Solidarités internationales

Flottille de Gaza : rapides réponses à certains arguments israéliens

Solidarités internationales

par Julien Salingue

L’État d’Israël était-il dans son bon droit en prenant d’assaut la « flottille de la liberté » ? Celle-ci était-elle liée au Hamas ? Julien Salingue, enseignant à l’université de Saint-Denis et membre du NPA, répond aux arguments répétés depuis le 31 mai par les représentants israéliens.

Photo : freegaza.org

Un certain nombre d’arguments visant à justifier l’assaut sanglant contre la flottille sont répétés en boucle depuis le 31 mai. Comme on va le voir, ils ne résistent guère à l’examen :

1) Israël était dans son bon droit en arraisonnant les bateaux, y compris violemment

L’assaut s’est produit dans les eaux internationales. Les eaux territoriales sont limitées à 12 miles nautiques des côtes, limite que les bateaux étaient loin d’avoir atteinte. Qui plus est, la situation ne pouvait en aucun cas justifier l’emploi de la violence armée. L’article 51 de la Charte des Nations unies définit de manière précise le droit à la légitime défense : « Dans le cas où un membre des Nations unies est l’objet d’une agression armée ». Or, il n’y avait aucune menace militaire qui planait sur Israël.

2) Les soldats israéliens ont été agressés et n’avaient pas d’autre choix que de « se défendre »

Effectivement, certaines images montrent que des soldats israéliens ont pris des coups lors de l’assaut. Et alors ? C’est l’armée israélienne qui a attaqué les navires, pas l’inverse. Des commandos armés investissent un bateau par la force, en violation du droit international : n’est-il pas logique que les passagers du bateau, qui sont dans leur bon droit, se défendent ? Pour faire une comparaison, c’est comme si un pirate de l’air auquel l’équipage résisterait physiquement prétendait que c’est l’équipage qui l’a agressé. Qui plus est, comme l’ont fait remarquer nombre de commentateurs israéliens, le choix de faire débarquer de nuit, un par un, 14 membres d’une unité d’élite lourdement armés, ne pouvait que déboucher sur des incidents.

3) Les objectifs de la flottille n’étaient pas humanitaires : certains passagers étaient armés, il aurait pu y avoir des armes à destination de Gaza

Israël n’a pu, à l’heure actuelle, montrer aucune arme à feu. Les seules images que l’on a pu voir, en boucle, ce sont quelques couteaux, des lance-pierres, des bâtons et des objets métalliques (barres, haches) comme on en trouve sur tous les bateaux… On peut facilement faire le pari qu’Israël ne trouvera pas d’armes à feu, à moins d’en déposer : les bateaux ont été fouillés de fond en comble à Chypre, qui n’aurait jamais laissé partir des armes, pour éviter tout incident avec Israël ; les militants de la flottille savaient qu’il était très probable qu’ils soient arraisonnés et n’auraient jamais pris le risque de transporter des armes ; enfin, auraient-ils fait une telle publicité autour de la flottille s’ils avaient voulu livrer clandestinement des armes ?

4) La flottille a des liens avec le Hamas

Évidemment ! La flottille avait prévu de débarquer à Gaza. Or, jusqu’à preuve du contraire, le Hamas est l’organisation politique majoritaire au Parlement palestinien et c’est lui qui administre la Bande de Gaza. Il est logique et conforme au droit international de s’adresser aux autorités locales et de se coordonner avec elles. Et juste une question : avec qui l’État d’Israël discute-t-il pour tout ce qui concerne Gaza, ou encore Gilad Shalit ? La flottille a donc fait comme tous ceux qui se rendent à Gaza ou qui veulent s’y rendre, qu’il s’agisse d’ONG, de représentants de l’ONU ou de parlementaires européens : elle a pris contact avec le Hamas.

5) L’aide humanitaire entre à Gaza par Israël

Israël laisse, depuis quelques semaines, « un peu plus » d’aide humanitaire pénétrer dans la Bande de Gaza. Mais, pour une population de 1,5 million d’habitants, les quantités sont dérisoires ! Le haut-commissaire de l’ONU pour les Droits de l’homme, Navi Pillay, déclarait le 31 mai : « Les augmentations marginales dans le volume des marchandises autorisées à entrer à Gaza sont de loin insuffisantes pour permettre à la population de mener une vie normale et digne. »

Depuis 2007, ce sont 95% des entreprises qui ont fermé et 98% des emplois du secteur privé qui ont été détruits. Les centrales électriques fonctionnent par intermittence. Les restrictions drastiques sur les importations de ciment et de nombreux produits chimiques empêchent la reconstruction des infrastructures détruites lors des bombardements, qu’il s’agisse des maisons ou des stations de traitement des eaux usées, avec les conséquences sanitaires que l’on imagine.

Les derniers chiffres de l’ONU indiquent que 70% des Gazaouis vivent avec moins d’un dollar par jour, que 80% de la population dépend des aides alimentaires internationales, ou encore que plus de 60% des habitants de Gaza n’ont pas accès à l’eau courante. Israël prétend que les produits humanitaires peuvent pénétrer à Gaza, mais a interdit tous ceux qui peuvent être « détournés à d’autres fins »… Selon diverses estimations, 80% de l’économie de Gaza dépend des tunnels souterrains qui relient l’Égypte et la Bande de Gaza, dans lesquels au moins 150 Palestiniens sont morts depuis 2007.

Conclusion : Israël n’avait pas le droit d’intervenir là où il l’a fait, rien ne pouvait justifier une telle violence, les passagers n’ont fait que se défendre avec des armes de fortune. La flottille entendait transporter de l’aide pour une population qui en a besoin et briser symboliquement un blocus illégal et criminel, dénoncé par nombre d’ONG et d’agences de l’ONU. Pour mettre toutes les chances de son côté, elle a voulu agir en toute transparence, n’avait aucune intention belliqueuse et s’est logiquement coordonnée avec les autorités palestiniennes locales.

Julien Salingue est doctorant en Sciences Politiques, enseignant à l’Université Paris 8 (Saint-Denis), et membre du NPA.