Face à la répression

Dissolution des Soulèvements de la Terre : des milliers de personnes prêtes à poursuivre les actions

Face à la répression

par Rédaction

La dissolution des Soulèvements de la Terre les empêche de communiquer depuis leurs propres réseaux. La rédaction de basta! fait le point sur la surprenante répression dont le mouvement écologiste fait l’objet, et sur la solidarité qui émerge.

Vingt-deux personnes ont été placées en garde à vue la semaine du 20 juin dans l’enquête sur l’action contre la cimenterie Lafarge de Bouc-Bel-Air et dans celle sur les affrontements à Sainte-Soline, la veille de l’annonce de la dissolution des Soulèvements de la Terre en Conseil des ministres le 21 juin. Une garde à vue dure normalement 24 h, mais peut être prolongée jusqu’à 96 h (quatre jours), voire au-delà en cas d’accusation de terrorisme, ce qui a été le cas pour plusieurs des interpellés. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin avait qualifié à plusieurs reprises le mouvement d’écoterroriste sans qu’aucune réalité judiciaire ne vienne étayer cette accusation.

« On assiste à un usage totalement inapproprié, et irresponsable, du terme d’“écoterrorisme”, dont le pouvoir abuse comme d’une étiquette infamante pour tenter de discréditer le mouvement », avait réagi, sur basta!, Jérôme Baschet, coprésident de l’Association pour la défense des terres, qui soutient financièrement le mouvement des Soulèvements de la Terre (et l’un des auteurs du livre collectif On ne dissout pas un Soulèvement aux éditions du Seuil).

Multiplication des interpellations et gardes à vue

Parmi les 17 personnes interpellées dans le cadre de « l’affaire Lafarge », figurait notamment l’un des porte-parole du mouvement des Soulèvements de la Terre, Benoît Feuillu ; un militant d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV) employé à la ville de Marseille, dont le parti écologiste avait dénoncé l’interpellation ; ainsi qu’un photojournaliste qui effectuait un travail documentaire au long cours sur le collectif et qui collabore notamment avec basta!.

Une première vague d’une quinzaine d’interpellations et gardes à vue avait déjà eu lieu début juin dans le cadre de l’enquête sur l’action menée contre la cimenterie Lafarge, avec là encore gardes à vue de près de quatre jours, rappelle Mediapart. Ces interpellations s’étaient déjà terminées par des remises en liberté sans poursuites.

La plupart des personnes interpellées le 20 juin ont également été remises en liberté et « aucune de ces personnes n’a été présentée devant le magistrat instructeur », a précisé le procureur. Deux d’entre elles sont néanmoins convoquées par la juge d’instruction d’Aix-en-Provence le 11 juillet pour « association de malfaiteurs » et « dégradation en réunion ».

Premières condamnations de militants

En parallèle, cinq interpellations, presque synchronisées, ont également été conduites le mardi 20 juin au matin par des gendarmes de la section de recherches de Poitiers, dans le cadre de l’enquête sur les affrontements lors de la manifestation contre les mégabassines le 25 mars à Sainte-Soline. Deux personnes ont été déférées en comparution immédiate : l’une d’elles a été condamnée à dix mois ferme, la deuxième a été placée en détention provisoire dans l’attente d’une prochaine audience du 27 juillet. Les trois autres devront comparaître devant le tribunal correctionnel le 27 juillet.

Des rassemblements de soutien auront lieu devant les différentes gendarmeries concernées dans les Deux-Sèvres, dans le Jura et en Loire-Atlantique, ce 28 juin dès 8h45, avec des convois de tracteurs et vélos.

