Maternité

Être enceinte aux Etats-Unis est plus risqué aujourd’hui qu’il y a 20 ans

Maternité

par Sophie Chapelle

La mortalité maternelle – le décès d’une femme survenu au cours de la grossesse ou suite à l’accouchement – est un indicateur de qualité des soins et de la santé dans une population, même dans les pays à fort niveau socio-économique. Selon un rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ce taux de mortalité maternelle a chuté de 45 % pendant les deux dernières décennies, entre 1990 et 2013 [1]. En moyenne, dans le monde, on compte désormais 210 décès maternels pour 100 000 naissances réussies.

Le taux de mortalité a ainsi diminué de 78 % au Timor-Oriental, de 70 % au Bangladesh et de 65 % en Inde. Malgré ces bonnes nouvelles, les taux de mortalité maternelle demeurent élevés en Afrique de l’Ouest et centrale ainsi que dans les pays de la corne de l’Afrique, souvent frappés par des guerres civiles chroniques : 1100 décès de futures mères pour 100 000 naissance au Sierra Leone, 850 en Somalie, 730 en RDC...

Dans cette tendance générale à l’amélioration des soins, un pays fait exception : les États-Unis, le seul pays où la situation empire, relève le rapport. Chaque année, environ 1200 femmes américaines meurent en couches, soit environ 28 décès de mères pour 100 000 naissances. Une augmentation de 136 % entre 1990 et 2013 ! En France, ce taux de mortalité est autour de 10 pour 100 000 naissances [2].

Si, aux États-Unis, ce taux reste plus faible que dans de nombreux pays beaucoup plus pauvres, les maternités d’Uruguay, du Liban, de Libye, de Russie ou de Thaïlande font apparemment mieux que celles de la première puissance mondiale. La moyenne pour les pays « développés », à l’exception des États-Unis, s’élève à un peu moins de 11 décès maternels pour 100 000 naissances. Le rapport comptabilise également 60 000 « incidents évités de justesse » aux États-Unis. Ce qui rend les femmes américaines dix fois plus susceptibles de mourir du fait de leur grossesse que celles vivant Autriche ou en Pologne.

Discriminations raciales, inégalités et obésité

Alors que les dépenses par habitant des États-Unis en matière de soins de santé maternelle sont plus élevées que dans tout autre pays, pourquoi la mortalité maternelle américaine connaît-elle un pic alarmant ? Saignements abondants après l’accouchement, hypertension artérielle pendant la grossesse, complications résultant de conditions de santé pré-existants sont les trois principales causes de mortalité maternelle, relève le site d’informations Quartz. Qui rappelle qu’une femme enceinte sur cinq en 2015 aux États-Unis est obèse.

L’association Sister’s Song qui milite en faveur des droits des femmes de couleur relève que les deux principaux obstacles sont « l’accès » aux soins de santé et la « discrimination raciale ». Les femmes noires américaines seraient ainsi quatre fois plus susceptibles de mourir de causes liées à la grossesse que leurs homologues blanches, précise America’s Wire, centre d’informations sur les inégalités structurelles [3]. L’absence de tenue de registre détaillé sur les décès lors des accouchements et de données fiables sur leurs causes concourent à empêcher toute amélioration en la matière.

Notes

[1Selon l’Inserm, « la mort maternelle est le décès d’une femme survenu au cours de la grossesse ou dans un délai de 42 jours, ou 1 an, après sa terminaison, pour une cause quelconque déterminée ou aggravée par la grossesse ou les soins qu’elle a motivés, mais ni accidentelle, ni fortuite ». Source

[2Un rapport « Mortalité maternelle en France », coordonné par l’Inserm, annonce une baisse du taux de mortalité par hémorragie du postpartum – première cause de mortalité maternelle en France. De 2007 à 2009, 254 décès maternels ont été identifiés, ce qui représente 85 femmes décédées par an en France, d’une cause liée à la grossesse, à l’accouchement ou à leurs suites, donnant un taux de mortalité maternelle de 10,3 pour 100 000 naissances vivantes.