Transition énergétique

Renoncement de Hulot sur le nucléaire : le déploiement des renouvelables repoussé

Transition énergétique

par Sophie Chapelle

Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire, a annoncé le 7 novembre qu’il serait « difficile » de tenir l’objectif de réduction de la part de l’électricité d’origine nucléaire à l’horizon 2025. Cet objectif, inscrit dans la loi de transition énergétique votée en 2015, était également un engagement de campagne d’Emmanuel Macron. Il s’agit de descendre la part du nucléaire dans la production d’électricité de 75 % aujourd’hui à 50 % dans sept ans, pour permettre une montée en puissance des énergies renouvelables et des économies d’énergie.

En juillet dernier, Nicolas Hulot avait estimé que cette réduction de la part du nucléaire reviendrait à fermer « jusqu’à dix-sept réacteurs » sur les 58 en activité actuellement. Comment le ministre justifie-t-il ce – nouveau – renoncement ? Nicolas Hulot s’appuie sur la publication par RTE, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité, filiale d’EDF, d’une série de scénarios énergétiques pour la France. Dans son bilan prévisionnel, RTE estime qu’une diminution trop rapide du parc nucléaire contraindrait à maintenir en activité les quatre centrales à charbon françaises et à construire une vingtaine de nouvelles centrales au gaz.

« Si on veut maintenir la date de 2025 pour ramener le nucléaire à 50 % [du « mix » électrique], ça se fera au détriment de nos objectifs climatiques », a souligné le ministre, qui s’est toutefois bien gardé de donner une nouvelle échéance. « Nicolas Hulot n’a pas seulement repoussé l’objectif des 50 %, il hypothèque sérieusement le déploiement des énergies renouvelables alors que les investissements dans les énergies renouvelables sont en baisse sur les deux dernières années en France et que l’une des promesses de campagne d’Emmanuel Macron visait justement à "doubler la capacité en éolien et en solaire photovoltaïque d’ici à 2022" », réagit l’association Attac.

Colère des associations environnementales

Selon le Réseau Action Climat, l’argument selon lequel il faudrait choisir entre le nucléaire et la crise climatique ne tient pourtant pas. « Plusieurs scénarii énergétiques existants permettent de respecter à la fois les objectifs de baisse du nucléaire, de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de développement des énergies renouvelables et d’efficacité énergétique », souligne le réseau. C’est notamment le cas du scénario de référence officiel de la France et du scénario négaWatt [1].

« Ce n’est pas en reculant sur le nucléaire que la lutte contre les dérèglements climatiques s’accélérera, dénonce Greenpeace. Dans un rapport de 2015, l’ONG démontre avec d’autres associations que le nucléaire représente une fausse solution pour la lutte contre les changements climatiques [2] Le recul de Nicolas Hulot illustre plus largement la toute puissance des lobbies nucléaires et financiers sur la politique énergétique du pays, comme le décrypte cette note de notre Observatoire des multinationales.

Nicolas Hulot a toutefois assuré que « l’objectif de 50 % demeure ». « Dans l’année qui vient, nous allons regarder le nombre de réacteurs qu’il faudra fermer. Tout ça va prendre quelques mois et, en fonction de ça, nous fixerons une nouvelle date », a-t-il expliqué à la sortie du Conseil des ministres. Il a par ailleurs confirmé la fermeture de la centrale de Fessenheim d’ici la fin du quinquennat – une promesse déjà faite par François Hollande au début de son mandat.

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Notes

[1L’association Negawatt tire d’ailleurs des conclusions différentes des scénarios explorée par RTE de l’association Negawatt (voir le communiqué) : la réduction de la capacité nucléaire serait pertinente d’un point de vue économique, la substitution du nucléaire par les renouvelables jusqu’à des taux de 40 % ou davantage serait possible sans recours accru aux énergies fossiles et enfin, la fermeture systématique des réacteurs au plus tard à l’échéance des 40 ans devient possible sans augmentation non maîtrisée des émissions de gaz à effet de serre.

[2Voir Nucléaire, une fausse solution pour le climat : un rapport publié en 2015 par les Amis de la Terre, la Fondation Heinrich Böll, France Nature Environnement, Greenpeace, le Réseau Action Climat, Réseau Sortir du Nucléaire, Wise Amsterdam.