Combattre l’épidémie

Ils et elles sont en première ligne et racontent leur quotidien, loin de la com’ gouvernementale

Combattre l’épidémie

par Raphaël Godechot, Sévan Melkonian

Ils et elles sont soignants, infirmiers, sapeurs-pompiers, inspecteurs du travail, employés d’Amazon, travailleurs sociaux, anesthésistes... En première ligne face à l’épidémie de coronavirus, ils racontent et alertent. Une nouvelle série vidéos de Basta!.


 1er épisode, 20 mars 2020 - Une aide-soignante et une infirmière témoignent : « Il n’y aura bientôt plus de soignants pour vous soigner »
 2e épisode, 22 mars 2020 - Deux infirmières en psychiatrie témoignent : « On en vient à regarder qui est le plus stable au niveau des patients et à le mettre dehors »
 3e épisode, 24 mars 2020 - Un sapeur pompier témoigne : nous sommes de « la chair à canon »
 4e épisode, 28 mars 2020 - Un inspecteur du travail témoigne : « Il y a déjà des morts au travail »
 5e épisode, 3 avril 2020 - Une infirmière aux urgences et une préparatrice en pharmacie témoignent : « On va le payer fort en morts »
 6e épisode, 6 avril 2020 - Un employé dans l’entrepôt d’Amazon de Brétigny-sur-Orge témoigne : « Nous n’avons aucune protection »
 7e épisode, 7 avril 2020 - Un travailleur social, activiste contre les violences policières s’indigne : « On est considéré comme des citoyens de seconde zone »
 8e épisode, 11 avril 2020 - Un anesthésiste témoigne : « On est au bord de la rupture de stock »
 9e épisode, 25 avril 2020 - Un ancien détenu libéré pendant le confinement raconte : « L’État laisse crever les gens en prison »
 10e épisode, 27 avril 2020 - Une aide-soignante en Ehpad alerte : « S’il n’y a pas une réponse immédiate, on ne s’en sortira pas »
 11e épisode, 2 mai 2020 - Une caissière raconte : « Une de nos collègues est décédée du Covid-19 »
 12e épisode, 4 mai 2020 - Une couturière du collectif #Baslesmasques témoigne : « En tant que couturière, on nous vole notre travail »
 13e épisode, 13 mai 2020 - Une institutrice en maternelle : « L’État est en train d’organiser de la maltraitance »
 14e épisode, 18 mai 2020 - Annie Thébaud-Mony, sociologue, spécialiste des questions de santé au travail : « Les gouvernants n’ont pas voulu délibérément s’engager sur une politique de tests »
 15e épisode, 25 mai 2020 - Une sage-femme témoigne : « La crise à l’hôpital c’est tous les jours. Mais là on nous enlève déjà les lits supplémentaires et les renforts... »
 Appel à témoignages

15e épisode, 25 mai 2020 - Une sage-femme témoigne : « La crise à l’hôpital c’est tous les jours. Mais là on nous enlève déjà les lits supplémentaires et les renforts... »

Avant, pendant et après la crise du covid, les revendications du personnel soignant, pour avoir plus de lits, plus de moyens humain et matériel restent d’actualité : « la crise à l’hôpital c’est tous les jours. Mais là on nous enlève déjà les lits supplémentaires et les renforts... et à la place on nous propose une médaille. ». Pour Julie, sage-femme en banlieue parisienne, « pendant l’épidémie, le gouvernement a pu mettre en place certaines mesures demandées par les soignants depuis longtemps. Ça veut bien dire que les choses peuvent changer pour l’hôpital et très rapidement. » Une médaille et des primes ne suffiront pas comme nous l’explique Julie, sage-femme en banlieue parisienne : « Avec nos bas salaires, évidemment qu’on crache pas sur la prime. Mais les difficultés à l’hôpital vont perdurer au delà du covid. Si le gouvernement estime qu’on a le droit a une prime pour cette période difficile, il peut tout aussi bien revaloriser nos salaires de manière pérenne. »

14e épisode, 18 mai 2020 - Annie Thébaud-Mony, sociologue, spécialiste des questions de santé au travail : « Les gouvernants n’ont pas voulu délibérément s’engager sur une politique de tests »

Sans dépistage, « une grande partie de ceux qui ont eu la maladie ne pourront pas prouver que c’est le covid et à partir de là ils seront exclus de la reconnaissance en accident du travail ou en maladie professionnelle ». Pour Annie Thébaud-Mony, sociologue, directrice de recherche à l’Inserm et spécialiste des questions de santé au travail, reconnaître le covid-19 comme maladie professionnelle uniquement pour les soignants, constitue une « rupture d’égalité » : « les agents de nettoyage qui travaillent pour les entreprises extérieures, même s’ils sont agents de nettoyage à l’hôpital ne bénéficieront pas d’une reconnaissance en maladie professionnelle. » Pratique pour les employeurs qui ne veulent pas « payer plus pour le nettoyage » ni « se voir imputer des plaintes pénales pour mise en danger de la vie d’autrui ». En ce sens, le Medef souhaiterait qu’à partir du moment où les gestes barrières sont mis en place, les « moyens » ont été pris et donc l’obligation de sécurité et de résultat qui incombe aux employeurs soit considérée comme remplie.

