Droits

Quinze militants en situation de handicap condamnés à de la prison avec sursis

Droits

par Rachel Knaebel

Seize militants toulousains pour l’accessibilité étaient jugés pour deux actions de 2018. Quinze ont été condamnés le 19 mai à de la prison avec sursis. Ils dénoncent les conditions de leur jugement, sans aucun aménagement prévu face à leurs handicaps.

« Ils veulent nous faire taire, mais ce n’est pas comme cela qu’il vont y parvenir. » Odile Maurin, conseillère municipale d’opposition à Toulouse, Gilet jaune et militante pour les droits des personnes en situation de handicap a encore une fois été condamnée par la justice pour son activisme. Ce 19 mai, le tribunal de Toulouse a rendu son jugement à l’encontre des seize prévenus jugés le 23 mars dernier pour des actions visant à dénoncer le manque d’accessibilité des transports. La majorité de ces personnes jugées sont elles-mêmes en situation de handicap. Elles étaient poursuivies pour « entrave à la circulation » pour deux actions datant de 2018 : une échappée sur les pistes de l’aéroport de Toulouse-Blagnac et le blocage d’un TGV Toulouse-Paris. Quinze d’entre elles ont été condamnées à de la prison avec sursis pour cela.

Odile Maurin écope de la plus lourde peine, six mois de sursis. Un autre activiste qui était présent sur les deux actions a reçu quatre mois de sursis, les autres deux mois. Une prévenue qui n’avait participé qu’au blocage du TGV a été condamnée à une amende de 750 euros. Tous comptent faire appel.

Pour Odile Maurin, c’est la troisième condamnation pour des actions militantes en moins de deux ans. L’élue locale (sur la liste participative Archipel citoyen) a déjà été jugée en décembre 2019 pour des accusations de « violences sur personne dépositaire de l’autorité publique avec arme par destination », en l’occurrence son fauteuil roulant. Elle s’était placée face au camion de police, dont le canon à eau aspergeait les manifestants, pour l’empêcher d’avancer. Un policier s’était emparé de la commande du fauteuil pour la faire partir, le fauteuil s’était retrouvé propulsé sur le véhicule de police (voir notre article). Odile Maurin avait alors été condamnée à deux mois de prison avec sursis, un an d’interdiction de manifester et 2000 euros de dommages au policier. Elle a fait appel, la procédure est toujours en cours. En novembre 2020, elle était retournée à une manifestation en soutien au personnel hospitalier, et a été de nouveau jugée en février dernier pour avoir ce jour-là enfreint son interdiction de manifester. Elle a alors écopé de 1500 euros d’amende, dont 1000 avec sursis. Odile Maurin repasse en procès le 8 juin prochain pour « entrave à la circulation » pour une opération dite de « péage gratuit » organisée en 2019 pour défendre les droits des personnes en situation de handicap. « Nous étions 150 lors de cette opération, je suis la seule à être poursuivie », pointe-t-elle.

Le 23 mars, jour du procès, devant la salle d’audience à Toulouse. ©Handi-Social.

« Une volonté de ne pas adapter la justice aux personnes en situation de handicap »

Le procès du 23 mars a aussi mis en lumière le manque d’accessibilité de la justice elle-même. Le tribunal n’avait prévu aucun aménagement nécessaire pour accueillir les personnes prévenues qui sont en situation de handicap. « Le tribunal les a reçues sans interprète, sans micros opérationnels, avec pour faire office d’ascenseur un monte-charge inconfortable et mal odorant. Les documents n’étaient pas lisibles pour la synthèse vocale utilisée par l’accusée aveugle…. Pour dire le droit, la justice les a ainsi mis dans une situation indigne et en rupture d’égalité. Dans l’impossibilité de se rendre aux toilettes, ces femmes et ces hommes ont été forcés de porter des couches, de s’uriner dessus. Qui accepterait cela ? » a dénoncé l’association Droit pluriel, qui s’engage pour une justice accessible et a accompagné les activistes toulousains lors du rendu du jugement.

L’accessibilité n’était pas plus assurée pour le jugement ce 19 mai. « Le jugement a été rendu dans une salle où les débats n’étaient pas audibles, où les règles sanitaires n’étaient pas respectées », raconte Odile Maurin. Pour l’élue toulousaine, il y a une volonté de ne pas adapter la justice aux personnes en situation de handicap ».

Rachel Knaebel

Photos : ©Handi-Social