Police

Sarkozy recrute-t-il des miliciens volontaires ?

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par Agnès Rousseaux

Des milices citoyennes... Une proposition qui a fait bondir le leader du Parti de gauche, Jean-Luc Mélenchon : « Ainsi Nicolas Sarkozy a l’intention de créer des milices et personne ne dirait rien ? Avez-vous bien lu ? Dans votre quartier, certains habitants du quartier auront des fonctions de police, ce qui est déjà incroyable mais de surcroit ils auront ce pouvoir dans le quartier lui-même », écrit le député européen sur son blog.

Attribuée (à tort) au discours du président du 24 novembre dernier, lors de sa visite dans les commissariats de banlieue, la proposition date pourtant de plus longtemps. Dans le Plan Espoir Banlieue de 2008, Nicolas Sarkozy annonce le recrutement de « volontaires citoyens », qui doivent venir donner un coup de main aux forces de l’ordre : « Des réservistes expérimentés seront recrutés comme délégués à la cohésion police-population. Ils s’appuieront sur des volontaires citoyens de la police nationale, c’est à dire des habitants dont je veux engager le recrutement pour qu’ils s’impliquent dans la sécurité de leur propre quartier ».

Secours social et de sécurité (SSS)...

Mobiliser les citoyens, sur une base volontaire, pour venir suppléer les forces de police... Une idée déjà expérimentée par Silvio Berlusconi. Dans les quartiers de forte délinquance des villes du Nord de l’Italie, des « rondes citoyennes » sont organisées. Les patrouilleurs ont des consignes strictes : interdiction du port d’arme, appel des forces de l’ordre en cas d’agression, éviter les provocations, pas plus de cinq personnes par patrouille.... Celles-ci affichent sur leur passage de petits macarons : « Association Vénétie sûre. Le groupe de surveillance territoriale est passé cette nuit à… pour un service de repérage et de prévention ». Comme le souligne un article du Figaro, ces « milices » portent des noms étranges : Blue Berets et City Angels à Milan, Sentinelles de la beauté à Florence, Volontaires pour la sécurité publique, Patrouille des « SSS » (Secours social et de sécurité)...

En 2006, dans ses vœux à la presse, alors qu’il était ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy avait déjà défendu cette proposition : « La réserve citoyenne sera constituée de citoyens, qui comme les sapeurs pompiers volontaires veulent donner un peu de leur temps pour apporter leur contribution à la création d’une meilleure sécurité. Ils seront agréés par la police, porteront des signes distinctifs » (...) et « effectueront des missions de médiation, de relation avec la population, de sensibilisation à la loi et à la bonne conduite. » En 2008 a été lancé un service volontaire citoyen de la police nationale [1]. Le volontaire en question, « collaborateur occasionnel du service public  », n’a pas de pouvoir de police mais est « soumis aux règles prévues par le code de déontologie de la police nationale ». Une initiative qui n’a pas connu le succès escompté, puisque seulement quelques centaines de personnes se sont portées volontaires.

Ou citoyen volontaire de la police nationale ?

Les ambiguïtés d’un tel statut sont évidentes : comment ces volontaires sont-ils recrutés ? Comment sont-ils formés, encadrés ? Quand on sait qu’ils peuvent être chargés « d’expliquer la loi » aux jeunes ou de « soutenir des victimes »... Et à quelles informations ces volontaires - soumis à aucune obligation de réserve ou de confidentialité - ont-ils accès ? Ils sont censés exercer surtout des missions de prévention dans les établissements scolaires ou d’accueil dans les commissariats. Nicolas Sarkozy souhaite l’implication de ces volontaires dans la sécurité de leur quartier... une nouvelle mission en perspective pour les prochaines années ? Va-t-on vers des patrouilles de citoyens, pour faire régner l’ordre public dans les rues ? Des milices de dévoués militants UMP, chargés de veiller à la « bonne conduite » de leurs concitoyens ?

Notes

[1Créé par l’article 30 de la la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance