Grands projets contestés

« Des sources se tarissent » : les tunnels du Lyon-Turin menacent les ressources en eau

Grands projets contestés

par Maÿlis Dudouet

Les Soulèvements de la Terre organisent, malgré la répression, un rassemblement contre la nouvelle ligne ferroviaire à grande vitesse Lyon-Turin, en Savoie les 17 et 18 juin. Ce coûteux projet est contesté depuis plusieurs décennies en France et en Italie.

« Ce chantier, j’en avale la poussière. » Philippe Delhomme, habitant de la vallée alpine de la Maurienne, est de ceux qui s’opposent depuis des années à la nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin qui passera sous les Alpes pour relier Lyon et Turin en 2 heures, Paris et Milan en 4 heures 30. Ce projet né dans les années 1980, n’a pas cessé d’être contesté, en France comme en Italie.

Les collectifs dénoncent en particulier les creusements de tunnels qu’implique le projet. L’entreprise en charge, Tunnel Euralpin Lyon Turin (Telt) « envisage de creuser onze tunnels, dont le plus grand d’Europe, de 57 kilomètres, critiquent les Soulèvements de la Terre. Et tout cela pour faire gagner aux voyageurses et aux marchandises seulement 1 heure 25 entre Paris et Milan. » Rien que pour le tunnel principal, le coût est estimé à plus de 8 milliards, financés par l’Europe, la France et l’Italie.

Un nouveau week-end de protestation internationale « pour la défense des montagnes et de l’eau » est organisé en Savoie par les Soulèvements de la Terre les 17 et 18 juin. Le mouvement italien qui s’oppose au projet, No Tav, y est également attendu.

Menaces sur l’eau

Les travaux préparatoires du tunnel principal ont déjà débuté dans la vallée de la Maurienne comme du côté italien en Val de Suse. « Déjà, des dizaines de sources drainées par les machines se tarissent ou ont perdu du débit, des nappes phréatiques ont été percées », souligne le collectif français. Dans ce projet traversant plusieurs zones de montagne, le risque majeur « est le tarissement des sources et des nappes qui constituent ce massif montagneux », alerte aussi Philippe Delhomme, actif au sein de l’association locale Vivre et agir en Maurienne.

En 2021, l’association a saisi la Commission nationale de déontologie et d’alertes en matière de santé publique et d’environnement (CNDASPE). Car, comme le rapportait Médiacités dans une enquête, les excavations menées par l’entreprise Telt affectent directement les captages d’eau de communes situées en amont du chantier. Mais la Commission a fait part de son impuissance face à ces signalements, et l’État n’y a pas réagi.

Le chantier est aussi décrié parce qu’il mange sur des terres agricoles. D’après le syndicat agricole FDSEA de Savoie, 800 hectares de terres agricoles et une quarantaine d’exploitations savoyardes sont menacés par le projet. Selon la Confédération paysanne, jusqu’à 1500 hectares de terres agricoles pourraient disparaître pour cette ligne ferroviaire.

Le coût du projet fait par ailleurs bondir ceux et celles qui s’y opposent : il a été estimé à près de 26 milliards d’euros par la Cour des comptes en 2012. « Plutôt que de financer une telle aberration, utilisons cet argent pour renforcer à la fois le fret ferroviaire et pour les usagers du train en améliorant la fréquence des petites lignes », suggère Pauline, habitante de Lyon et membre du collectif français engagé contre la ligne Lyon-Turin.

« Massifier le fret ferroviaire »

Aujourd’hui, la ligne ferroviaire existante Paris-Milan relie déjà les villes de Lyon et Turin. Les trains à grande vitesse de la compagnie Trenitalia ont accueilli un million de voyageurs l’année dernière.

Mais les partisans du projet brandissent surtout l’argument du fret. « Le but du Lyon-Turin, au-delà de l’aspect voyageur, est de massifier le fret ferroviaire », défendait par exemple l’année dernière dans les pages de Lyon Capitale Stéphane Guggino,délégué général de La Transalpine, le lobby historique en faveur du projet.

« La ligne et des tunnels existants entre Lyon et Turin permettent déjà le report modal d’au moins 800 000 camions, rendant inutile ce projet », défend de son côté le groupe parlementaire de La France insoumise dans une proposition de résolution de 2022 demandant une commission d’enquête sur le projet.

Du côté italien, le creusement du tunnelier devrait débuter ce mois-ci. « Avant le début du forage du tunnel de base, mettons un coup d’arrêt à ce projet, avant que travaux et dégâts engendrés ne soient irrémédiables ! » appellent les Soulèvements de la Terre.

Maÿlis Dudouet

 L’appel à manifestation sur le site des Soulèvements de la Terre
 Le combat du collectif italien No Tav est illustré dans le documentaire NoTav, diffusé par le mouvement des Soulèvements de la Terre.

Photo de une : Une manifestation du collectif italien No Tav contre la nouvelle ligne Lyon-Turin en 2014 dans la gare de Turin/CC BY-SA 3.0 Fcarbonara via Wikimedia Commons.