Xénophobie

« En France, l’étranger n’est ni un danger, ni une menace »

Xénophobie

par Geneviève Jacques

C’est un appel à un changement de perspective que lance La Cimade. Cette association de solidarité avec les étrangers dénonce la banalisation des idées nationalistes et populistes. « Le traitement – hostile ou hospitalier – accordé aux étrangers est un marqueur de la santé démocratique de la société », alerte sa présidente Geneviève Jacques, qui invite à ne pas laisser le champ libre « à ceux qui nous promettent le cauchemar d’un "entre soi" replié sur lui-même, sans autre horizon que la peur ou la haine de l’autre ».

Les dangers que représentent – dans notre pays comme dans la plupart des pays européens – des courants nationalistes et populistes sont bien réels. La diffusion de leur idéologie porteuse de régressions éthiques et politiques mortifères fait courir un risque aux principes fondateurs de nos démocraties, et tout particulièrement aux valeurs cardinales d’égalité et de fraternité. Il n’est aujourd’hui plus possible de sous-estimer ce risque.

Le traitement – hostile ou hospitalier – accordé aux étrangers est un marqueur de la santé démocratique de la société. S’ils sont les premiers à être soupçonnés et stigmatisés, ils ne sont pas les seuls : les chômeurs, les jeunes, les vieux, les malades que l’on traite d’assistés, de profiteurs, de fraudeurs, sont aussi victimes de notre société inhospitalière aux plus pauvres. A coups de préjugés, de fausses évidences répétées en boucle, de mensonges, les partis nationalistes et xénophobes font du rejet de l’immigration leur fonds de commerce. Les idées toxiques de « préférence nationale » se répandent et se banalisent partout. Elles prennent racine dans une « crise des solidarités » qui affecte nos sociétés de plus en plus individualistes, et se développent sur un fond d’anxiété imputable aux problèmes économiques et sociaux et à une défiance croissante à l’égard de la classe politique.

Derrière l’idée de préférence nationale se cache une demande de discrimination envers les « étrangers », qui peut rapidement dériver sur des attitudes racistes et la stigmatisation des musulmans, des juifs, des Noirs, des Arabes, des Roms, etc. Loin d’apaiser ces peurs irrationnelles ou manipulées, les politiques nationales d’asile et d’immigration contribuent à les renforcer par le biais de législations de plus en plus sécuritaires et répressives, et par une approche étroitement utilitaire de la migration. Le silence atterré ou complice devant ces dérives politiques et morales traduit une vision étriquée et frileuse où disparaît l’idée même d’égalité à l’intérieur de notre commune humanité.

Mais il n’y a pas de fatalité !

Comme dans toute crise de société, des promesses nouvelles émergent de la société. Elles sont portées par toutes celles et ceux qui ne veulent pas de ce triste projet de détestation et de repli. Ceux qui disent « non » à toutes ces régressions éthiques et politiques. Ceux qui s’impliquent concrètement sur le terrain pour créer des liens d’humanité, pour faire reculer les injustices, pour redonner le gout du bien vivre ensemble, pour interpeler les responsables. Ceux qui refusent la paralysie de la pensée et la résignation. « C’est dans le vide de la pensée que s’inscrit le mal », nous prévient la philosophe Hannah Arendt !

Ils sont plus nombreux que l’on ne croit, ceux qui veulent en finir avec la « société de l’éloignement », où les gens ne se connaissent plus, cohabitent sans se rencontrer, sans se connaître, sans se reconnaître, étrangers les uns aux autres. Pour ne pas laisser le champ libre à ceux qui nous promettent le cauchemar d’un « entre soi » replié sur lui-même, sans autre horizon que la peur ou la haine de l’autre, il faut faire tomber les murs de l’ignorance ou de la bêtise en déconstruisant les idées fausses par la démonstration des faits, arguments contre arguments, vérités contre représentations, témoignages de vie contre fantasmes virtuels.

Il faut aussi commencer par affirmer que « l’étranger » est l’un de nous, qu’il appartient à notre histoire depuis toujours et que cette histoire s’écrit encore aujourd’hui. C’est autour de la revendication de ces valeurs d’égalité, de fraternité et de solidarité que La Cimade lance un « Manifeste » qu’elle propose à la signature du plus grand nombre.

Geneviève Jacques, présidente de La Cimade (Comité inter-mouvements auprès des évacués)

 Voir la nouvelle campagne de la Cimade.