Rentrée scolaire

Des salles de classes un peu trop toxiques

Rentrée scolaire

par Agnès Rousseaux

Défauts de ventilation, polluants intérieurs volatils, particules fines... L’air que respirent enfants et enseignants dans les salles de classe est loin d’être sain. Un enfant sur trois risque ainsi de devenir allergique, selon une étude réalisée dans 108 écoles françaises. D’autres données révèlent aussi la possible nocivité de certaines fournitures scolaires. La rentrée sera-t-elle l’occasion de faire la chasse aux toxiques ?

À l’école primaire, un élève sur trois respire des polluants en quantité supérieure aux normes définies par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) ! C’est ce qu’a révélé une étude française, menée dans 108 écoles, et publiée en mars dernier dans la revue internationale Thorax [1]. L’étude a mis en évidence les liens entre pollution des salles de classe et maladies chroniques.

Un exemple ? La présence d’un produit chimique très volatil, le formaldéhyde – utilisé notamment dans des matériaux de construction, de décoration ou des produits d’entretien – augmente significativement la prévalence de rhino-conjonctivites. Certains autres polluants développent l’asthme chez les élèves, des nausées ou des irritations de la peau et des yeux. 32% des enfants, présentant des signes de réactions aux tests cutanés, risquent ainsi de devenir allergiques dans un tel environnement pollué.

Absence de ventilation dans les classes

Autre cause : la pollution atmosphérique, notamment les particules fines émises par la combustion du diesel et l’oxyde d’azote. Ceux-ci sont fortement présents dans les salles de classe, du fait de systèmes de ventilation défaillants, ou sans filtres adéquats. « Nous n’avons trouvé aucune école aux normes. Même si certaines avaient une ventilation, celle-ci ne marchait pas », décrivait la responsable de l’étude [2]. Entre particules fines, produits d’entretien, peintures ou colles, c’est un véritable cocktail de produits chimiques auquel sont exposés les enfants.

Aux effets toxiques sur le système respiratoire, s’ajoutent de possibles dérèglements du système endocrinien (qui sécrète les hormones) à cause... des fournitures scolaires. Les chiffres publiés fin août aux États-Unis, par le Center for Health, Environment & Justice (Centre pour la santé, l’environnement et la justice) [3] sont effrayants. 75 % des fournitures scolaires analysées contiennent des niveaux de phtalates supérieurs aux normes autorisées pour les jouets. La nocivité et les impacts de ce perturbateur endocrinien sont pourtant avérés : asthme, infertilité, puberté précoce...

Spiderman ou super phtalate ?

Une directive européenne, transposée en France en 2006, interdit d’ailleurs l’utilisation des phtalates dans les jouets et les articles de puériculture pouvant être mis en bouche par les enfants [4]. Tous les autres produits ne sont pas concernés. Une loi déposée par le député centriste Yvan Lachaud, interdisant « la fabrication, l’importation, la vente ou l’offre de produits contenant des phtalates, des parabènes ou des alkylphénols » a bien été votée par l’Assemblée nationale – contre l’avis du gouvernement – le 3 mai 2011... Mais elle n’a jamais été soumise au Sénat. Et n’est donc pas appliquée. Le sac-à-dos de Dora l’exploratrice, par exemple, contient ainsi près de 70 fois le taux de phtalates autorisé dans les jouets. Et dans le sac-à-dos Spiderman : 52,700 ppm de DEHP, un des phtalates les plus nocifs. Soit 52 fois la norme états-unienne !

En France, l’État a commandé une étude dans 300 écoles pour disposer de données plus précises sur la pollution des salles de classe. Et a lancé un site pour aider les écoliers à acheter des fournitures écologiques. En Gironde, le Conseil général pilote une initiative en partenariat avec l’Ademe, pour promouvoir les « cartables sains ». Reste que la surveillance de l’air dans les établissements scolaires, dont le principe a été validé par un décret en décembre 2011, ne sera obligatoire pour les écoles primaires qu’à partir de 2018. Et 2020 pour les collège et lycées. De quoi risquer d’empoisonner les enfants et adolescents quelques années encore.

Agnès Rousseaux

Photo : CC Todd Binger

Lire aussi : Alertes sanitaires : ces associations qui dérangent un peu trop

Notes

[1Cette étude, pilotée par Isabella Annesi-Maesano de l’Inserm, a été conduite dans 401 classes de 108 écoles primaires (soit 9600 enfants) réparties dans six villes : Créteil, Reims, Strasbourg, Clermont-Ferrand, Bordeaux et Marseille. Elle comportait notamment une enquête médicale approfondie, avec un bilan respiratoire. Elle a été publiée dans la revue internationale Thorax, rattachée au British Medical Journal. Lire l’étude.

[3Hidden Hazards : Toxic Chemicals Inside Children’s Vinyl Back-to-School Supplies. Lire l’étude

[4Les phtalates sont interdits à des concentrations supérieures à 0,1 % en masse de matière plastifiée dans les jouets et articles de puériculture.