Répression

Des scientifiques en garde à vue pour avoir dénoncé l’inaction climatique

Répression

par Sophie Chapelle

A la veille du premier tour des municipales, trois scientifiques ont été placés en garde à vue après avoir participé à une action où ils alertaient sur le manque de mesures face au changement climatique.

Trois scientifiques et neuf militants ont passé près de 24 heures en garde à vue entre le 13 et le 14 mars. A la veille du premier tour des municipales, une action « démasquons Macron » visant à dresser le vrai bilan écologique et social du gouvernement s’est déroulée à proximité de l’Élysée, avec les portraits présidentiels réquisitionnés dans les mairies. Parmi les gardés à vue figuraient l’épidémiologiste Kévin Jean, aux côtés du sociologue Milan Bouchet-Valat et de l’astrophysicien Jérôme Guilet. Tous les trois ont pris la parole en tant que co-initiateurs de l’appel des 1000 scientifiques enjoignant à la désobéissance civile « pour exiger des actes de la part de nos dirigeants politiques » face à la crise écologique.

Le 12 mars, Emmanuel Macron avait affirmé sa confiance dans les scientifiques et réclamait à la nation entière d’en faire autant, concernant les mesures prises face au coronavirus. « J’ai notamment insisté sur la façon dont les mesures annoncées la veille étaient justifiées par des éléments scientifiques, souligne Kévin Jean, également président de l’association Sciences citoyennes. En matière de climat et d’effondrement de la biodiversité, cela fait des années que les alertes existent. La situation actuelle montre que le gouvernement est capable de prendre des mesures inédites pour une crise visible et immédiate, et rien pour le climat dont les impacts sont moins visibles maintenant mais terrifiants à terme. »

« Les masques contre le coronavirus ne seront pas nos baillons »

C’est après avoir reçu des portraits réquisitionnés de Macron, que ces trois chercheurs ont été interpellés par les forces de l’ordre et emmenés au commissariat. La porte-parole d’Attac France, Aurélie Trouvé, qui participait à l’action, a également été placée en garde à vue dans un autre commissariat. Elle relate ses conditions indécentes de détention. « Les conditions de la garde à vue restent très dégradantes mais contrairement à Aurélie Trouvé, on a plutôt été bien traités », observe Kévin Jean. « On a également eu l’impression un peu dérangeante d’avoir reçu un traitement de faveur par rapport à toutes les personnes qu’on y a côtoyées. »

« Étant donné que nos dossiers ont été classés sans suite, qu’ils n’avaient rien à nous reprocher, ces gardes à vue apparaissent comme autant de procédures de dissuasion », poursuit-il. Une forme d’intimidation progressivement écartée lorsqu’il a découvert l’importance de la solidarité et de la mobilisation à la sortie du commissariat. « Les masques contre le coronavirus ne seront pas nos baillons » prévient l’association Sciences citoyennes. A l’aune des mesures de confinement, l’un des enjeux va être le renouvellement des modes d’actions pour les semaines à venir.

Photo de une : © ANV-COP21