Entreprises

Une proposition de loi alternative pour donner plus de pouvoir aux salariés

Entreprises

par Rachel Knaebel

Encore un projet de loi pour transformer l’entreprise et leur permettre « d’innover, se transformer, grandir et créer des emplois ». C’est le « Pacte » – pour « Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises » – que le ministre de l’Économie Bruno Le Maire ambitionne de présenter en mars [1]. Les députés du groupe Nouvelle gauche – les députés socialistes qui ne se sont pas ralliés à Macron – en ont profité pour déposer à l’Assemblée nationale une proposition de loi alternative, pour transformer les entreprises, mais dans une direction un peu plus sociale [2].

« Le temps est venu pour l’entreprise de réussir une révolution civique », écrivent les députés socialistes. Les élus souhaitent déjà redéfinir ce qu’est une entreprise du point de vue légal. « La définition des sociétés, issue du code Napoléon, se concentre sur les associés et ne rend compte ni de la réalité de l’entreprise, ni de la recherche d’objectifs autres que le profit », soulignent-ils. Ils veulent ainsi faire inscrire dans la loi qu’une société « est gérée conformément à l’intérêt de l’entreprise, en tenant compte des conséquences économiques, sociales et environnementales de son activité », comme les pollutions ou les conditions de travail chez ses sous-traitants. Le projet est notamment porté par Dominique Potier, député de Meurthe-et-Moselle, qui a été l’un des initiateurs de la loi sur le devoir de vigilance des multinationales (lire notre article).

Davantage de représentants des salariés parmi les administrateurs

Surtout, la proposition de loi imagine une présence plus grande des représentants des salariés dans les instances dirigeantes, conseils d’administration et conseils de surveillance. De récentes lois, adoptée sous la présidence Hollande, ont bien introduit l’obligation d’intégrer un ou deux représentants salariés au sein des conseil d’administration des très grandes entreprises (plus de 1000 salariés). Un quota bien faible au regard de ce qui se pratique dans d’autres pays européens.

Au Danemark ou en Allemagne, la forte participation des salariés aux décisions de l’entreprise ne fait plus débat depuis des décennies. Outre-Rhin, dans les entreprises de plus de 2000 employés, la moitié des sièges des conseils d’administration et de surveillance sont réservés aux représentants des salariés. « La présence d’administrateurs salariés existe dans la majorité des États membres de l’Union européenne et s’applique à compter de seuils allant de 35 salariés au Danemark, avec un tiers d’administrateurs salariés dans les conseils », précisent les députés.

Une véritable transparence fiscale des entreprises multinationales

Que prévoit le contre-projet de loi à celui de Bruno Lemaire sur ce sujet ? Dans les entreprises de plus de 500 employés, les représentants des salariés devront être au moins deux parmi les administrateurs, occuper un tiers des sièges au sein des entreprises de plus de 1000 salariés et la moitié dans celles de plus de 5000 salariés. C’est donc une toute autre forme de “participation” que celle proposée par le ministre de l’Économie, qui se focalise sur un meilleur partage de la valeur produite entre actionnaires et salariés, mais n’évoque pas le pouvoir de décision, majoritairement laissé aux seuls actionnaires.

Dans leur proposition de loi alternative, les députés socialistes souhaitent également une véritable transparence fiscale des entreprises multinationales, un écart maximal entre les rémunérations les plus hautes et les plus faibles, et la mise en place d’une double notation des entreprises, financière d’une part, mais aussi de leur responsabilité sociale de l’autre. En revanche, le texte des députés Nouvelle Gauche mentionne à peine l’économie sociale et solidaire et ne dit mot des coopératives, celles où la participation des salariés est pourtant la plus accomplie.

Cette proposition de loi a le mérite de dessiner des politiques alternatives possibles en matière d’encadrement du fonctionnement des entreprises et du partage de la décision. Mais elle n’a aucune chance d’être adoptée face à celui du ministre Bruno Le Maire, qui devrait être voté avant l’été. Or, celui-ci a été conçu à l’issue de réflexions menées à l’automne par des binômes de parlementaires LREM et de… chefs d’entreprise missionnés par le gouvernement, en l’absence du moindre représentant de salariés. En sont ressorties une trentaine de propositions – soumises à une consultation publique en ligne jusqu’au 5 février –, dont celles d’assouplir les obligations pour les entrepreneurs et d’alléger, encore, les seuils sociaux et fiscaux des entreprises…