Grands projets

Canal Seine-Nord : « Ne comptez pas sur moi pour justifier un projet absurde »

Grands projets

par Baptiste de Fresse de Monval

Les travaux du Canal Seine-Nord, grand projet lancé dans les années 1970, ont commencé cet automne à Compiègne. L’élu local Baptiste de Fresse de Monval, maire de Margny-sur-Matz, s’oppose au projet, qu’il juge absurde et loin d’être écologique.

Le mois de janvier d’un élu local est un sympathique marathon de cérémonies de vœux.

Ces cérémonies se succèdent et se ressemblent. Elles commençent par le discours d’un maire ami, suivi par celui du président de la communauté de commune, du conseiller départemental, du conseiller régional et du député ou sénateur avant de se retrouver autour d’un pot avec les habitants.

Cette année, un sujet est à la mode : le Canal Seine-Nord Europe [un projet de creusement d’un nouveau canal, long de 107 km, qui reliera la rivière Oise, affluent de la Seine, au niveau de Compiègne, à L’Escaut et aux canaux des Hauts-de-France, eux-mêmes reliés à la Belgique, ndlr]. Cette apparition soudaine dans les discours de ce projet, pourtant dans les cartons depuis les années 1970, est due au fait que les travaux ont démarré, cet automne 2023, à Compiègne, tout près de Margny-sur-Matz.

Portrait de Baptiste de Fresse de Monval
Baptiste de Fresse de Monval est avocat et maire de Margny-sur-Matz, une petite commune de l’Oise, et l’un des premiers élus locaux à s’opposer au projet de canal Seine-Nord.
DR

Pour la conseillère régionale, ce projet écologique permettrait de désengorger l’A1 [l’autoroute du Nord, qui relie Paris à Lille, ndlr] dont la file de droite est saturée par les camions. Le député espérait lui que ce projet social tiendrait ses promesses d’emplois pour des milliers de chômeurs.

Je peux difficilement le leur reprocher, il y a peu, je le pensais aussi. Mais c’était avant. C’était avant que j’assiste à une réunion du Collectif stop canal composé d’étudiants de l’Université de technologie de Compiègne, d’anciens bateliers et d’une foule de citoyens.

Quelques lectures ont ensuite suffi à transformer les discours de vœux en vœux pieux.

Sur l’écologie, ce n’est pas le transport routier de l’A1 qui sera concurrencé par le canal mais le transport ferroviaire pourtant moins polluant que le transport fluvial. Le canal réduirait d’à peine 3 % le nombre de camions sur l’A1.

Pour assurer le niveau d’eau dans le canal, il est prévu de construire une bassine de 14 millions de m3. Ne comptez pas sur moi pour la justifier alors que j’affichais tout l’été, sur les fenêtres de la mairie, les interdictions préfectorales d’arrosage des potagers et d’irrigation à destination des agriculteurs.

Le front de l’emploi n’est guère plus encourageant. D’une part, l’incertitude sur le fait que ce projet tiendra lui ses promesses en termes d’emplois alors que les projets comparables ne l’ont pas fait. D’autre part des certitudes : le nombre d’emplois aidés dans nos mairies qui auraient pu être financés avec les 5 à 8 milliards d’euros publics prévus pour le Canal ; les artisans bateliers de Longueil-Annel qui vont disparaitre au profit des grands transporteurs de la mondialisation.

La cerise sur le gâteau est le dimensionnement. Le projet est prévu pour accueillir des bateaux de 3 étages de conteneurs alors qu’ils ne passeront ni amont ni en aval du fait des ponts et canaux existants.

Rien ne sert d’avoir raison tout seul.

En guise de vœux, je nous souhaite de convaincre de l’absurdité de ce projet pour qu’aux cérémonies des prochaines années, les discours aient changé.

En 2024, en tant qu’avocat dans la bataille juridique qui s’annonce et en tant qu’élu local, je ferai ma part.

Baptiste de Fresse de Monval, maire de Margny-sur-Matz

En illustration : Carte officielle du canal Seine-Nord