Toulouse

Pour donner un toit aux plus démunis, des fonctionnaires réquisitionnent des bâtiments publics

Toulouse

par Olivier Cousin

À Toulouse, des citoyens s’organisent pour donner un toit aux plus démunis. Un toit contre le froid, l’abandon, le mépris. Documentariste, Olivier Cousin retrace l’histoire de l’engagement collectif d’agents publics et de bénévoles qui ont décidé d’apporter des solutions concrètes aux laissés pour compte, alors que l’État peine à agir et à garantir le droit au logement pour tous. Un toit sur la tête est diffusé ce soir, à 23h15, sur France 3 .

A Toulouse comme ailleurs, faute de financement public, la situation du logement d’urgence est catastrophique : plus de 1 000 personnes sont à la rue (200 000 en France). Au 115, numéro d’appel d’urgence pour les personnes sans abri, 95% des appels aboutissent à des refus qui conduisent la plupart des demandeurs à camper dans la ville.

Cette situation, notamment parce qu’elle touche beaucoup d’enfants, est devenue insupportable pour quelques uns des travailleurs sociaux du 115 de Toulouse ; elle les a conduits à s’organiser en collectif, le GPS (Groupement pour la défense du travail social). Avec l’aide de nombreux bénévoles, ils se sont mobilisés pour apporter des solutions concrètes aux laissés pour compte, mettant en place des solutions alternatives d’hébergement, puis interpellant l’État pour les faire reconnaître.

Placer l’État face à sa propre inaction

Depuis trois ans, le collectif aide et héberge clandestinement trente familles dont une quarantaine d’enfants. Au moment du tournage, ils sont installés dans un immense bâtiment public vide, quai St-Pierre. S’il est assigné par l’État propriétaire du bâtiment et obligé de se rendre au tribunal, le collectif a prévu une ligne de défense claire : placer l’État face à sa propre inaction et à son incapacité à appliquer le droit au logement pour tous, pourtant inscrit dans les lois de la République.

Cet hébergement sauvage, cette « réquisition », a un temps été tolérée par les pouvoirs publics. Mais en juillet 2014, le couperet tombe, ils doivent quitter le bâtiment. Trouveront-ils un autre lieu pour ces 30 familles ? Où iront-ils ? Le nouveau lieu sera-t-il démantelé rapidement ? Résistera-t-il ? Comment sortir du cycle infernal des expulsions ? Un toit sur la tête est l’histoire d’un lieu remarquable, d’une lutte contre une réalité sociale révoltante et le récit d’un engagement collectif mené par des agents publics. Une lutte citoyenne.

Un toit sur la tête (bande annonce) from Olivier Cousin on Vimeo.

De plus en plus de gens dorment dans la rue. Les chiffres donnent froid dans le dos. 44% d’augmentation en 11 ans. Il y a quelques années, c’était encore des hommes et aujourd’hui ce sont aussi des femmes, des familles, des enfants, des migrants, des travailleurs pauvres. 112 000 personnes dorment dehors, dont 31 000 enfants.Les 115 sont débordés, il n’y pas assez de place.

Des réquisitions citoyennes

A Toulouse, les membres du GPS sont extrêmement déterminés. Il n’y a plus de places, on en crée ! Hors des voies officielles et sans consentement de l’État, s’il le faut. Les actions naissent dans l’illégalité. Les lieux publics inoccupés sont « réquisitionnés ». Sans aucune autorisation, ils sont investis, équipés en eau, lumière, électricité. Des consignes de sécurité, appelées « réquisitions citoyennes », principal bouclier contre les expulsions, sont tout de suite installées.

Une fois les lieux équipés, les plus démunis y sont accueillis. Un suivi social, médical, scolaire est mis en place, au quotidien. Cette manière d’agir est à notre connaissance unique en France. Les membres du GPS et du CEDIS (le Collectif d’entraide et d’innovation sociale) ne se contentent pas de critiquer et de faire connaître les manquements des services publics sociaux. Ils ont su se démarquer de la contestation en imaginant de nouvelles formes de solidarités. En les faisant acter par l’État, ils en assurent la continuité et la stabilité.

Le GPS n’est certes pas la seule association à venir en aide aux populations les plus fragilisées en leur ouvrant un accès à un logement décent. Il est, néanmoins, le seul collectif à être majoritairement composé de travailleurs sociaux, agents de l’État venant de divers horizons : acteurs sociaux, professions de santé… Il regroupe entre 40 et 200 personnes selon les actions, qui ont réussi à obtenir la régularisation et la pérennité d’un squat : la Maison Goudouli. Unique en France, souple et adapté aux problématiques de chacun, ce lieu est aujourd’hui reconnu comme modèle par tous les partenaires sociaux. Une vraie réussite.

Olivier Cousin, auteur du documentaire Un toit sur la tête

Un toit sur la tête : une production Narratio films, avec la participation de France 3, le CNC, le Fonds Images de la Diversité, l’Acsé, la Région Midi-Pyrénées et le soutien de Brouillon d’un rêve de la Scam. 52 mn - 2015