Conditions de travail

Un paysan tué par les gendarmes : la pression des contrôles sanitaires en question

Conditions de travail

par Sophie Chapelle

Un agriculteur a été tué par des gendarmes le 20 mai à Sailly, en Saône-et-Loire, alors qu’il tentait de prendre la fuite. Jérôme Laronze, éleveur de bovins âgé de 37 ans, faisait l’objet d’actives recherches depuis le 11 mai. Ce jour-là, des inspecteurs des services vétérinaires de la Direction départementale de la protection de la population (DDPP) se rendent dans sa ferme, accompagnés de forces de l’ordre. Selon les premiers éléments de l’enquête, Jérôme Laronze « fonce » alors avec son tracteur sur les gendarmes, avant de prendre la fuite. « Ce contentieux entre l’agriculteur et l’inspection sanitaire remontait en fait à plusieurs années. L’inspection l’avait déjà sanctionné pour défaut de soin sur ses bêtes, quand Jérôme Laronze invoquait lui des lourdeurs administratives », rapporte France 3 [1].

Moratoire sur les contrôles

Recherché par les gendarmes, l’homme s’était confié le 18 mai au Journal de Saône-et-Loire. Il évoque la « colère du juste » pour justifier son coup de sang lors du contrôle qui avait dégénéré. Dénonçant la « solitude » de l’agriculteur « face aux contrôleurs », le trentenaire avait pourtant affirmé n’avoir « absolument pas l’intention de (se) suicider ». Les gendarmes le localisent finalement le 20 mai, dans une voiture, garé dans un chemin étroit. « Alors que les gendarmes s’approchaient de lui, Jérôme Laronze a foncé sur eux, selon Karine Malara, procureure de la République de Mâcon. Se sentant menacés, les militaires ont ouvert le feu à plusieurs reprises. Il a été touché mortellement. »

Jérôme Laronze était adhérent à la Confédération paysanne. Le syndicat dénonce dans un communiqué « les méthodes employées face à la détresse économique et humaine ». « Nous mettons ici en question l’absence de prise en compte de la détresse des hommes, souvent seuls dans leur ferme, confrontés à l’humiliation d’un contrôle qui peut parfois faire agir les paysans au-delà de la raison. » Contactée par Basta!, Cécile Muret, membre du comité national de la région Bourgogne Franche-Comté, précise que le syndicat départemental avait obtenu un an plus tôt que Jérôme Laronze soit accompagné lors des contrôles par un paysan de la Confédération paysanne. « Là, il semble que c’était un contrôle inopiné et Jérôme était seul. Ce n’est pas en envoyant les gendarmes que l’on fait avancer les choses », déplore t-elle.

Des contrôleurs assassinés

Le syndicat demande dans l’immédiat un moratoire sur les contrôles. « Les retards d’aides de la Politique agricole commune combinée à la pression des contrôles ne font qu’ajouter à la détresse », souligne Cécile Muret. Une rencontre avec le nouveau ministre de l’Agriculture, Jacques Mézard, est prévue le 23 mai. « Il faut que le travail des paysans trouve une reconnaissance humaine et économique. Ce n’est qu’à ce moment que les normes et les contrôles retrouveront tout leur sens et serviront l’intérêt général. » La procureur de Mâcon a par ailleurs annoncé l’ouverture d’une procédure pour « violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner ».

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Ce drame qui touche le monde paysan et illustre un terrible défaut d’accompagnement, ne doit pas faire l’impasse sur les conditions de travail des contrôleurs. Le 2 septembre 2004, un contrôleur du travail et un agent du service de contrôle de la Mutualité sociale agricole, Sylvie Trémouille et Daniel Buffière, ont été assassinés par un agriculteur lors d’une inspection dans une exploitation agricole, à Saussignac en Dordogne. Plus récemment, le 17 février 2016, une jeune conseillère agricole a été tuée par un éleveur à Mayran, dans l’Aveyron, lors d’une visite sanitaire dans l’exploitation laitière [2].