13e épisode, 13 mai 2020 - Une institutrice en maternelle : « L’État est en train d’organiser de la maltraitance »

« On a un gouvernement qui dit "cette ré-ouverture elle est notamment pour les élèves les plus fragiles, pédagogiquement et socialement", en même temps on a appris que la Seine-Saint-Denis allait connaitre 169 fermetures de classes à la rentrée. » Pour Louise Chapa, institutrice à l’école maternelle Suzanne Lacore, à Saint-Denis, de la CGT Éduc’action, « on est en train d’envoyer nos plus jeunes élèves à l’école parce que derrière l’objectif c’est de libérer les parents, d’utiliser nos écoles comme des garderies, de manière à relancer l’économie. Au lieu de faire courir des risques à nos élèves, à nos familles, et bien il faut dès à présent réfléchir ensemble de manière à ce que septembre soit une rentrée réussie ». Un avis partagé par de nombreux enseignants qui auraient préféré une reprise sans élèves pour que les équipes pédagogiques aient le temps de mieux se préparer pour septembre : aménager correctement les locaux, en savoir plus sur le virus. Mais une fois de plus, leurs demandes ne semblent pas avoir été entendues en haut lieu.

12e épisode, 4 mai 2020 - Une couturière du collectif #Baslesmasques témoigne : « En tant que couturière, on nous vole notre travail »

Christie Bellay est couturière. « En tant que couturière on nous vole notre travail. Nous cousons des masques et des blouses bénévolement. Ces masques et ces blouses sont ensuite revendus par les industriels qui fournissent par exemple la mairie de Paris », reproche-t-elle. « Nous ce qu’on demande, c’est que les pouvoir publics, l’État prenne ses responsabilités vis-à-vis des travailleurs qui ne perçoivent aucune rémunération, qui travaillent au service de l’État. Et ce qu’on veut c’est des embauches ! ». Son collectif « Bas les masques couturières » a décidé de rejoindre le collectif « Bas les Masques » des soignants. Le collectif appelle les professionnels de la santé mais aussi les « travailleurs et travailleuses essentiel.le.s », les « premier.e.s de corvée, « toutes les personnes qui n’en peuvent plus de cette gestion de crise calamiteuse » à s’unir pour construire un mouvement populaire.

11e épisode, 2 mai 2020 - Une caissière raconte : « Une de nos collègues est décédée du Covid-19 »

« En tant que caissière on a toujours été méprisées. Là d’un seul coup avec cette crise du covid, on était essentielles, il fallait qu’on aille travailler, même sans protection. La direction a empêché les salariés d’exercer leur droit de retrait alors qu’il n’y avait pas de protections dans tous les magasins. Ils ont vu que les gens faisaient des provisions, avaient peur, ne savaient pas trop comment réagir fasse à cette crise... Ils en ont profité pour augmenter un peu les prix. »

Dominique Hautier, caissière dans un Carrefour de la région parisienne, nous raconte comment les pauses supplémentaires pour se laver les mains leur ont été refusées au motif qu’elles disposaient de gel hydroalcoolique et qu’« on ne pouvait pas se permettre de perdre du temps, de fermer une caisse pour aller se laver les mains. » Une de ses collègues est décédée du COVID19. A Carrefour, rendement et profit semblent primer sur le droit du travail et la vie des salariés.

10e épisode, 27 avril 2020 - Une aide-soignante en Ehpad alerte : « S’il n’y a pas une réponse immédiate, on ne s’en sortira pas »

Personnel en sous-effectif, manque de moyens, prise en charge des résidents qui se dégrade… Telle était déjà la situation dans les Ehpad avant l’irruption du COVID19. Début 2018, les personnels du secteur font grève, dans tout le pays soutenus par les directeurs des établissements, pour réclamer plus de moyens et de personnels pour leurs établissements.

Aujourd’hui, en pleine pandémie de coronavirus, la situation ne s’est pas améliorée : « Le renfort qui a été mis en place on ne le ressent pas parce que déjà en amont on est en sous-effectif. » explique Malika Berlabi, aide-soignante dans l’Ehpad "Les Abondances", dans les Hauts-de-Seine.

