Quand les artistes libèrent la parole des employés et des ouvriers - commentaires Quand les artistes libèrent la parole des employés et des ouvriers 2015-06-08T14:10:25Z https://basta.media/quand-les-artistes-liberent-la-parole-des-employes-et-des-ouvriers#comment3673 2015-06-08T14:10:25Z <p>Naly Gérard<br class="autobr"> et les amis de Bastamag, bonjour.</p> <p>C'est avec beaucoup d'intérêt que nous avons pris connaissance de votre article concernant les « artistes qui libèrent la parole des employés et des ouvriers ».</p> <p>Vous concluez ainsi votre propos : « En ce sens, ils rejoignent les principes de l'éducation populaire … celle qui cherche à éveiller la volonté de comprendre ce que nous subissons, dans la perspective de cesser de subir, justement ».<br class="autobr"> Devons-nous en conclure que le destin des exploités sera toujours d'avoir besoin d'artistes ou d'experts, bref d'une avant-garde éclairée pour enfin comprendre ce qui leur arrive. Ne sont-ils pas suffisamment intelligents pour le savoir tous seuls ?</p> <p>« Leurs témoignages vont servir de matière première au spectacle » écrivez-vous et plus loin vous nous dites que « Sur scène, les chorégraphies de deux danseuses sont inspirées des gestes des ouvriers. Des textes révoltés lus par l'écrivain Ricardo Montserrat … apportent une respiration bienvenue. Le Chantier de Naje entremêle, lui, des situations réalistes et des séquences poétiques …. Quant aux saynètes, elles seront interprétées par les personnes qui n'ont pas vécu l'histoire, afin de maintenir une distance ».</p> <p>Bon. Ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain et nous ne pouvons au final, qu'éprouver beaucoup de tendresse pour un geste artistique que l'on croyait en voie de disparition depuis les années soixante-dix mais qui mérite encore toute sa place dans le Panthéon culturel : l'artiste est un porte-voix. La misère du monde l'inspire et il est le seul à pouvoir la rendre audible de tous en lui donnant forme.</p> <p>Mais alors quelle parole est « libérée » ? Celles des dominés ou celle de ceux qui, avec solidarité et beaucoup de sympathie, se nourrissent d'elle ? Ne serait-il pas plus simple et plus efficace que ce soient les opprimés eux-mêmes qui s'expriment ? Que le savoir dont ils disposent [et ils disposent d'un savoir très clair à propos de leur condition, n'en doutons pas] soit directement mobilisé, non pas pour avoir le droit de cité sur les hauts lieux de « la culture » mais dans la vie de tous les jours, là où se situe réellement le combat pour « cesser de subir ». On avait cru comprendre et l'instigateur du Théâtre de l'Opprimé n'y est pas pour rien, que ce n'est pas sur scène que doit se dérouler le combat, mais dans le réel. Qu'on n'est ni pour, ni avec celles et ceux qui souffrent mais que l'on peut essayer tout simplement de les entendre.</p> <p>Peut-être y aurait-il alors une autre possibilité pour les « artistes ». Non pas seulement se mettre à l'écoute pour traduire avec métaphores poétiques ou la distance nécessaire à une bonne compréhension, mais pour courir le même risque, c'est-à-dire parler avec et non à la place de. C'est parce que nous savons que c'est en partie ce que fait NAJE en mélangeant professionnels et non professionnels du spectacle que nous aurions aimé que cette étude laisse place au geste d'un engagement artistique non anthropophagique qui ne conserve pas cette coupure entre l'imbécile et le sachant, le digne et le non digne, le cultivé et le populaire, que toute la société vomit aujourd'hui.</p> <p>Il s'agit alors en ce sens non pas de « libérer » une parole, mais tout simplement « qu'elle s'entendre » en ouvrant partout, dans le quartier, la famille, l'école, le travail, des espaces où les protagonistes que nous sommes disent le monde tel qu'ils le vivent et ainsi le partagent entre eux pour chercher ensemble les alternatives dont ils rêvent.</p> <p>Mutualiser ce que nous savons tous, quelle que soit notre place, notre rôle ou notre condition, pour collectivement devenir auteurs de notre vie, comme des grandes filles et des grands garçons que nous sommes.</p> <p>Tous des artistes.</p> <p>Yves Guerre<br class="autobr"> ARC EN CIEL THÉÂTRE<br class="autobr"> Juin 2015.</p>