Grand projet inutile

Notre-Dame-des-Landes : un chef d’entreprise pointe l’impact économique néfaste du futur aéroport

Grand projet inutile

par Jean-Marie Ravier

Le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes permettrait de libérer un espace pour l’expansion de la ville de Nantes ? Ou de diminuer le bruit généré par l’aéroport actuel, qui deviendra bientôt insupportable pour les riverains ? Des arguments démontés par un chef d’entreprise nantais, dans une lettre ouverte à Patrick Rimbert, maire de Nantes. Le PDG de Mécan’outil, une PME fabriquant des machines outils pour le BTP, pointe également l’impact économique néfaste du projet de Notre-Dame-des-Landes, avec l’explosion des taxes d’aéroport et des frais de transport. Un surcoût qui pourrait peser sur le contribuable nantais.

Lettre ouverte de M. Jean-Marie Ravier, chef d’entreprise, à M. Patrick Rimbert, maire de Nantes.

Monsieur le Maire,

Vous êtes très sensible sur le sujet du bruit, j’ai bien noté une de vos prises de position : « Je suis pour un durcissement des normes de bruit pour assurer une meilleure qualité de vie des habitants. C’est une contrainte mais c’est pour le bien-être des habitants ». Vous avez donc sûrement été attentif à l’émotion de certains de vos administrés, suite à la publication d’une étude de la DGAC (Direction générale de l’Aviation civile, du Ministère de l’écologie, ndlr) sur l’évolution du bruit d’ici 2030. Cette étude conclut à une augmentation importante du bruit (comme on l’avait demandé à la DGAC ?). Un battage médiatique savamment orchestré a amplifié l’émotion de vos administrés.

La vérité est exactement inverse ! Les zones de bruit aéroportuaires diminuent à Nantes, comme partout dans le monde :
 Londres Heathrow, avec une division par 8 des populations concernées de 1980 à 2006, malgré une augmentation de 60 % du trafic ;
 Paris, où le dernier indice synthétique de bruit aéroportuaire IGMP a baissé de plus de 20,2% depuis le niveau moyen 1999/2000.
 Les aéroports américains, comme en témoigne Anne Kohut, rédactrice en chef de la revue Airport Noise : « Le fait que les zones de bruit rétrécissent malgré l’augmentation du trafic en avions plus silencieux est bien connu aux US ».
 Et même Nantes, suivant les mesures faites depuis des années, auxquelles on fait peu de publicité ! Certaines d’entre elles figurent d’ailleurs sur le site de Nantes métropole.

Il est évident pour les experts que la diminution actuelle des zones de bruit va s’accélérer avec la prochaine mise en service d’avions extrêmement silencieux, l’Airbus A350, qui a récemment survolé Nantes dans un silence impressionnant, l’Airbus A 320 Neo, etc. Ces nouveaux avions sont d’ores et déjà commandés en très grandes quantités, ils consomment très peu et vont envoyer à la retraite des bruyants gouffres à kérosène, bien avant leur limite d’âge.

Le Collectif d’élus doutant de la pertinence de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (CéDpa) a fait faire une étude par des experts néerlandais, spécialisés dans le calcul des Plans d’exposition au bruit. Celle-ci confirme la diminution des zones de bruit sur Nantes d’ici 2030. Cette étude a pris en compte la modernisation de la flotte aérienne (à lire ici). Pour un calcul à l’horizon 2030, il parait évident aux experts néerlandais d’intégrer ce paramètre. Ce n’est pourtant pas le point de vue des fonctionnaires de la DGAC. Ce choix de la DGAC parait incompréhensible, il est indispensable de le faire expertiser. J’estime qu’on ne peut en rester là. L’enjeu est de taille, n’est-ce pas ?

J’ai travaillé ce sujet et assisté le CéDpa dans ses travaux. J’estime que Nantes peut continuer sereinement à urbaniser sans aucun risque de nouvelle contrainte liée au bruit aéronautique toutes les zones urbaines de Nantes, en particulier l’ile de Nantes.

L’argument suivant lequel « nous ne pourrions pas accueillir 20 000 habitants si nous ne faisions pas ce choix de libérer cet espace » est faux :

 D’une part parce que le maintien de la piste pour Airbus ne permet de libérer que des zones mineures, en périphérie de la plate forme ;

 D’autre part parce que Nantes est au cœur d’une vaste zone sans reliefs significatifs, où les réserves foncières sont abondantes. Donc, il faut être honnête, il n’y a rigoureusement aucun risque de manquer d’espace !

