Justice

Un gendarme condamné pour l’usage d’une grenade sur la ZAD de Sivens

Justice

par Ludovic Simbille

Le 8 janvier 2019, un gendarme a été condamné à six mois de prison avec sursis pour avoir grièvement blessé une manifestante opposée à la construction d’un barrage à Sivens (Tarn). Le militaire de 49 ans comparaissait à la chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Toulouse pour « violences volontaires ayant entraîné une ITT de 15 jours avec arme par personne dépositaire de l’autorité publique ».

Le 7 octobre 2014, ce membre du Peloton de surveillance et d’intervention (PSIG) d’Albi tente d’évacuer les quatre occupants d’une caravane, installée sur la « zone à défendre » (ZAD). Sur une vidéo filmant l’intervention, on voit le maréchal des logis effectuer une sommation. On l’entend dire : « à trois je vous laisse partir », avant de lancer par la fenêtre de l’habitation de fortune une grenade de désencerclement de type DMP (pour « dispositif manuel de protection »). Croyant avoir affaire à une grenade lacrymogène, Elsa, 24 ans au moment des faits, tente d’attraper l’engin explosif lorsque celui-ci éclate dans sa main droite. Grâce à de nombreux soins intensifs, la jeune femme échappe à une nécrose et ne perd pas l’usage total de son membre. Elle décide de porter plainte et de se constituer partie civile.

A son procès, le lanceur de la grenade a reconnu que son acte était « une erreur ». « C’était inapproprié, il n’y avait pas de menaces », a-t-il admis à la barre. L’homme a été interdit de détenir une arme pendant six mois et doit verser 1000 euros d’amende. Sa peine ne sera pas inscrite à son casier judiciaire et il pourra continuer à exercer ses fonctions. Dans sa propre enquête, l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) avait également conclu à une « faute professionnelle » du fonctionnaire.

Douze personne éborgnées, quatre ont eu la main arrachée

Au delà de l’imputation individuelle, l’avocate de la partie civile a considéré durant sa plaidoirie que l’utilisation de cette arme était « en dehors du cadre légal ». Elle a annoncé qu’elle visait la mise en cause dans une procédure ultérieure « de la responsabilité de l’État ». Trois semaines après la blessure d’Elsa, Rémi Fraisse était tué sur le site de Sivens par une grenade offensive type OF-F1, lancée par un gendarme. En janvier 2018, la justice a rendu un non-lieu sur les responsabilités de ce drame [1]. Suite à ce drame, le ministre de l’Intérieur avait proscrit le recours à ces modèles OF-F1.

L’audience au TGI de Toulouse a été l’occasion pour plusieurs personnes blessées par les forces de l’ordre de dénoncer l’usage de ces armes dites intermédiaires. Comme Laurent Théron, aide-soignant syndiqué à Sud-Santé, éborgné par un galet de grenade DMP pendant les manifestations contre la loi travail en 2016. Ce procès intervient en plein mouvement des « gilets jaunes », marqué par le recours massif de grenades et de lanceurs de balles en caoutchouc. Selon le recensement établi par le collectif Désarmons-les, présent au TGI, quatre personnes ont eu la main arrachée par un grenade explosive GLI F4, douze personnes ont été éborgnées par des balles de LBD 40 et une personne a perdu définitivement l’audition, depuis le début de la contestation. Plusieurs de ces victimes ont décidé de porter plainte à leur tour pour des violences volontaires ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente.

Photo : Serge d’Ignazio