Colère agricole

L’Office de la biodiversité, « bouc émissaire » du gouvernement

Colère agricole

par Rédaction

Des bureaux de l’office des services en charge de contrôler les normes environnementales sont pris pour cible par les agriculteurs. Le Premier ministre leur emboîte le pas. Les syndicats des inspecteurs de l’environnement dénoncent ces attaques.

Le 31 janvier au matin, les agents de Dijon de l’Office français de la biodiversité (OFB), aussi appelé « police de l’environnement » ont trouvé devant leur lieu de travail des masses de fumier, déposé par des agriculteurs. Les bureaux de l’OFB ont aussi été visés dans l’Orne, ou encore dans le Nord. « On cible les administrations qui viennent en permanence contrôler les agriculteurs français », a justifié le vice-président de la FDSEA du Nord à France Bleu.

Les agents de cet organisme public sont chargés de contrôler et faire respecter les normes environnementales ou encore les restrictions de consommation d’eau en période des sécheresse. Les inspecteurs et inspectrices de l’environnement peuvent contrôler des exploitations agricoles, mais aussi des industries. Ils et elles ont aussi des missions de connaissance des écosystèmes et d’inventaire des espèces, ou encore de mise en œuvre de projets de protection de l’environnement avec des collectivités.

Ils sont devenus des ennemis désignés, notamment de la FNSEA, dans le vaste mouvement de protestation du monde agricole. D’autres agents de l’État en charge des normes environnementales sont également visés. Ainsi, à Carcassonne, le 18 janvier, le bâtiment de la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) de l’Aude a été soufflé par une explosion. Deux tags d’un « comité d’action viticole » ont été retrouvés sur place.

Des missions qui « visent à rendre l’agriculture plus durable »

La semaine dernière, le premier ministre Gabriel Attal s’en est lui aussi pris à l’OFB lors de ses premières annonces au monde agricole. Il a [promis de faire passer l’OFB, « sous la tutelle des préfets » afin de « faire baisser la pression » des contrôles. Il a même laissé la porte ouverte à la revendication de la FNSEA de désarmer cette police de l’environnement. « Faut-il venir armé pour contrôler une haie ? » a interrogé le Premier ministre. Les agents de l’OFB se font pourtant parfois eux-mêmes recevoir avec des fusil, comme confiait l’un d’entre eux à Basta!.

Certes, le ministre a également rappelé que l’OFB, « ce sont aussi des femmes des hommes qui s’engagent pour leur pays, souvent dans des conditions difficiles ». Mais ces annonces de Gabriel Attal passent mal auprès des syndicats de l’Office de la biodiversité. « Notre établissement a été bousculé jusque dans ses fondements, non par les actions des agriculteurs ou les revendications de la FNSEA, mais par les mots d’un Premier ministre qui a gravement remis en cause la légitimité de nos missions et nié l’importance des sujets environnementaux »,a réagi la section CGT de l’OFBle 30 janvier.

Taper sur l’écologie, « un défouloir »

« Le gouvernement actuel a sciemment occulté que les missions menées par l’OFB dans le domaine agricole lui sont confiées par la loi et visent à rendre l’agriculture plus durable. Le gouvernement a utilisé notre établissement comme bouc-émissaire, plutôt que de reconnaître sa part de responsabilité dans la situation de détresse, morale et économique, où se trouvent de nombreux agriculteurs », poursuit le syndicat dans un communiqué.

« Dans ce mouvement des agriculteurs, il y a des problèmes soulevés qui sont réels, souligne de son côté Dominique Blivet, secrétaire national de Sud rural-territoires. Les agriculteurs ont des revenus trop faibles pour pouvoir vivre dignement. Sur la loi Egalim [adoptée en 2018 et qui devait permettre à ce que la valeur soit mieux répartie au sein de la filière], il ont raison aussi, c’était une loi qui était intéressante mais qui n’est pas appliquée. Après, nous sommes sur une position de soutien critique. »

Sud condamne par exemple « la volonté de lutter contre les normes environnementales ». « On pense que c’est une très mauvaise idée, d’autant plus que les agriculteurs sont eux même victimes du glyphosate. On pense qu’ils se tirent une balle dans le pied en défendant l’agrobusiness », met en avant Dominique Blivet. Dans cette situation, les annonces du gouvernement visant l’OFB sont pour le syndicaliste « opportunistes » : « C’est un défouloir de taper sur l’écologie quand on ne sait pas quoi faire. C’est une manière de ne pas pointer le besoin d’un vrai changement de politique. Ce qui nous rebute aussi, c’est la violence avec laquelle on a été réprimés pendant le mouvement sur les retraites, et là on est sur des violences d’un autre calibre qui se passent en toute impunité. »

Des contrôles de l’OFB, il n’y en a de toute façon pas beaucoup, souligne encore Dominique Blivet. Car les les inspecteurs de l’environnement « sont en sous-effectif » « Tout le monde ne fait pas l’objet d’un contrôles de l’OFB tous les ans », avait lui-même précisé Gabriel Attal le 26 janvier, citant le chiffre de 3000 contrôles par an pour 400 000 exploitations agricoles. Ils concernent donc chaque année moins de 1% des exploitations agricoles françaises. « La couverture des contrôles de l’OFB est minime », confirme la CGT. Seuls 15% des contrôles effectués dans des exploitations agricoles révèlent des infractions, selon le syndicat. « L’immense majorité des agriculteurs respectent les normes », assure la CGT.

Rachel Knaebel

Photo d’illustration : Une manifestation de la FNSEA et des Jeunes Agriculteurs à Toulouse/CC BY-SA 4.0 Deed Pablo029 via Wikimedia Commons.