Sénat. Le texte pourrait aussi être retravaillé dans une commission mixte paritaire, composée de sept députés et sept sénateurs. Celle-ci pourrait trouver un compromis et le texte issu de la commission devrait ensuite être validé par et l’Assemblée et le Sénat.