Justice

Villiers-le-Bel : un témoin se rétracte et évoque un « arrangement » avec la police

Justice

par Ornella Guyet

Décidément, le procès des émeutiers de Villiers-le-Bel, qui s’est déroulé en juin à la Cour d’assises de Pontoise, restera dans les annales judiciaires. Après les témoignages anonymes, avec récompense à la clé, voici la subornation de témoins : des déclarations tronquées en échange de petits arrangements.

Devant la salle d’audience de la Cour d’Assise de Pontoise, durant le procès des cinq de Villiers-le-Bel / © Ornella Guyet

Christopher Bénard, l’un des témoins-clé de l’accusation dans le procès des émeutes de Villiers-le-Bel, s’est rétracté le 22 septembre. Son témoignage avait débouché sur la condamnation de cinq personnes, de trois à douze ans de prison, pour leur participation aux émeutes de novembre 2007. Ayant croisé deux des accusés lors d’un transfert vers la Cours d’appel de Versailles, alors qu’il purgeait lui-même une peine dans une autre affaire, Christophe Bénard avait assuré les avoir entendu dialoguer : « J’ai tiré sur les policiers, mais ils n’ont pas de preuve, on va sortir bientôt », aurait dit l’un. « Je vais dire que j’étais à la mosquée. Ça va passer tranquille », aurait répondu le second.

Ce témoin vient de faire savoir par la voix de son avocate, Alexandra Hawrylyszyn, qui remplace Gilbert Collard, avoir fourni « un faux témoignage à la demande des policiers et du parquet ». Répondant à une interview, il évoque même un « arrangement » avec les policiers : son (faux) témoignage contre une réduction de peine. C’est pourtant lui qui prend contact avec le procureur pour relayer « les bruits de couloir entendus en détention, espérant percevoir une récompense pécuniaire », relate son avocate. « Ensuite, on lui a demandé de faire un faux témoignage en échange de sa remise en liberté et d’autres promesses, comme celle de récupérer son permis de conduire. » Son conseil envisage de déposer plainte pour subornation de témoin.

Propos déformés

Fin juin 2010, Christopher Bénard était apparu à la barre de la Cour d’Assises de Pontoise escorté par des policiers, à cause des menaces dont il aurait fait l’objet. Il y explique notamment être entré en contact avec deux conseillers de l’Élysée, dont le directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy, afin d’obtenir une amélioration de ses conditions de détention et une récompense. C’était en septembre 2008.

Son avocate explique aujourd’hui que son client a bel et bien croisé les deux accusés mais « ses propos ont été déformés par les policiers ». « Il les a entendu discuter mais nullement avouer, au contraire », explique-t-elle. L’un d’eux aurait en fait déclaré : « Ils disent que j’ai tiré alors que c’est même pas vrai, j’étais à la mosquée. »

Quatre accusés sont toujours en détention, dans l’attente de leur procès en appel. Maître Arapian, avocat de trois d’entre eux, compte demander leur remise en liberté : « C’est l’ensemble de l’instruction qui est entachée. S’il y a eu des pressions sur Christopher Bénard, cela nous amène à nous interroger aussi sur les déclarations des témoins sous X. » Un seul témoin avait finalement accepté de livrer anonymement son témoignage lors du procès, par visioconférence.

Désormais sans protection, Christopher Bénard dit se cacher par peur de représailles, « tant de Villiers-le-Bel que des forces de l’ordre », précise son avocate. La police judiciaire n’a pas fait de commentaires.

Ornella Guyet