Climat

Face à la fonte des glaciers, un Péruvien veut faire payer le plus gros pollueur d’Europe

Climat

par Rachel Knaebel

Et si les habitants du Vanuatu, l’archipel dévasté par le cyclone Pam, se retournaient contre les entreprises les plus polluantes, celles qui émettent le plus de CO2 dans l’atmosphère, contribuant ainsi au dérèglement climatique et à la montée des océans ? S’ils exigeaient d’elles qu’elles contribuent à financer la reconstruction du pays ? Impensable ? Un Péruvien vient pourtant d’engager une procédure contre le groupe énergétique allemand RWE, gros émetteur de CO2. Il l’enjoint à participer au financement des installations nécessaires à la protection de sa ville face aux conséquences du réchauffement climatique, en l’occurrence, la fonte des glaciers.

Saúl Luciano Lliuya habite la petite ville de Huaraz. La cité se trouve en contrebas d’un lac alimenté par les glaciers des Andes. Avec la fonte des glaces consécutive au réchauffement climatique, le lac a quadruplé de volume depuis 2003. Il suffirait que des blocs de glace de grande taille se détachent du glacier et tombent dans le lac pour que la maison du Péruvien et le reste de sa ville de 55 000 habitants se retrouvent sous les eaux. Les autorités d’Huaraz déclarent d’ailleurs régulièrement l’état d’urgence face au risque d’inondations. Mais il n’existe sur place ni système d’alerte précoce, ni équipements de pompage des eaux du lac. Pour les installer et renforcer le système de digues, il faut de l’argent. Le Péruvien a donc décidé de s’adresser aux entreprises directement responsables du changement climatique. Avec une avocate allemande spécialisée dans les questions environnementales, Roda Verheyen, et le soutien de l’ONG allemande Germanwatch, il réclame ainsi au groupe allemand RWE de participer aux coûts de ces infrastructures.

Car le géant énergétique allemand RWE, et sa douzaine de centrales à charbon exploitées en Allemagne et en Europe, est selon une étude de 2013 [1] la plus grosse entreprise émettrice de CO2 en Europe. Ainsi, elle serait responsable de 0,5 % des émissions de gaz à effet de serre rejetées dans l’atmosphère depuis le début de l’industrialisation. Le Péruvien de Huaraz réclame donc au groupe allemand qu’il finance 0,5 % des coûts des installations de protection de sa ville, soit la modeste somme de 20 000 euros.

Si l’entreprise refuse, Saúl Luciano Lliuya et son avocate sont bien décidés à porter l’affaire devant un tribunal allemand. « Une telle initiative est inédite en Europe, signale Christoph Bas, directeur de l’ONG Germanwatch.« Il y a dans le monde toujours plus de personnes dont l’existence est menacée par le réchauffement climatique alors qu’ils sont parmi ceux qui y ont le moins contribué. Il faut une solution politique à ce scandale. Une solution qui mette les émetteurs de CO2 devant leurs responsabilités. Le prochain accord sur le climat qui doit être signé à Paris en décembre 2015 donne l’occasion d’avancer d’un pas décisif sur cette question. »

Rachel Knaebel

Notes

[1Voir ici, p 7.