Se déplacer

Voyager sans un sou en poche, c’est possible

Se déplacer

par Benjamin Lesage

Convaincus que l’argent est le cancer de nos sociétés modernes, trois jeunes Européens ont décidé de se lancer dans un voyage autour du monde, sans débourser un centime. Partis en janvier 2010, ils ont déjà parcouru 40 000 kilomètres. Première leçon de cette vie nouvelle : apprendre à se déplacer sans pouvoir s’acheter de titres de transport, ni d’essence. Petit guide pratique.

Sans argent, on ne peut pas « acheter » la sécurité d’arriver à une certaine heure ou d’être assis côté fenêtre. Il faut donc avoir du temps, être patient et avoir confiance en l’autre pour que l’autre ait confiance en nous.

Nous nous déplaçons principalement en marchant (de loin le moyen de transport le plus écologique et le plus sain) mais pour les longues distances nous privilégions l’auto-stop. Bien entendu, les chauffeurs des véhicules qui nous prennent utilisent eux de l’argent pour se déplacer mais l’impact d’un passager en plus est très minime. Et c’est une excellente occasion pour le conducteur et l’auto-stoppeur de faire une belle rencontre.

Pas facile de faire du stop en ville

Pour traverser les mers et océans et ne pas utiliser d’avion (l’empreinte écologique personnelle monte en flèche avec un seul vol), nous faisons du « bateau stop ». Cela consiste à visiter les ports de plaisance à la recherche d’un voilier qui irait là où l’on souhaite aller. Bien souvent, les capitaines recherchent des gens sans expérience pour pouvoir leur enseigner « à leur manière » comment les assister dans la navigation. Il y a aussi des pages internet où on peut remplir un profil et trouver un bateau.

Pour le moment, nous avons parcouru plus de 40 000 kilomètres en stop, sur terre, mers et océans. Le stop fonctionne dans la plupart des pays mais certains lieux sont plus difficiles que d’autres. Aux États-Unis et en Espagne, l’auto-stop est interdit et il faut donc ruser. Dans les pays moins développés financièrement, l’auto-stop fonctionne à merveille, surtout dans les campagnes. En Amérique centrale, l’attente est souvent limitée à quelques minutes et on peut monter derrière les pick-up, ce qui est interdit en Europe et aux États-Unis. Les endroits les plus difficiles ont toujours été les grandes villes. Pour sortir de la ville, il faut souvent marcher plusieurs kilomètres, et les gens sont beaucoup plus méfiants. Au Brésil, par exemple, après avoir marché une vingtaine de kilomètres pour atteindre une station essence, nous avons attendu cinq jours avant qu’un conducteur de semi-remorque accepte enfin de nous sortir de là.

Prendre conscience des distances parcourues

Nous avons traversé le détroit de Gibraltar dans la cabine d’un semi-remorque, chaque chauffeur a le droit d’avoir un « second chauffeur » avec lui qui peut donc traverser gratuitement. En plus, la nourriture est offerte à bord. Nous avons demandé à une bonne quinzaine de chauffeurs à l’entrée du port avant de trouver trois chauffeurs pour traverser. Ensuite, au Maroc, nous avons attendu une dizaine de jours à Agadir, où il y a une belle marina, avant de rencontrer un jeune Belge qui nous a emmenés jusqu’au îles Canaries.

Las Palmas est le plus grand port de plaisance d’Europe et l’endroit idéal pour trouver un bateau. La période idéale est entre octobre et janvier car environ 500 bateaux traversent l’Atlantique à cette époque. Nous avons attendu deux mois avant de trouver un bateau, avec deux Italiens qui se sont fait une joie de pouvoir nous aider. En échange, nous avons nettoyé le bateau, cuisiné et enseigné l’anglais et le français. La traversée a duré environ trois semaines en passant par les îles du Cap-Vert jusqu’au Brésil.

Se déplacer sans argent permet d’avoir une conscience plus grande des distance parcourues. L’attente permet d’apprécier les distances avec un autre œil, cela nous force aussi à rencontrer les gens du coin, écouter leurs histoires. Souvent, dans les pays où les gens sont plus humbles, le conducteur nous invite chez lui pour manger ou dormir, nous emmène voir un site touristique. L’auto-stop permet aussi de visiter des lieux qui ne sont mentionnés dans aucun guide, rencontrer des gens qui n’ont jamais vu d’étranger, connaître en somme le pays et la culture avec beaucoup plus de profondeur.

Benjamin Lesage

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