Greenwashing

Greenwashing dans le textile : « Les labels ont seulement pour but d’assurer le minimum »

Greenwashing

par Maÿlis Dudouet

L’industrie textile n’échappe pas au greenwashing. Pour lutter contre les dérives, militants et associatifs agissent pour informer face à un océan de labels et d’étiquettes aux fondements parfois douteux.

Comment s’habiller sans polluer la planète ? Dans le secteur du textile comme ailleurs, les consommateurs font aujourd’hui face à une multitude de labels censés attester de l’écoresponsabilité des fabricants. Mais comment distinguer les véritables certificats du pur greenwashing ?

« Il n’y a jamais eu autant de labels et pour autant, l’impact de l’industrie textile sur l’environnement n’a jamais été aussi fort, note Pierre Condamine, chargé de campagne au sein de l’ONG Les Amis de la Terre. Sur le papier, un label est une feuille de route censée guider les producteurs et les consommateurs de vêtements vers des méthodes de production respectant un cahier des charges précis.

Mais il faut différencier les labels publics, qui font l’objet de certifications de l’État ou de l’Union européenne, des labels privés financés par des entreprises, ou encore des labels indépendants qui peuvent être rattachés à une ONG. « Les labels participent énormément au greenwashing, critique Pierre Condamine. Aujourd’hui, en Europe, trois produits sur quatre ont une revendication verte, mais la moitié de ces mentions sont vagues, peuvent amener à confusion et ne se basent au final sur rien de concret. »

Des labels pour « assurer le minimum »

Dans un rapport publié en 2019, le réseau d’ONG Clean Clothes Campaign dénonce aussi comment « l’industrie de l’audit social a échoué de manière spectaculaire dans sa mission de protection de la sécurité des travailleurs et d’amélioration des conditions de travail ». Pire, ces cabinets d’audit financés par les entreprises auraient « protégé l’image et la réputation des marques et de leurs modèles commerciaux, tout en faisant obstacle à des modèles plus efficaces qui incluent une transparence obligatoire et des engagements contraignants ».

« Aujourd’hui, les labels n’ont pas pour but d’élever les pratiques, mais plutôt d’assurer le minimum », abonde Victoire Satto, fondatrice de The Good Goods, média spécialisé dans la mode écoresponsable. Elle vise notamment le label Oeko Tex, facultatif et géré par une association du même nom. Il est censé garantir l’absence de produits nocifs pour la santé dans les textiles. « Il s’agit d’un contrôle sanitaire : ça ne veut pas du tout dire que le produit est écologique ou bio. Or, beaucoup de marques revendiquent le label Oeko Tex comme le symbole d’un produit sain », observe la fondatrice de The Good Goods.

Quand H&M crée son propre label

Il y a aussi les labels créés directement par les multinationales du vêtement. Comme le label BCI, lancé par H&M. « H&M est à l’origine de cette appellation qui certifie des champs de coton qui ne sont pas bio, mais qui utiliseraient moins de pesticides, résume Victoire Sattol. Ce label ne garantit rien en matière de non-exploitation au travail. C’est aussi plus rentable pour les entreprises de vendre du BCI que du bio, et le consommateur est persuadé de consommer des produits bons pour l’environnement. »

D’autres pratiques jouent sur le flou autour de l’écoresponsabilité d’un produit. Par exemple, « végan, ce n’est pas une certification, ça veut dire qu’aucun animal n’a été violenté, rappelle la fondatrice du média spécialisé. Le problème, c’est qu’un tee-shirt en coton estampillé végan, ça ne sert à rien, l’animal ne rentre pas en compte dans sa production, rappelle Eloïse Moigno, qui alerte : « Le greenwashing se cache dans les détails. »

Dans son ouvrage La Face cachée des étiquettes, Eloïse Moigno compare 45 labels du secteur textile. Elle a aussi fondé son propre label écoresponsable pour la mode, SloWeAre. Elle continue donc à défendre la pratique de labellisation. Pour elle, « le label est un outil de sensibilisation et un vecteur de changement ».

Maÿlis Dudouet