De nouvelles convocations ont lieu ce mercredi 28 juin. Cinq représentants associatifs et syndicaux (CGT, Solidaires, Confédération Paysanne, Bassines Non Merci [1]) et trois militants des Soulèvements de la terre mis en cause dans la procédure de dissolution sont ainsi convoqués simultanément dans six gendarmeries pour « organisation d’une manifestation interdite à Sainte-Soline » en octobre 2022 et mars 2023. « Alors que ces manifestations étaient appelées par plus 200 organisations syndicales, politiques, paysannes et environnementales, ce ciblage est parfaitement injuste et constitue une opération de répression et d’intimidation », estiment les Soulèvements de la terre.

« La justice est vraisemblablement bien plus pressée de trouver coûte que coûte des manifestantes à condamner pour l’exemple, que de poursuivre les gendarmes et la préfecture ayant pris le risque de tuer des manifestantes à Sainte-Soline notamment », dénoncent-ils dans leur communiqué.

« Nous appelons à maintenir un soutien large dans les semaines et mois à venir »

Le mouvement appelle à « maintenir un soutien large dans les semaines et mois à venir avec l’ensemble des personnes mises en cause. » Plusieurs rassemblements de soutien sont prévus, comme l’illustre la carte ci-dessous régulièrement mise à jour [2].

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« Procéder à ces arrestations la veille de la dissolution des Soulèvements de la Terre et mettre en garde à vue pendant 4 jours certaines personnes visées nominativement par la procédure de dissolution, c’était tenter de nous empêcher de nous défendre publiquement » estiment les Soulèvements de la Terre. Parmi les huit personnes interpellées le 20 juin à Notre-Dame-des-Landes pour être interrogées dans les locaux de la police antiterroriste à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), figurait notamment Benoît Feuillu, l’un des porte-parole du mouvement des Soulèvements de la Terre.

« Le seul procès qu’il y aurait lieu de convoquer dans cette affaire, ce serait celui de Lafarge et de la complicité du gouvernement français avec ces entreprises qui, à l’heure de l’urgence climatique, compromettent les conditions mêmes de la vie sur terre à la seule fin de maintenir leurs profits », contre-attaque le mouvement. Rappelons que le cimentier Lafarge, cible d’une action des Soulèvements de la Terre, est lui-même mis en examen, dans le cadre de ses activités en Syrie, pour« financement d’une entreprise terroriste », « complicité de crimes contre l’humanité », « violation d’un embargo » et « mise en danger de la vie d’autrui ».

Une forte solidarité commence à émerger à la suite de la dissolution du mouvement écologiste. Près de 180 comités locaux se sont constitués, des dizaines de milliers de personnes se déclarent prêtes à poursuivre et relancer des actions, à travers la signature de l’appel « Nous sommes les Soulèvements de la Terre ». « Quoi que ce gouvernement, ses juges fassent à notre encontre, ce mouvement ne peut être dissous que dans les rêves de l’administration », ironise le communiqué des Soulèvements de la terre.

- La carte des comités locaux des Soulèvements de la Terre :

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Le directeur de l’Onu a récemment déclaré que la réponse des gouvernements du monde au dérèglement climatique était pitoyable. Pour les Soulèvements de la Terre, « l’attitude du gouvernement d’Emmanuel Macron à l’encontre du mouvement écologiste l’est tout autant. Il devra rendre compte un jour de ses responsabilités dans la perpétuation du ravage environnemental face aux jeunes générations dont l’avenir est gravement compromis et qui ne se laissent plus précipiter au fond du gouffre sans résister. Ce qui repousse partout maintient et fait grandir la résistance ! »

Photo de une : Manifestation à Sainte-Soline le 25 mars 2023 / © Les Soulèvements de la Terre

Suivi

Mise à jour du 26 juin 2023 à 16h30 : nous avons ajouté des éléments relatifs aux nouvelles convocations de militantes ce 28 juin.

Notes

[1Il s’agit des porte-paroles de la Confédération paysanne 79 et de la Confédération paysanne nationale, des secrétaires départementaux de Solidaires 79 et de la CGT 79, ainsi que de Julien Le Guet, porte-parole de Bassines Non Merci

[2Voici le lien pour ajouter un rassemblement sur la carte.