Luttes sociales

Après quinze mois de grève, victoire pour les postiers des Hauts-de-Seine !

Luttes sociales

par Nolwenn Weiler

Après quinze mois de grève et 40 séances de négociations avec la direction, les postiers des Hauts-de-Seine (92) ont enfin obtenu gain de cause ! Les négociations ont finalement abouti à un protocole qui reprend plusieurs des demandes sur lesquelles les grévistes refusaient de transiger, en particulier le report de la réorganisation des services, qui menaçaient de dégrader fortement leurs conditions de travail. « Nous sommes fiers du combat mené. Le 4 juillet nous reprendrons le travail plus forts ! Que cette grève serve d’exemple, d’espoir pour toutes celles et tous ceux qui refusent de vivre à genoux », a dit la délégation qui a signé le protocole d’accord. « C’était le pot de fer contre le pot de terre, et le pot de terre a tenu ! »

Création de 60 CDI

Le déclencheur du mouvement de grève a été le licenciement de Gaël Quirante, secrétaire départemental de Sud-Poste dans les Hauts-de-Seine. La procédure de licenciement, entamée en 2010, avait été successivement annulée par l’inspection du travail, le ministère du Travail (en 2011), puis par le Tribunal Administratif en 2014, avant d’être autorisée par la nouvelle ministre du Travail, Muriel Pénicaud [1] Cette longue grève a aussi été l’occasion de dénoncer la dégradation des conditions de travail. Les cadences se sont tant accélérées que la plupart des facteurs ne parviennent plus à boucler leurs tournées sans dépasser leurs horaires de travail réglementaires.

La question de l’évaluation du temps de travail réel fait partir des victoires obtenues par les grévistes. « Il faut arrêter de nous raconter des salades, disent-ils. Certes, il y a moins de cartes postales mais il y a une augmentation des petites colis et des recommandés.... Notre charge n’a donc pas diminué. Cette question du vol du temps de travail, l’ensemble des postiers et postières doivent s’en saisir. » L’opacité qui entourait le temps imparti aux diverses tâches des postiers devrait être levée. Il était jusqu’alors impossible de savoir pourquoi, par exemple, un recommandé était censé être distribué en une minute et trente secondes – un délai qui est, dans les faits, souvent impossible à respecter. Une soixantaine de CDI devraient par ailleurs être créés cette année dans le département.

Tenir 15 mois avec des fiches de paie à zéro euros

Autre victoire : le report de la réorganisation des services. Imposée à tous les bureaux de poste de France, les réorganisations transforment en profondeur les conditions de travail et de vie des facteurs en imposant une pause méridienne. Habitués à embaucher à l’aube pour finir vers 13h30, les facteurs sont désormais obligés de faire une pause à midi et doivent revenir l’après-midi pour terminer leurs tournées. Avec une charge de travail qui augmente, plus question de prendre le temps de converser avec des personnes seules, souvent âgées, et habituées à raconter des bouts de leur vie à leur facteur. A moins de leur faire payer ce temps. Ce point est « très important », ont déclaré les postiers qui ont signé le protocole d’accord : « Cela montre la possibilité de reporter les projets de la direction. D’autres collectifs de facteurs se battent, ailleurs en France, pour que la pause méridienne ne s’impose pas. »

Les grévistes ont rendu un hommage appuyé à tous ceux et celles qui les ont soutenus : collègues, amis, syndicats, usagers, avec une mention spéciale pour leur comité de soutien, qui a notamment géré la caisse de grève. Celle-ci a permis aux grévistes de tenir 15 mois avec des fiches de paie à zéro euros. Le combat n’est pas totalement terminé. « Les procédures en justice engagées par la Poste contre quatre d’entre-eux suite à leur mobilisation en 2018 suivent leur cours, signale Evelyne Perrin, du comité de soutien. Gaël Quirante est convoqué en correctionnelle ce mercredi 3 juillet au Tribunal de grande instance de Nanterre. Nous serons à ses côtés pour le soutenir. »

Photo : © NnoMan

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Notes

[1La procédure a été relancée en avril 2017, suite à l’annulation des décisions précédentes par la Cour d’Appel du Tribunal Administratif de Versailles. L’Inspection du Travail avait de nouveau refusé son licenciement, mais la Poste a contesté la décision de l’inspection du travail en introduisant un « recours hiérarchique ».