Libre-échange

Ceta : la Wallonie bloque l’agenda néolibéral de l’Union européenne

Libre-échange

par Sophie Chapelle

Les Wallons vont-ils empêcher la ratification du traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada (Ceta) ? Les 28 ministres européens du Commerce et l’exécutif européen se sont réunis le 18 octobre à Luxembourg pour tenter de débloquer la situation après le rejet du Ceta par la Wallonie, région francophone du sud de la Belgique. Quatre jours auparavant, le 14 octobre, le Parlement de la Wallonie a mis son veto au traité négocié entre l’UE et le Canada. Or le gouvernement belge ne peut pas signer cet accord sans le feu vert de ses parlements régionaux.

« Ce dont nous parlons ici, c’est de toute la philosophe des échanges commerciaux tels qu’ils vont se construire les prochaines années, explique le ministre président wallon Paul Magnette (voir la vidéo ci-dessous). Si nous voulons qu’il y ait de vraies règles en matière de droits de l’homme, de développement durable, il faut faire un travail de négociation pour obtenir un traité qui fixe les standards aussi hauts que cela deviendra la norme. C’est cela l’enjeu fondamental du Ceta. Et c’est pour cela que nous devons dire "non" pour négocier. "Non", pour créer un rapport de force qui nous permette d’obtenir plus de normes environnementales, sociales, plus de clauses de respect des services publics. Demain, c’est à partir de ce standard européen là que l’on discutera. »

Depuis ce refus, d’intenses tractations diplomatiques ont été lancées. « Nous faisons l’objet de très nombreuses pressions, parfois même, ces dernières heures, de menaces à peine voilées (…) Et pourtant, nous continuons à tenir notre cap », a affirmé Paul Magnette. La commissaire européenne au commerce, Cecilia Malmström, a donné jusqu’au 21 octobre à la Belgique pour trouver une solution avec la Wallonie et donner son feu vert au traité. Sans quoi, a-t-elle prévenu, le sommet Europe-Canada du 27 octobre, censé formaliser la signature de l’accord en présence du Premier ministre canadien Justin Trudeau n’aura pas lieu.

Vigilance démocratique

Ces pressions n’ont pas, pour l’instant, produit l’effet escompté. Le 18 octobre, Paul Magnette a déclaré devant le parlement wallon : « Nous ne pourrons pas apporter une réponse définitive à l’Europe avant vendredi. Notre processus démocratique est incompatible avec le calendrier qui nous est imposé. » Pour Aurélie Trouvé, porte-parole d’Attac, « la détermination des parlementaires wallons est un exemple dont nous espérons qu’il sera suivi par d’autres parlements d’Europe, à commencer par celui de France, où de nombreux députés et sénateurs ont publiquement exprimé craintes et réticences à l’égard du traité. Nous espérons maintenant que le gouvernement en tirera les leçons, et renoncera à soutenir ce traité. Loin d’être une défaite, cela l’honorerait. »

L’Allemagne chercherait également à temporiser depuis la décision du tribunal constitutionnel de Karlsruhe le 13 octobre, qui demande à Berlin de prendre les garanties juridiques suffisantes avant signature. La Cour exige en particulier la garantie que l’Allemagne pourra à l’avenir quitter l’accord, au cas où elle lui demanderait.

Pour Amélie Canonne, de l’Aitec, « la Commission et les États membres vont maintenant chercher une issue pour sauver le traité, en tentant de faire plier le gouvernement wallon, mais dans tous les cas, le Ceta apparaît désormais comme un naufrage, et remet en cause l’ensemble de la politique de commerce et d’investissement que l’UE et les grands États membres tentent d’imposer aux 550 millions d’Européens. » Ces dernières semaines, les mobilisations contre les accords transatlantiques Tafta et Ceta ont rassemblé des dizaines de milliers de personnes en France, en Espagne, en Autriche, en Belgique, en Allemagne et au Luxembourg.

Photos : © Serge d’Ignazio / manifestations contre le Ceta et le Tafta à Paris, le 15 octobre 2016