Discriminations

Des associations se mobilisent contre les propos anti-tsiganes d’un maire

Discriminations

par Solani Bourébi

Un communiqué anti-tsiganes de la mairie de Voisenon (Seine-et-Marne) s’opposant à l’arrivée de sept caravanes a provoqué l’indignation des associations pour la défense des droits des gens du voyage. Une plainte a été déposée contre le maire.

Le 9 mai, les habitants de la commune de Voisenon découvraient dans leurs boîtes aux lettres un message de leur mairie les avertissant de l’arrivée de personnes issues de la communauté des gens du voyage. « Vigilance gens du voyage », « Ensemble défendons Voisenon ! », lit-on sur cette missive. Fortement opposé à l’arrivée de « ces personnes », le maire a dégainé tout un arsenal, déployant arrêtés municipaux et forces de l’ordre, pour empêcher le stationnement des sept caravanes. Des mesures jugées répressives et discriminatoires – dont le maire s’est par ailleurs vanté sur les réseaux sociaux avant de retirer ses publications – qui n’ont pas échappé aux internautes et aux associations.

Deux jours après l’édition et la distribution du communiqué, l’Association nationale des gens du voyage citoyens et France liberté voyage – les deux principales associations pour la défense des droits des gens du voyage – décident de porter plainte contre le maire pour incitation à la haine. « Les propos clivants tenus par le maire de Voisenon font écho à une libération des discours de haine que nous constatons depuis plusieurs mois », estime l’association SOS Racisme en publiant une demande d’excuses publiques. La Ligue des droits de l’homme réfléchit quant à elle à un recours juridique. Suite aux nombreuses réactions, le maire s’est fendu d’un message « d’excuses » dans lequel il se défend de tous propos xénophobes, prétextant un manque de structures et de dispositifs d’accueil pour les voyageurs. Des explications peu convaincantes qui n’ont pas suffi à apaiser les tensions.

Faisant preuve d’un antitsiganisme à peine camouflé, les propos du maire de Voisenon sont malheureusement loin de faire exception. Partout en France, les gens du voyage se confrontent régulièrement à l’hostilité des collectivités et des élus locaux, qui tardent, ou parfois refusent, à mettre en place les structures d’accueils nécessaires, même en période de crise sanitaire.

« Dans une aire d’accueil de l’Hérault, un seul point d’eau est disponible pour près de 100 personnes »

Pendant le confinement, les conditions de vie sur les aires d’accueil, pour certaines délabrées et insalubres, ont parfois lourdement pesé. William Acker est juriste, et travaille sur les questions d’accueil et de justice environnementale pour les gens du voyage. Il rapporte les difficultés quotidiennes rencontrées par les confinés des aires d’accueil : « Ils se sont retrouvés confinés sur la même aire, et devaient partager un nombre limité de sanitaires. L’accès à l’eau est l’une des principales problématiques. Dans une aire d’accueil de l’Hérault, un seul point d’eau est disponible pour près de 100 personnes. Et on ne compte pas plus de 3 robinets pour 75 personnes dans une aire de la Seine-Maritime. » Dans certaines aires, l’impossibilité de maintenir la distanciation sociale a parfois eu de lourdes conséquences. À Pressac (Vienne), plus de trente cas de Covid ont été déclarés dans la communauté.

Aux conditions sanitaires parfois difficiles s’ajoutent l’impossibilité de circuler et la perte de revenus. Principalement marchands, forains, artisans, et travailleurs indépendants, certains confinés des aires d’accueils doivent choisir entre l’endettement ou l’expulsion. Malgré les réclamations des associations, aucune gratuité ou exonération des charges n’a été mise en place pour les voyageurs confinés sur les aires. Face au silence et à l’inaction du gouvernement, les voyageurs sont bien souvent livrés à eux-mêmes, et doivent trouver le moyen de survivre sans revenu et sans aides sociales. « Il y a certaines aires où personne n’est venu les voir. Parfois ce sont les associations qui ont fait le relais. En outre, ce que l’État n’a pas fait, ce sont les associations qui s’en sont chargées. », témoigne William Acker.

Si les conditions d’accueil ne sont pas les mêmes partout en France – certaines collectivités se montrant plus enclines que d’autres à mettre en place les structures nécessaires – l’antitsiganisme est toujours bien présent. Et avec lui, un ensemble de politiques d’hostilité visant à discriminer et exclure cette partie de la population française. Le 15 mai, l’association La Voix des Rroms publiait une tribune dans le Bondy Blog afin de dénoncer les conditions de vie des gens du voyage pendant le confinement, et la propagation des discriminations et actes de haine à leur encontre.

Solani Bourébi