Comme beaucoup d’autres soignants en Ehpad, elle dénonce l’absence de masques, de surblouses, les rationnements contraints, « les conditions de vie déplorables des résidents au regard de ce qu’ils dépensent. ».

« Il y a des patients qui sont transférés des hôpitaux à l’Ehpad avec le covid. Il y a un tri qui est fait auprès de nos personnes âgées parce que nos hôpitaux sont saturés. S’il n’y a pas une réponse immédiate on ne s’en sortira pas. Vu la situation je pense que les chiffres de la mortalité dans les Ephad sont sous-estimés. »

9e épisode, 25 avril 2020 - Un ancien détenu libéré pendant le confinement raconte : « L’État laisse crever les gens en prison »

La situation sanitaire dans les prisons françaises, parfois déjà désastreuse, est aggravée avec l’irruption du coronavirus. Selon l’Observatoire international des prisons, au 23 avril, on dénombre 101 détenus testés positifs au Covid-19.
Un ancien détenu libéré pendant cette période de confinement raconte à Basta! les conditions de détention difficiles à vivre pour les détenus : « L’État laisse crever les gens en prison. Les produits de première nécessité les détenus n’ont pas pu les avoir. Les taulards fabriquent des masques pour le personnel pénitencier, et ils ne peuvent pas en avoir. Il n’y a même pas de gel hydro-alcoolique. C’est interdit. Parce qu’ils pensent que tu vas te bourrer la gueule. Les cas de covid, il y en a de plus en plus. Dans la promenade on ne peut pas garder les distances de sécurité comme vous à l’extérieur. C’est étroit ! »

8e épisode, 11 avril 2020 - Un anesthésiste témoigne : « On est au bord de la rupture de stock »

Les services de réanimation dans les hôpitaux font face depuis de nombreuses années au manque de moyens, de personnel et de lits. Avec la crise du coronavirus, s’ajoute bientôt une pénurie de médicaments pour anesthésier les patients placés en réanimation. « On est au bord de la rupture de stock. Si on en a pas dans les jours qui viennent, on ne pourra plus faire de réanimation. C’est aussi simple que ça », alerte Olivier Youinou, infirmier anesthésiste en réanimation, du collectif Inter-Urgences, à l’hôpital Henri Mondor de Créteil en région parisienne.

Pour lui, « il aurait fallu des tests dès le départ. Il aurait fallu des masques pour tout le monde dès le départ. Mais parce qu’il n’y en avait pas, le gouvernement a fait un plan de communication disant que les masques il n’y en avait pas besoin, que les tests ne servaient à rien... ». Une position qui ne semble pas avoir beaucoup évoluée, si l’on en croit le discours prononcé hier soir, lundi 13 avril, par Emmanuel Macron. Selon lui, il ne serait pas nécessaire de tester l’intégralité de la population mais seulement les cas symptomatiques. Pourtant, la moitié des personnes infectées par le coronavirus sont asymptomatiques ou ont peu de symptômes.

7e épisode, 7 avril 2020 - Un travailleur social, activiste contre les violences policières s’indigne : « On est considéré comme des citoyens de seconde zone »

« Le confinement aujourd’hui permet à des policiers de se sentir en roue-libre. Soit-disant les gens dans les quartiers populaires seraient plus indisciplinés. C’est la petite musique qu’on entend toujours. Il faut un argument pour justifier la violence des policiers. »

Pour ce septième épisode de notre série auprès de celles et ceux qui sont en première ligne, Basta donne la parole à Omer Mas Capitolin, travailleur social - activiste contre les violences policières, et également président de l’association Maison communautaire pour un développement solidaire (MCDS) à Belleville (Paris 20e). Pour lui, le confinement ne change rien au traitement des jeunes par la police dans les quartiers populaires. Pire, les récits de violences policières se multiplient. Les travailleurs sociaux, eux, sans moyens, tentent tant bien que mal de poursuivre le travail d’accompagnement des jeunes et mineurs isolés, abandonnés par l’Etat.

