Grand projet inutile

Victoire partielle pour les opposants au projet de contournement autoroutier de Rouen

Grand projet inutile

par Thalia Creac’h

La métropole Rouen-Normandie vient de se prononcer contre le financement de la construction d’un contournement autoroutier. Les opposants au projet demeurent vigilants, d’autres collectivités ayant annoncé vouloir le financer coûte que coûte.

C’est un soulagement pour les opposants à la proposition de contournement autoroutier à l’est de Rouen. Le 8 février, la métropole a voté contre son financement, qu’elle devait prendre en charge à hauteur de 66 millions d’euros [1]. Le projet est dans les tuyaux depuis près de 50 ans. Il inclut la construction de huit viaducs, de 41,5 kilomètres d’autoroute à péages et de six échangeurs, pour un coût estimé à près d’un milliard d’euros. Son objectif ? Selon ses promoteurs, il s’agit de désengorger le cœur de l’agglomération rouennaise en détournant en partie les trafics d’échange et de transit, et notamment ceux effectués en poids lourds. Cette nouvelle autoroute devait également permettre d’améliorer les liaisons entre l’Eure et l’agglomération.

Carte réalisée par le collectif Non à l’autoroute A133-A134, représentant le tracé du projet.

Le collectif « Non à l’autoroute A133-A134 », chef de file de l’opposition

Ce vote contre le projet de contournement Est fait suite à une intense mobilisation locale, portée notamment par le collectif Non à l’autoroute A133-A134, composé de citoyens, d’associations, de représentants du monde agricole et d’acteurs politiques. Pour Arnaud Binard, joint par Basta! et membre du collectif, l’intervention des citoyens a été déterminante pour faire échouer le projet : « Ça a été une opposition du public comme jamais on en voit ». Les membres du collectif ont réalisé différentes expertises afin de démontrer le danger pour la faune et la flore, l’artificialisation des sols, la menace sur l’eau potable de la région et la santé des habitants. Ils ont également déposé plusieurs recours auprès du Conseil d’État.

Le collectif pointait également l’inutilité de ce contournement, considérant qu’il ne parviendrait pas à réellement désengorger le centre de la métropole rouennaise – les prix prévus pour les péages étant trop élevés au regard du gain de temps minime. Au terme de cette longue bataille, le collectif salue le vote de la métropole. « Certains d’entre-nous sont depuis plus de quinze ans sur le dossier », observe Guillaume Grima, membre de l’association environnementale Effet de serre toi-même, contacté par Basta!. Depuis trente ans, la métropole Rouen-Normandie a toujours été favorable. Ce qui est historique là, c’est que l’intercommunalité autour de la commune de Rouen a basculé du pour au contre. » La présidence de la métropole de Rouen-Normandie a changé début 2021 et le nouveau président, Nicolas Mayer Rossignol (PS), s’est fortement opposé à ce contournement.

« L’argent qui va être débloqué doit être utilisé pour les alternatives et pour les gens ! »

Avant le vote qui réunissait 125 conseillers métropolitains, Nicolas Mayer Rossignol, a appelé l’ État, le conseil régional et le conseil départemental à soutenir plusieurs propositions alternatives, parmi lesquelles la création d’une voie destinée au covoiturage, le renforcement des liaisons ferroviaires dans la région et un ensemble de mesures limitant la circulation des poids lourds.

Ces propositions font écho à celles du collectif répertoriées sur leur site internet. Comme l’indique Guillaume Grima, « il y a des alternatives, il faut les construire sur le territoire, il faut que les élus s’en emparent. » « L’argent qui va être débloqué doit être utilisé pour les alternatives et pour les gens !, complète Arnaud Binard. J’espère que ça donnera envie à d’autres de se pencher sur des dossiers. Maintenant qu’on a gagné, il y en a qui nous téléphonent pour nous dire : venez-nous voir ! »

Rétropédalage de la Région Normandie

Même si l’annulation du projet semble être en bonne voie, elle n’est pas totalement définitive. Le simple retrait de la métropole ne suffit pas pour y mettre un terme. La part globale du financement public prévu s’élève à 490 millions d’euros (la part restante était censée être apportée par l’entreprise choisie comme concessionnaire). Il y a quelques années, le département de l’Eure, l’intercommunalité Caux-Vexin et la Communauté d’agglomération Seine-Eure s’étaient retirés du projet. Alors que le vote de la métropole Rouen-Normandie était imminent, l’État et la Région Normandie avaient indiqué qu’ils suivraient la décision de la métropole si elle se retirait. Mais la Région vient de revenir sur sa décision.

Lors d’une conférence de presse le 11 février, la Région Normandie et le département de Seine-Maritime ont annoncé vouloir augmenter leurs propres apports, afin de pallier le désengagement de la Métropole. Soit, une augmentation de 157 à 205 millions d’euros pour la Région, et de 22 à 40 millions pour le Département [2]. Reste à savoir si l’État va maintenir sa subvention de 245 millions d’euros, alors même qu’il avait indiqué qu’il ne pourrait pas aller contre la volonté des élus rouennais [3]. Suite à ces rebondissements, les membres du collectif Non à l’Autoroute A133 A134 demeurent pour le moment, selon Guillaume Grima, en « état de vigilance complet ».

Thalia Créac’h

 Une : photo issue de la page Facebook du collectif opposé au contournement Est de Rouen

À lire également : Le projet d’autoroute A45 définitivement enterré

Notes

[1En complément aux 490 millions d’investissements publics, le projet de contournement Est de Rouen requiert 400 millions d’investissements privés.

[2Lire cet article de 76 Actu à ce sujet. Les votes de la Région et du département de Seine-Maritime concernant leur contribution financière au projet de contournement Est de Rouen auront lieu respectivement les 15 février et 8 avril 2021.

[3Le préfet de Normandie, Pierre-André Durand, avait annoncé le 26 janvier à la presse que l’État — engagé à hauteur de 245 millions d’euros — « [n’imposerait] pas cette infrastructure ».