Xénophobie

En Allemagne, les violences se multiplient contre les foyers de réfugiés, cibles des néo-nazis

Xénophobie

par Rachel Knaebel

La page a entretemps été supprimée par Google. Mais elle est restée assez longtemps en ligne pour choquer l’Allemagne. Début juillet, des néonazis ont posté sur la toile une google map qui recensait très précisément, avec adresses et nombre d’habitants, les centres d’hébergement de demandeurs d’asile à travers tout le pays. La démarche a d’autant plus inquiété que les attaques contre les foyers d’accueil de réfugiés se multiplient depuis plusieurs mois en Allemagne.

Le 15 juillet encore, un futur centre d’hébergement en cours d’aménagement était incendié en Bavière. Quelques jours plus tard, la même chose arrivait en Bade-Wurtemberg, dans le sud-ouest du pays. Fin juin, c’était à Lübeck, dans le nord, puis en Saxe. Au printemps, le maire d’un village de l’Est, Tröglitz, avait même démissionné après avoir reçu des menaces parce qu’il soutenait l’accueil de réfugiés dans sa commune. Là aussi, le futur lieu d’hébergement avait ensuite été incendié.

36 centres d’hébergement incendiés en 2014

Les agressions et attaques racistes contre les réfugiés et demandeurs d’asile ont fortement augmenté depuis l’année dernière dans le pays. L’office de protection de la constitution en dénombrait 170 en 2014, le ministère de l’Intérieur allemand en compte déjà 150 depuis le début de 2015. Et selon les organisations antiracistes, ces chiffres sont largement sous-évalués. Deux associations (Amadeu-Antonio-Stiftung et Pro-Asyl) recensent ainsi près de 250 attaques violentes commises contre les centres d’hébergements de demandeurs d’asile en 2014, dont 36 incendies et 81 agressions contre des personnes. Pour 2015, elles dénombrent déjà 98 attaques contre des centres d’hébergement dont onze incendies et 26 cas de violences contre des personnes. « Il faut signaler que cette violence n’est pas seulement exercée par des néonazis, soulignait Timo Reinfrank, directeur de l’organisation de lutte contre le racisme Amadeu-Antonio-Stiftung, dans un communiqué fin juin. Il s’agit de plus en plus souvent de simples habitants qui se disent « inquiets », et laissent libre cours à leurs positions racistes. »

La recrudescence de ces violences a coïncidé cet hiver avec les manifestations racistes du mouvement « Pegida » et avec les protestations à relents xénophobes contre l’installation de nouveaux centres d’accueil de migrants. Le pays en a pourtant besoin. L’Allemagne a enregistré plus de 200 000 [1] demandes d’asile l’année dernière, un chiffre qui n’avait plus été atteint depuis les guerres des Balkans des années 1990. Pour les six premiers mois de 2015, les demandes d’asile s’élèvent à plus de 179 000 [2]. Un cinquième d’entre elles viennent de citoyens syriens.

Alors que les communes allemandes font face à des difficultés pratiques réelles pour organiser l’accueil des réfugiés, toute une partie de la droite ne fait rien pour calmer les esprits. Dernier exemple : le chef du gouvernement régional de Bavière a annoncé lundi 20 juillet vouloir durcir dans sa région les conditions d’accueil des demandeurs d’asile venus des Balkans et faciliter leur expulsion.

Pour ne rien arranger, une nouvelle loi sur le droit d’asile présentée début juillet au Bundestag doit faciliter l’incarcération des migrants. Le texte permet d’envoyer en détention ou en centre de rétention les demandeurs d’asile qui auraient d’abord déposé une demande dans un autre pays européen, ou ceux qui auraient fait appel à des passeurs pour fuir leur pays.