6e épisode - Un employé dans l’entrepôt d’Amazon de Brétigny-sur-Orge témoigne : « Nous n’avons aucune protection »

Le 3 avril, le ministère du Travail a mis en demeure l’entreprise Amazon de prendre les mesures nécessaires dans ses entrepôts pour que les normes sanitaires soient respectées et que les salariés puissent travailler en toute sécurité avec les protections adéquates. Parmi les entrepôts visés, celui de Brétigny-sur-Orge (Essonne), où on dénombre déjà quatre cas avérés de coronavirus, dont un dans le coma. Sylvain, employé dans cet entrepôt d’Amazon, nous raconte comment la direction met en danger les travailleurs en bafouant le droit du travail : « À Amazon Brétigny, lorsque nous venons sur le site avec nos propres protections personnelles, la direction nous dit que l’on va faire peur aux gens et qu’on ne peut pas venir travailler comme ça. Ils nous les font enlever. Nous n’avons aucune protection. La direction nous force à prendre des congés payés si on vient travailler avec masques et gants. Des gens risquent leur vie. »

5e épisode - Une infirmière aux urgences et une préparatrice en pharmacie témoignent : « On va le payer fort en morts »

Voilà plus d’un an que les soignants des services d’urgences ont initié un mouvement de grève contre le démantèlement de l’hôpital public. Alors qu’ils alertaient sur les fermetures de lits, le manque de matériel et de personnel, les voilà maintenant confrontés de plein fouet aux répercussions de ces politiques d’austérité en pleine pandémie de coronavirus. Cécile Fortuna, infirmière aux urgences, et Carole Soulay, préparatrice en pharmacie, à l’hôpital d’Avicenne, à Bobigny (Seine-Saint-Denis), témoignent : « On n’a plus de lits dans l’hôpital pour hospitaliser de nouveaux patients. Aux urgences on reçoit principalement que des patients Covid. On n’a déjà plus de lits en réanimation, plus de lits dans les services de soins continus. On va le payer fort en morts, en décès de patients, en décès de soignants. » Fin mars, la Seine-Saint-Denis enregistrait l’une des plus fortes surmortalités en France.

4e épisode - Un inspecteur du travail témoigne : « Il y a déjà des morts au travail »

Julien Boeldieu, de la branche inspection du travail de la CGT, alerte sur les difficultés que rencontrent les inspecteurs du travail pour protéger les salariés et contrôler les entreprises à l’heure de la crise sanitaire actuelle : « Le traitement de la crise est tout simplement scandaleux. D’un coté restez chez vous, de l’autre allez travailler. La situation peut devenir très grave. Il y a déjà des morts au travail. Un agent de sécurité, une caissière en Seine-Saint-Denis. S’il n’y a pas d’inspection du travail, il y a des chances pour que l’employeur puisse continuer à faire travailler des gens sans mesures de protection. »

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3e épisode - Un sapeur pompier témoigne : nous sommes de « la chair à canon »

Sans protection, sans moyens matériels et humains, Jean-Christophe Cantot, sapeur-pompier à Dourdan, estime être de « la chair à canon » face au coronavirus et réclame une « protection digne de ce nom ». En novembre, il alertait déjà sur les conditions de travail intenables des pompiers de l’Essonne, en grève depuis deux ans. Avec la crise sanitaire, il craint que la direction en profite « pour nous réduire nos droits, pour augmenter notre temps de travail ».

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2e épisode - Deux infirmières en psychiatrie témoignent : « On en vient à regarder qui est le plus stable au niveau des patients et à le mettre dehors »

Avec la pandémie de Covid-19, Géraldine Doriath et Oriane Cayard, infirmières en psychiatrie à Paris, vivent encore plus violemment les conséquences des restrictions budgétaires et de la gestion managériale dans le service public de la psychiatrie. Démunies pour protéger et accompagner dignement leurs patient.e.s, souvent exclu.e.s de la société et marginalisé.e.s, elles racontent : « En psychiatrie c’était déjà compliqué d’exercer son métier, c’est encore plus compliqué avec cette crise sanitaire du covid-19. On en vient à regarder qui est le plus stable au niveau des patients et à le mettre dehors. Nos demandes avant la crise sanitaire c’était déjà des moyens humains, des moyens financiers, éviter de continuer à fermer des lits ou des structures pour pouvoir au maximum accueillir nos patients et les accompagner dignement. Avec le Covid-19 on nous demande d’être en effectif minimum. En fait, l’effectif minimum on y est déjà. »

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1er épisode - Une aide-soignante et une infirmière témoignent : « Il n’y aura bientôt plus de soignants pour vous soigner »

« Avec la crise du Covid-19, les soignants sont en danger, on n’a plus d’hôpitaux, on a des soignants qui sont malades, il n’y aura bientôt plus de soignants pour vous soigner. » Nathalie Le Méné, aide-soignante, et Céline Letellier, infirmière, témoignent sur la situation au sein de l’hôpital d’Orsay, en région parisienne. A court de masques et de solution hydroalcoolique, elles doivent s’occuper à la fois des malades du coronavirus et des malades dans leurs propres services, augmentant ainsi le risque de propagation du virus. Le vendredi 20 mars, elles étaient toujours dans l’attente des masques promis par Emmanuel Macron.

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Photo : © Anne Paq