Anti-gaspillage

Touché par la grêle, un paysan offre une partie de sa production aux plus démunis

Anti-gaspillage

par Sophie Chapelle

Il a fait le choix de la fraternité, de l’entraide et de la coopération, plutôt que de l’abattement et de la résignation. Le 15 juin dernier, Régis Gonnet a perdu 80 % de sa production d’abricots, sur 5,5 hectares. Arboriculteur et viticulteur depuis 1992 sur la commune de Glun en Ardèche, il n’avait jamais connu un épisode de grêle comme celui-là. La taille des grêlons a fortement abîmé les fruits. Résultat : impossible de les écouler via sa coopérative. « Les industriels n’en veulent pas, il y a trop de blessures sur les abricots », déplore t-il.

Que faire de ces tonnes de fruits rendus invendables mais toujours consommables ? Refusant le gaspillage alimentaire, Régis Gonnet a organisé le 16 juillet, avec des membres de la Confédération paysanne, une action de « ramassage solidaire » sur ses parcelles. L’idée : faire profiter des familles dans le besoin en redistribuant les fruits à des associations locales : Secours populaire, Réseau éducation sans frontières, Restos du cœur, Secours catholique, Confits du cœur de Romans, Banque alimentaire…

Une vingtaine de personnes issues de ces réseaux, et pour certaines bénéficiaires d’aide alimentaire, sont venues prêter main-forte lors du ramassage. Au total, 1,2 tonne d’abricots ont été cueillies, dont une partie sera distribuée et l’autre transformée en confitures. « On a récupéré environ 10% de ce qu’il y avait sur les arbres, précise Régis. On a ramassé ce qui pouvait se conserver, et on a laissé tout ce qui était trop mur ou trop touché. Il était important pour nous de donner des fruits plutôt jolis. »

Face aux « épisodes climatiques », un fonds mutualisé ou d’onéreuses assurances privées ?

Pour la suite, Régis Gonnet est dans l’incertitude. Comme la majorité des agriculteurs, il n’est pas assuré – à peine 3% des arboriculteurs étaient couverts par une assurance selon les dernières données disponibles [1]. Le prix élevé de l’assurance conjugué à la difficulté à se faire indemniser sont autant d’écueils [2]. C’est l’amer bilan tiré par Marc Bissardon, arboriculteur à Chagnon dans la Loire. « Au départ, on avait une assurance gel mais elle est devenue de plus en plus chère. Lorsque 60% de notre production a été touchée par la grêle, les assureurs nous montraient les fruits abîmés en disant que nous pouvions en tirer profit. » Depuis, Marc a décidé avec sa compagne de ne pas prendre d’assurance mais de jouer sur la diversité de leur production à des endroits assez divers.

Au lendemain de l’épisode de grêle mi-juin, le ministre de l’Agriculture Didier Guillaume a promis une aide exceptionnelle d’urgence. « Nous interpellons le ministère depuis un mois pour que les déclarations de M. le Ministre dès le 16 juin ne restent pas lettre morte et qu’il s’engage concrètement et financièrement à aider les paysans sinistrés », souligne la Confédération paysanne de l’Ardèche dans un communiqué. « Ce qu’on demande pour l’avenir, précise Régis Gonnet, c’est la mise en place d’un fond mutualisé et géré par l’État assurant les paysans contre des épisodes climatiques tels que nous venons d’en connaître, plutôt que le développement d’un système d’assurances privées qui continuera à faire de nombreux perdants au sein du monde agricole ».

Sophie Chapelle

Notes

[1Les grandes cultures sont le secteur le plus couvert (35,43 % des surfaces). C’est 18% en viticulture et 14% en maraichage. Données 2012 relatives aux surfaces françaises couvertes par l’assurance récolte.

[2Des minimums de perte sont en effet requis par l’assureur, seuils qui ne sont pas toujours très bien compris ni très transparents.