Solidarité

À l’université Paris-8, étudiants et personnels s’organisent pour la survie des plus précaires

Solidarité

par Solani Bourébi

Face à l’inertie des pouvoirs publics à l’égard des étudiants sans revenus, des distributions alimentaires sont organisées par plusieurs collectifs à Saint-Denis.

Tous les mercredis, des étudiants de l’université Paris-8 attendent en file indienne sur le parvis de leur fac afin de recevoir des colis alimentaires. Des pâtes, du riz, du lait, des boîtes de conserve, des aliments secs, et des produits d’hygiène : chaque colis contient de quoi tenir un peu plus d’une semaine. Cette initiative vient répondre à la précarité aggravée des étudiants en période de confinement. Dès son lancement, mi-avril, 300 demandes d’aide ont été enregistrées en seulement 24 heures. C’est plus que les capacités de distribution.

« La première semaine, on a distribué 100 colis, puis 150 la semaine dernière, la demande est constante. » Kab Niang est responsable de l’antenne locale du Secours populaire, qui a lancé l’initiative avec Solidaires étudiant.es, le Réseau des universités sans frontières, ainsi que des professeurs et personnels. Face aux messages toujours plus nombreux d’étudiants en détresse alimentaire, il prévoit d’augmenter le nombre de colis. « Au vu de la situation, nous comptons organiser ces distributions jusqu’au 30 juin au moins. » Un délai qui pourrait être rallongé si aucune mesure gouvernementale n’est prise d’ici là et que les services universitaires demeurent fermés jusqu’en septembre.

« Elle vit avec ses deux enfants dans un appartement de 11 m2 »

Située à Saint-Denis, l’université Paris-8 accueille 30 % d’étudiants étrangers, et un grand nombre d’étudiants boursiers (un étudiant sur trois). Nombreux sont celles et ceux qui doivent aussi cumuler les petits boulots pour s’assurer un revenu : 38 % des étudiants de l’université travaillent à côté de leurs études, le taux le plus élevé de la région. « Avant le confinement, les étudiants étaient déjà confrontés à une grande précarité. Certains travaillaient en restauration, ou faisaient des missions de babysitting pour finir le mois. Les étudiants étrangers sont limités dans le nombre d’heure de travail qu’ils peuvent effectuer, et les sans-papiers survivent à peine grâce à des boulots au noir. Nous étions déjà très sollicités, mais avec le confinement, la demande explose », rapporte Kab Niang. Sans actions ni réponses du gouvernement, il revient aux associations, syndicats et collectifs de nourrir les étudiants.

Pour les étudiants les plus isolés, notamment ceux dont le visa n’a pas été renouvelé et qui redoutent les contrôles de police, pour ceux qui sont en situation de handicap, ainsi que les jeunes parents, le collectif prévoit des livraisons de colis alimentaires à domicile. Membre de Solidaires étudiant.es, Maëlys participe aux distributions et aux livraisons. « La précarité s’exprime de manière différente pour chacun, mais elle est accablante pour tout le monde. Nous avons par exemple effectué une livraison chez une étudiante qui est mère de famille. Elle vit avec ses deux enfants dans un appartement de 11 m2 », témoigne-t-elle.

L’autre problème majeur à l’université concerne la continuité pédagogique. Avec la mise en place d’examens en ligne, les étudiants sans accès à internet ou à un outil informatique seront les premiers pénalisés dans leur réussite. S’ils ne valident pas leur année, certains pourraient perdre leur bourse, et se retrouver dans l’incapacité de poursuivre leurs études. Face à cette situation, Maëlys s’indigne : « C’est aberrant de demander aux étudiants d’assurer les examens et les rendus de cours quand certains n’ont rien à manger et ne possèdent pas le matériel nécessaire. Il faut neutraliser le deuxième semestre et adapter les exigences à la situation, notamment pour les étudiants de master et les doctorants. »

Une cagnotte solidaire de 50 000 euros

Afin de soutenir au mieux les étudiants, les antennes solidaires de Paris-8 ont lancé une campagne de dons destinée à financer les colis alimentaires, le matériel informatique, et les abonnements internet pour les plus précaires. Largement soutenue et alimentée par les professeurs et le personnel de la faculté, la cagnotte s’élève actuellement à 50 000 euros, une réussite pour le collectif.

Bien que des initiatives similaires voient le jour dans d’autres facultés, comme à Bordeaux, toutes les universités ne sont pas en mesure de mettre en place ce type d’aide, et nombre d’étudiants demeurent livrés à eux-mêmes. Le syndicat étudiant Solidaires demande « la mise en place de permanences de santé gratuites dans les résidences, ou dans d’autres endroits accessibles, qui permettraient à toutes et tous les étudiant.e.s d’avoir accès aux soins nécessaires. » En France, elles et ils sont des milliers à attendre l’intervention des pouvoir publics.

 Pour faire un don, rendez-vous sur la page de campagne de dons.

Solani Bourébi

Photo : © Anne Paq

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