Capitalisme

Comment ces milliardaires qui dominent l’Europe ont bâti leurs fortunes

Capitalisme

par Rédaction

Au moment où les dirigeants de grandes entreprises et ceux des États se rencontrent au Forum économique mondial de Davos, Basta! s’intéresse aux milliardaires européens : d’où viennent leurs fortunes ? Quel rapport entretiennent-ils avec le politique, avec les médias ?

Cette semaine, les grands dirigeants économiques et les dirigeants politiques du monde entier se retrouvent au forum économique mondial de Davos. Vont-ils discuter de comment mieux taxer les ultra-riches pour mieux répartir les richesses ? C’est peu probable. Les plus riches de la planète concentrent toujours plus de patrimoine tandis que les inégalités s’accroissent.

« La richesse des 1% les plus riches de la planète correspond à plus du double de la richesse de 90 % de la population mondiale, soit 6,9 milliards de personnes. Les milliardaires du monde entier, qui sont aujourd’hui au nombre de 2153, possèdent plus de richesses que 4,6 milliards de personnes, soit 60% de la population mondiale », signale l’ONG Oxfam dans son dernier rapport sur les inégalités mondiales, publié ce 20 janvier. Dans le même temps, « près de la moitié de la population mondiale, soit près de 3,8 milliards de personnes, vit toujours avec moins de 5 dollars par jour », rappelle aussi l’ONG.

De quels pays sont issus les milliardaires les plus riches du monde ? Des États-Unis, de plus en plus de Chine, d’Inde, du Brésil, de Russie, et aussi d’Europe. Le Français Bernard Arnault (patron de LVMH et patron de presse, avec Les Échos et Le Parisien), figure parmi les quatre premières fortunes mondiales. François Pinault (groupe Kering), propriétaire du magazine Le Point – qui accusait récemment la CGT de « ruiner la France » –, parade au 30e rang des fortunes mondiales (avec 30 milliards d’euros de patrimoine financier). « En France, 7 milliardaires possèdent plus que les 30 % les plus pauvres », souligne encore Oxfam. La France comptait 41 milliardaires en 2019. Sur ces 41 personnes, « plus de la moitié ont hérité de leur fortune, et seules cinq sont des femmes ».

L’Europe dans son ensemble compte des dizaines de milliardaires similaires. Ils sont français, allemands, italiens britanniques, espagnols, et aussi, de plus en plus, est-européens.

Industrie, médias et politique : le trio gagnant des milliardaires

Le milliardaire est-européen le moins méconnu en France est sûrement le tchèque Daniel Kretinsky (environ 3 milliards d’euros de fortune), depuis qu’il est entré au capital du groupe Le Monde, qu’il a acheté le magazine Marianne et plusieurs magazines de la famille Lagardère (dont Elle). Kretinsky a aussi acheté des mines de charbon en Allemagne et des centrales à charbon en France. Son compatriote Andrej Babiš, par exemple (3 milliards d’euros de fortune), est appelé le « Trump tchèque » : il est devenu Premier ministre en 2017.

En Hongrie, Lőrinc Mészáro, l’un des hommes les plus riches du pays, est aussi un proche ami du Premier ministre Viktor Orbán. Politique et grande fortune font également bon ménage en Suisse, où Christoph Blocher, industriel venu de la chimie, à la tête d’une fortune familiale d’environ 9 milliards d’euros, est aussi une figure centrale du parti d’extrême droite suisse UDC, qu’il a dirigé et pour lequel il a été élu au Parlement suisse. En France, Serge Dassault (décédé en 2018), patron du groupe d’aéronautique militaire du même nom, a été sénateur pendant plus d’une décennie. Son fils, Olivier, est toujours député (Les Républicains).

La famille Dassault est aussi à la tête du quotidien Le Figaro. Acheter des médias est une des caractéristiques répandues des milliardaires européens. En France, une grande partie de la presse est entre les mains de grandes fortunes. En Suisse, Blocher a aussi fini par acquérir des groupes de presse pour asseoir son influence. En République tchèque, Babiš et et Kretinsky se disputent l’influence médiatique. La grande fortune italienne de la famille Agnelli (celle de Fiat, avec aujourd’hui à sa tête l’héritier John Elkann) a de son côté pris le contrôle du célèbre hebdomadaire britannique The Economist et plus récemment de La Stampa.

Un danger pour la démocratie ?

Le même schéma se retrouve partout en Europe : des industriels font fortune, dans le textile, le luxe, l’agrochimie, le BTP, l’armement… souvent en partie en bénéficiant de marchés publics et de subventions publiques. Puis ils achètent des médias, entrent en politique, ou se rapprochent le plus possible du monde politique. Industrie, médias et politique deviennent finalement trois leviers actionnés tour à tour par ces milliardaires, selon les circonstances, pour accroître toujours leur fortune.

Ainsi, aux inégalités abyssales entre ce petit cercle et la majorité de la population (la fortune de la famille Blocher représente plus de 150 000 années au salaire moyen suisse, celle des Agnelli plus de 550 000 années du salaire moyen italien), s’ajoute le danger que ces fortunes peuvent représenter pour la démocratie.

Avec son partenaire l’Observatoire des multinationales, des médias et organisations de la société civiles européens réunis au sein du Réseau européen des observatoires des multinationales (European Network of corporate observatories, ENCO), Basta! s’est penché sur les légendes dorées de nos milliardaires.

 

Cette série est le fruit d’une collaboration entre Bastamag, l’Observatoire des multinationales et des organisations et médias européens dans le cadre du réseau ENCO (European Network of Corporate Observatories), Observatoire européen des multinationales.

Images montées en Une : Andrej Babiš, Bernard Arnault (CC Jérémy Barande via Wikimedia Commons), Giorgio Armani (CC Jan Schroeder via Wikimedia Commons), Stefan Persson (CC Prolineserver via Wikimedia Commons), Florentino Pérez (CC Instituto Cervantes de Tokio via flickr), Jim Ratcliffe (CC Foreign and Commonwealth Office via flickr), Susanne Klatten (CC Olaf Kosinsky via Wikimedia Commons), John Elkann (CC International Students’ Committee via Wikimedia Commons).