« Pour la droite, le béton prime toujours sur la terre » : l’hypocrisie agricole de Laurent Wauquiez

par Collectif

Laurent Wauquiez et Les Républicains jouent la carte de la défense de l’agriculture. « Comment prétendre défendre la souveraineté agricole en refusant de lutter contre la bétonisation ? » interrogent des conseillers régionaux écologistes. Tribune.

30% des agriculteurs et des agricultrices luttent pour vivre dignement de leur travail. Ils produisent sous la pression de l’industrie agroalimentaire, de la grande distribution et de la concurrence déloyale alimentée par les traités de libre-échange. Les inégalités d’accès au foncier s’intensifient. Les tensions dans l’accès à l’eau s’accroissent. Et les effets de l’extinction du vivant et du dérèglement climatique sont désormais des réalités palpables.

Face à la colère légitime du monde agricole, le champ politique semble s’être soudainement réveillé. Depuis, certains ont décidé de labourer à outrance, espérant récolter demain quelques électeurs de plus. Parmi eux, Laurent Wauquiez et son parti, Les Républicains, ont joué à maintes reprises la carte de la défense de l’agriculture.

Mais derrière les discours enflammés de Laurent Wauquiez [actuel président de la région Auvergne Rhône-Alpes] et de la droite se dissimule une hypocrisie flagrante.

Bétonisation et soutien aux accords de libre-échange

Comment prétendre défendre la souveraineté agricole en refusant de lutter contre la bétonisation des terres les plus fertiles ? Comment freiner le mitage des terres en menaçant de « sortir la région Auvergne-Rhône-Alpes du ZAN » (Zéro artificialisation nette) ? [1] Qu’il s’agisse du doublement de la RN88 en Haute-Loire ou du soutien aux méga-plateformes logistiques, pour la droite, le béton prime toujours sur la terre.

Comment une personne peut-elle à la fois déclarer lors de ses vœux fin janvier 2024 : « Nos propres exploitations agricoles seront tuées. Il faut défendre ce qui est fait sur notre sol, limiter les importations. [...] Il faut que la politique européenne change », et être celle qui a, comme chef de parti, désigné les eurodéputés LR qui ont voté en faveur de la plupart des traités de libre-échange qui ouvrent nos marchés à des produits agricoles issus de pratiques non conformes aux normes européennes en matière de bien-être animal ou d’environnement, et en faveur de la Politique agricole commune (PAC) qui favorise les grandes exploitations au détriment des petites structures ?

A la tête de la région Auvergne-Rhône-Alpes, l’autopromotion de Laurent Wauquiez cache son inaction face à la destruction des terres nourricières ; son absence de politique d’accompagnement de la loi Egalim pour la restauration lycéenne, et son déni de la nécessaire adaptation face au changement climatique.

La droite, majoritaire depuis des décennies en France et en Europe, a favorisé le productivisme et le libéralisme au détriment des agriculteurs et des terres. Elle a soutenu la dérégulation du commerce international via les accords de libre-échange et s’est opposée à toute tentative de régulation des prix, des volumes et des marges.

« Pour une politique agricole et alimentaire écologique »

La révolte paysanne n’est pas terminée.

Sur les barrages routiers et les mobilisations, les agriculteurs et agricultrices nous ont fait part du manque de reconnaissance, des contraintes économiques et administratives fortes mais aussi et surtout d’un modèle économique mortifère, modèle pourtant promu par la FNSEA et la droite depuis des années. La concurrence déloyale, la dépendance aux intrants dont les prix s’envolent, la course à l’investissement et à l’endettement ne leur permettent pas de faire face aux enjeux écologiques inédits de notre époque.

Pour une politique agricole et alimentaire écologique, il est impératif de sortir de la démagogie, et de garantir à la fois une juste rémunération des paysans, une transition vers une agriculture durable et une alimentation de qualité accessible à toutes et tous. Au niveau européen et national, une répartition plus équitable des aides et une régulation des échanges sont nécessaires. Et dans nos conseils régionaux, chefs de file en matière d’agriculture, des actions concrètes doivent être entreprises :

• La concentration des financements publics sur des projets agricoles favorisant le développement de l’emploi et de la souveraineté agricole locale, et non plus tournés vers l’exportation.

• Le soutien massif à l’agriculture biologique, pour devenir la première région bio de France, selon une communication chère au président de la Région.

• L’appui à l’autonomie des fermes, en réorientant les financements régionaux pour réduire les consommations énergétiques, l’utilisation d’engrais et pesticides et l’alimentation importée pour le bétail.

• La multiplication des accompagnements à la transition agricole, en collaboration avec l’ensemble des organismes compétents tels que l’ARDEAR [association œuvrant pour le développement de l’agriculture paysanne] sur l’installation agricole et les GAB sur l’agriculture biologique [2], avec une garantie pérenne de financement régional à ces structures.

• L’utilisation du levier déterminant qu’est la commande publique pour soutenir les filières locales et biologiques, avec un objectif de 100% de produits régionaux et bio dans les cantines des lycées d’ici 2030.

• Le soutien aux caisses alimentaires locales dans le cadre de l’expérimentation de la sécurité sociale de l’alimentation.

Il est temps de passer des paroles aux actes. L’agriculture mérite mieux que des discours creux et des politiques hypocrites. Du champ à l’assiette, agriculteurs et consommateurs ont besoin d’un véritable sursaut politique, basé sur des mesures concrètes et un engagement réel en faveur d’une agriculture durable et équitable.

Renaud DAUMAS, conseiller régional (Haute-Loire), maraîcher bio ; Maud GRARD, conseillère régionale (Drôme), chargée de projet de sensibilisation sur l’environnement et l’alimentation ; Bénédicte PASIECZNIK, conseillère régionale (Métropole de Lyon), ingénieure agronome ; Grégoire VERRIÈRE, conseiller régional (Puy-de-Dôme), apiculteur et animateur associatif auprès d’éleveurs

Photo de une : portrait dessiné de Laurent Wauquiez / Thierry Ehrmann via FlickR - CC BY 2.0 Deed

Notes

[1Laurent Wauquiez avait annoncé son retrait du dispositif ZAN en septembre 2023, devant le congrès de l’Association des maires ruraux. Ce dispositif prévoit qu’en 2025 les communes ne pourront plus bétonner des terrains naturels, forestiers ou agricoles, à moins de désartificialiser une surface équivalente. Dans un courrier adressé le 19 février dernier aux maires, le président de région renonce finalement à ne pas respecter le dispositif.

[2GAB est l’acronyme de Groupement pour l’agriculture biologique