Vous pouvez également tranquilliser vos administrés sur le sujet du bruit aéronautique. Je me permets sur ce point quelques suggestions :

1 - Une enquête sur le survol récent de la ville par un Rafale qui n’avait rien à y faire. Si vous ne la faites pas, d’autres s’en chargeront. Ce genre de comportement est honteux, préjudiciable à vos administrés, et doit être puni.

2 - Une révision de la tarification de l’aéroport de Nantes Atlantique : on prétend lutter contre le bruit, or on ne fait rien pour dissuader les vieux appareils bruyants. La tarification de Zurich (voir ici) montre qu’on peut utiliser l’arme de la tarification pour dissuader de façon efficace l’utilisation des appareils les plus bruyants. Notamment la nuit.

3 - Une révision des procédures aéronautiques : il serait facile de diminuer significativement le bruit sur Nantes, en mettant à jour les procédures. Il est incompréhensible de bloquer les choses à ce niveau. Paris l’a fait depuis plusieurs années, avec un niveau sonore divisé par deux sur de larges zones.

Par ailleurs, sur un autre sujet, j’attire votre attention sur les difficultés récurrentes de l’activité hôtelière à Nantes, que vous connaissez bien je suppose. La mise en place éventuelle de Notre-Dame-des-Landes serait néfaste pour ce secteur économique. En effet, cet aéroport aura un coût bien supérieur à ce qui est annoncé, qu’il faudra bien financer, le groupe VINCI n’étant pas réputé faire de la philanthropie. Ainsi, soit les taxes d’aéroport vont exploser, ce qui provoquera le départ d’une partie des compagnies low cost vers des plateformes plus compétitives – or ces low cost drainent une clientèle touristique vitale vers Nantes et sa région. Soit il faudra faire comme à Strasbourg, et c’est le contribuable nantais qui sera sollicité à hauteur d’une dizaine d’euros par passager. Est-ce bien raisonnable en ces temps de fronde fiscale ? Dans les classements, Nantes n’est pas vraiment bien placée en termes de charge fiscale. Un de vos objectifs est bien sûr de défendre le contribuable nantais !

Enfin, certaines de vos prises de position ont attiré mon attention et je profite de ce courrier pour vous répondre :

 « Nous voulons que notre territoire soit accessible ». La vérité : votre Ville est beaucoup plus difficile d’accès depuis Notre-Dame-des-Landes que depuis Nantes Atlantique, au voisinage immédiat de la rocade de Nantes. Les liaisons avec votre ville (taxi, transports en commun,…) seront au moins deux fois plus coûteuses ! Ce nouvel aéroport surdimensionné sera également beaucoup plus cher non seulement au niveau des taxes d’aéroport, mais au niveau de tous les frais indirects : parkings, etc… Le concessionnaire doit bien rentrer dans ses frais !! Je vous rappelle que Nantes Atlantique a été plébiscité meilleur aéroport européen de l’année en 2012 par les compagnies aériennes, notamment pour sa compétitivité.

 « L’aéroport sera un projet de territoire pour Nantes et pour Rennes ». J’ai beaucoup de mal à mettre de la substance sur ces belles paroles. Votre homologue le maire de Rennes s’est-il engagé à fermer son aéroport lors de l’ouverture de celui de Notre-Dame-des-Landes ?

 « L’aéroport sera une ouverture au monde pour les jeunes de notre territoire et nos chefs d’entreprise ». Même M. Gendron, président de la Chambre de commerce et d’industrie de Nantes, le reconnait : « Il ne faut pas rêver, ce n’est pas parce qu’on déplacera l’aéroport que de nouvelles lignes se créeront ! ». Bien au contraire, des lignes low cost vont partir. La desserte des lignes européennes de Nantes Atlantique est tout à fait performante aujourd’hui grâce à sa compétitivité, elle se compare de façon favorable à des plateformes de dimensions équivalentes comme Bordeaux ou Beauvais, ou même Toulouse qui est quasiment deux fois plus gros ! A l’avenir, elle risque plutôt de régresser si le nouvel aéroport se fait. Quant aux longs courriers, il ne faut pas rêver : des aéroports beaucoup plus gros que Notre-Dame-des-Landes en 2050 comme Lyon, Marseille et Nice n’ont au mieux qu’une seule ligne long-courrier régulière. Il n’y a rien de concret derrière cette « ouverture au monde » que vous nous faites miroiter.

Je sollicite de votre part un rendez-vous, afin de pouvoir répondre à toute question de votre part et de débattre sur ces sujets fondamentaux pour l’avenir de notre ville.

Courtoisement,

Jean-Marie Ravier, chef d’entreprise, habitant Nantes centre, survolé par les avions depuis 14 ans.