Élections

Syriza : « Faire que la Grèce redevienne un pays civilisé »

Élections

par Pavlos Kapantais

À 48 heures des élections législatives en Grèce, le parti de gauche Syriza est toujours en tête des sondages. Quelles seraient les premières mesures d’un gouvernement dirigé par Syriza ? Donner accès à tous à l’électricité, aux soins médicaux et à la nourriture, répond Zoé Konstantopoulou, députée de Syriza, pressentie comme ministre de la Justice. La priorité : faire face à la crise humanitaire que connait le peuple grec, agir pour annuler une partie de la dette, réinstaurer une réelle démocratie parlementaire aujourd’hui mise à mal. Entretien.

Les derniers sondages accordent toujours une importante avance au parti Syriza, dirigé par Alexis Tsipras, face à son principal adversaire à droite, la Nouvelle démocratie du Premier ministre Antonis Samaras. Le système électoral grec accorde une « prime » de cinquante sièges au parti qui se hisse en tête. Mais Syriza pourrait néanmoins avoir du mal à décrocher une majorité au sein des 300 députés de la Vouli, le Parlement grec.

Comment appréhendez-vous les élections du 25 janvier ?

Zoé Konstantopoulou : J’ai senti en parlant aux Grecs que le nuage de peur s’est dissipé. Malgré la campagne de terreur d’Antonis Samaras (actuel Premier ministre grec, ndlr), l’espoir qui nait dans la population à travers cette élection nous aide à préparer l’avenir, tant pour les Grecs que pour les autres peuples européens. C’est le message que nous portons, mais c’est aussi ce que l’on me dit tous les jours. Et c’est également vérifié par les sondages qui nous donnent tous, sans aucune exception, vainqueurs.

Au-delà du gouvernement grec, ce climat de peur a aussi été nourri par des articles de la presse allemande et européenne, ressortant le spectre d’une sortie de la Grèce de la zone euro...

On a essayé, comme lors des élections législatives de 2012, de faire peur au peuple grec. Mais cette fois-ci, vous l’avez vu, ils ont été obligé de reculer. La chancelière allemande Angela Merkel a même dû déclarer qu’elle souhaitait voir la Grèce rester dans la zone euro. Le contexte n’est plus le même qu’en 2012.

Quel serait le premier geste d’un gouvernement dirigé par Syriza ?

Il faut faire face immédiatement à la crise humanitaire que connait le peuple grec à cause des politiques mises en place par la Troïka et par les gouvernements grecs depuis 2010. Nous nous engageons à ce que toutes les familles frappées de plein fouet par la crise aient accès à l’électricité, aux soins médicaux et à la nourriture. Comme l’a très bien dit Alexis Tsipras, leader de Syriza, il faut que la Grèce redevienne un pays civilisé. Deuxièmement, il faut agir pour qu’une grande partie de la dette soit effacée. Et que le paiement de la dette restante soit liée à la croissance économique du pays. En ce moment, la politique du pays est dictée de facto par des organismes internationaux, et les nouvelles lois ne sont votées qu’avec leur accord. De fait, la démocratie parlementaire est abolie en Grèce. Nous allons la rétablir.

Ne craignez-vous pas les réactions des créditeurs européens de la Grèce ? Comment réagira la troïka (Banque centrale européenne, FMI, Commission européenne) ? Que fera l’Allemagne ?

Vous l’avez vu depuis la chute du gouvernement Samaras [1] : une vague de solidarité envers le peuple grec et Syriza se manifeste à travers l’Europe, car nous représentons bien plus que la volonté du peuple grec, mais aussi une volonté de changement des politiques économiques menées à travers l’Europe. Syriza sera la première pièce d’un domino européen pour restaurer la dignité des peuples et la démocratie. La solidarité est une flamme qui se propage très rapidement et très loin... Nous voulons nous battre pour une Europe sociale et solidaire : si l’Europe est là où elle en est aujourd’hui, c’est aussi parce que des gouvernements conservateurs similaires à celui d’Antonis Samaras gouvernent l’Union européenne depuis trop longtemps. Nous voulons être l’élément déclencheur d’un changement de gouvernance à travers l’Europe.

Syriza a dénoncé les scandales politico-financiers qui ont ébranlé la Grèce et a publié un « Livre noir de la Honte », avec des documents prouvant en détail ces scandales. Comment pensez-vous rétablir le sentiment de justice dans la société grecque une fois au pouvoir ?

La société grecque demande d’abord et avant tout la justice sociale et l’égalité devant la loi. Le peuple grec est dégouté non seulement par les scandales, mais aussi par leur dissimulation évidente orchestrée par le pouvoir et les médias dominants. D’un côté, les plus démunis subissent sans cesse des attaques fiscales, de l’autre les proches du pouvoir sont en permanence protégés, politiquement et fiscalement. Des lois spéciales sont même votées pour protéger des hommes d’affaires en particulier ! Notre priorité, c’est de faire la lumière sur toutes les affaires et de donner une réelle indépendance au pouvoir judiciaire.

Propos recueillis par Pavlos Kapantais

Cet article a été publié par le Courrier des Balkans, média partenaire de Basta!, le 14 janvier 2015. Retrouvez le dossier spécial du Courrier des Balkans : 
Législatives anticipées en Grèce : Syriza aux portes du pouvoir

Photo : Alexis Tsipras, lors d’un meeting de Syriza.

Notes

[1Après l’échec de l’élection présidentielle grecque de 2014, qui s’est déroulée, en 3 tours, les 17, 23 et 29 décembre 2014, le gouvernement Samaras s’est vu contraint d’organiser des élections législatives anticipées, en janvier 2015.