Epandage

Le gouvernement refuse d’écouter les citoyens qui veulent la fin des pesticides

Epandage

par Nolwenn Weiler

Un paysan a-t-il le droit de pulvériser des pesticides à proximité d’une habitation ? Oui. Il peut même s’approcher jusqu’à 5 mètres pour les cultures basses comme les céréales et les légumes, 10 mètres pour les cultures hautes comme la vigne ou les arbres fruitiers, et 20 mètres pour les produits « les plus dangereux ». Très attendue par les riverains qui cohabitent avec des agriculteurs, ces nouvelles règles ont été annoncées le 20 décembre dernier par le gouvernement. Une série de dérogations pourrait réduire encore ces distances minimales, alors que des milliers de citoyens s’inquiètent pour leur santé et celle de leurs proches.

Cette inquiétude se lit clairement dans les résultats de la consultation sur le sujet des distances d’épandage, qui a récolté la contribution record de 53 000 personnes entre le 9 septembre et le 4 octobre dernier. « Les riverains, dont certains témoignent en tant qu’agriculteurs ou issus de famille d’agriculteurs, s’inquiètent pour leur santé : une très large majorité demande des distances réglementaires supérieures voire très supérieures (plus de 150 mètres) à celles proposées, notamment en raison de la crainte liée à la volatilité des produits » cite la synthèse. « Les répondants s’inquiètent des effets nocifs des pesticides sur la santé de la population en général et en particulier sur celle des enfants et des futures générations. » « Au-delà des riverains, de nombreux contributeurs insistent sur les risques pour les agriculteurs eux-mêmes. »

Le gouvernement refuse de communiquer les résultats de la consultation

Problème : les annonces gouvernementales du 20 décembre ont-elles vraiment pris en compte les résultats de cette consultation ? Impossible de le savoir, puisque, à part la synthèse, aucune donnée issue de la consultation n’est rendue publique. « Il eût été d’une simplicité biblique de réaliser des courbes, d’indiquer des pourcentages, de truffer le document de camemberts permettant de comparer le nombre des adversaires des pesticides et les autres. Mais alors, le château de cartes se serait écroulé, et la supercherie aurait été dévoilée », réagit Fabrice Nicolino en tant que président de l’association Nous voulons des coquelicots, qui a lancé une pétition demandant l’interdiction des pesticides. Celle-ci vient de franchir le million de signatures. Selon lui, le rapport du ministère ment par omission car il ne cite opportunément aucun chiffre. Plusieurs associations environnementales ont pourtant bataillé pour que les résultats de la consultation soient dévoilés. Elles prévoient de déposer un recours devant le Conseil d’État.

La crainte la plus importante, parmi les riverains consultés, est celle de développer une maladie grave. De nombreux témoignages portent sur des cas de cancers qui touchent toute une famille ou un voisinage, des cancers infantiles et des décès de personnes jeunes. « Combien de membres de ma famille vais-je devoir encore pleurer ? » s’interroge une contributrice. Un grand nombre de contributeurs estiment d’ailleurs que la question excède la seule considération de la distance. Selon eux, soit on reconnaît la dangerosité des pesticides pour la santé et on les interdit, soit ils ne sont pas dangereux donc une distance n’est pas nécessaire. 

Photo : CC Nicolas Duprey (CD 78)

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