Législatives

« Rassemblement bleu Marine » : bienvenue au musée des horreurs de l’extrême droite

Législatives

par Ivan du Roy

Pour les législatives, les candidats du FN se présentent sous l’étiquette « Rassemblement bleu Marine », histoire de continuer l’opération de dédiabolisation initiée par Marine Le Pen. Mais derrière l’emballage se cachent encore et toujours les divers courants d’extrême droite, des intégristes catholiques aux nostalgiques de l’Algérie française, en passant par les amis des négationnistes. Petit panorama de ces charmants candidats choisis par le FN, qui n’est décidément pas un parti « normal ».

Ils sont tous candidats du « Rassemblement bleu Marine » aux législatives. Et comptent bien surfer sur le score de Marine Le Pen au premier tour de la présidentielle (17,9 % des voix) en tentant de faire oublier – dédiabolisation oblige – le patrimoine historique et idéologique du Front national (FN). Un patrimoine que ces cadres et élus du FN incarnent parfaitement, chacun représentant un courant de pensée de l’extrême droite française : des nostalgiques de l’OAS (Organisation armée secrète, opposée à l’indépendance de l’Algérie, qui a assassiné de 1962 à 1964 entre 2 000 et 12 000 personnes selon les historiens) aux intégristes catholiques de la Fraternité Saint-Pie-X, du GUD (Groupe union défense), groupuscule qui s’est illustré par ses actions violentes dans plusieurs universités, aux islamophobes du Bloc identitaire, des négationnistes du génocide juif aux ex-skinheads adeptes du folklore viking et néonazi. Petit panorama de la diversité de l’extrême droite, rassemblée derrière Marine Le Pen.

Bouches-du-Rhône

  Jean-Pierre Baumann (5e circonscription)

Jean-Pierre Baumann compte bien perturber le duel entre Renaud Muselier (UMP) et Marie-Arlette Carlotti (PS), dans une ville où Marine Le Pen a recueilli plus de 21 % des suffrages. Il est une figure du FN local de longue date : le 21 février 1995, c’est chez lui que se réfugient les trois colleurs d’affiches du FN qui viennent de faire feu à plusieurs reprises sur un groupe de jeunes Marseillais. Touché, Ibrahim Ali, 17 ans, ne se relèvera pas. Les trois militants sont condamnés respectivement à 2 ans, 10 ans et 15 ans d’emprisonnement. L’association qui les soutient est animée par Jean-Pierre Baumann. La famille et les amis d’Ibrahim Ali grincent des dents : « Dix-sept ans après, celui qui était notre avocat lors du procès de ses assassins, Gilbert Collard, est devenu le porte-parole de Marine Le Pen » [1], ont-ils rappelé lors d’une journée de commémoration en mémoire du jeune homme, le 21 février 2012.

  Laurent Comas (6e circonscription)

Laurent Comas siège comme conseiller régional FN en Paca et dirige la section départementale du parti. Déjà candidat aux élections cantonales en mars 2011, il avait recueilli 37,5 % des votes : le meilleur score du FN dans les Bouches-du-Rhône. Son directeur de campagne était alors Pierre-Olivier Sabalot, un ancien skinhead inculpé en 2004 pour détention d’une arme de guerre et de matière pouvant servir à la fabrication d’explosifs. Soit une kalachnikov, un bidon de chlorate de soude et des revues sur les explosifs [2]. Après avoir purgé une peine de deux ans de prison ferme, Pierre-Olivier Sabalot écrit une biographie sur le fondateur de l’apartheid en Afrique du Sud, Hendrik Verwoerd. Laurent Comas démentira ensuite avoir choisi Sabalot comme directeur de campagne. Mais c’est à ce titre que celui-ci répond à un journaliste de La Provence [3] pendant la campagne. Lors des élections municipales de 2007, Laurent Comas avait aussi accueilli sur sa liste des militants des Jeunesses identitaires Massalia, rendues célèbres pour avoir tenté de distribuer une « soupe au cochon » aux sans-abri pour en exclure les musulmans, une initiative interdite par la préfecture.

  Bernard Marandat (7e circonscription)

Conseiller régional du FN, il était lui aussi arrivé en tête lors des élections cantonales de 2011, avec 28,7 % des voix. Issu d’une famille d’anciens de l’OAS, il a été le responsable du GUD (Groupe union défense, groupuscule d’extrême droite adepte de l’affrontement violent) à la faculté de médecine de Marseille dans les années 1970. Son frère, Philippe, en était le responsable à la faculté de droit d’Aix-en-Provence. Après un passage au MNR de Bruno Mégret [4], il retourne au Front. Sa fille, Marie, a été la responsable de l’association Marseille Solidarité, cache-sexe des Jeunesses identitaires Massalia pour l’organisation de leur soupe au cochon. Bernard Marandat a récemment assuré que « des discussions existent avec l’UMP à Aix » [5]. C’est-à-dire avec Maryse Joissains, député-maire UMP d’Aix, membre de la Droite populaire, qui n’est pas avare de déclarations scandaleuses. Elle juge illégitime la victoire de François Hollande. Elle a aussi lâché : « Je ne veux plus un seul Rom sur ma commune. » C’est elle enfin qui a fait de Jean-Pax Méfret, chanteur nationaliste et défenseur de l’Algérie française, un « citoyen d’honneur de la ville d’Aix », et qui se dit prête à baptiser une rue « Bastien-Thiry », du nom du militant de l’OAS auteur de la tentative d’assassinat de Charles de Gaulle. De quoi réjouir Bernard Marandat.

Calvados

  Philippe Chapron (5e circonscription)

Candidat du Rassemblement bleu Marine dans le Calvados, Philippe Chapron est lui aussi est passé par le GUD dans les années 1970. Il est ensuite l’un des responsables du « DPS » (département protection sécurité), le service d’ordre très spécial du FN. Contrôlé le 3 juin 1993 au retour d’un point presse de Jean-Marie Le Pen à Châtillon, les policiers découvrent dans son véhicule « un fléau japonais, un poing américain, un pistolet lance-fusées calibre 12 et des balles en caoutchouc, un sabre d’exercice japonais en bois ainsi que 26 manches de pioche », note le rapport parlementaire établi par la commission d’enquête sur le DPS. Embauché comme ouvrier au Musée de la bataille de Normandie à Bayeux, Philippe Chapron en sera ensuite nommé directeur, ce qui provoquera la colère des associations antiracistes locales en 1998 [6].

Charente-Maritime

  Jean-Marc de Lacoste-Lareymondie (1re circonscription)

  Marie-Françoise de Lacoste-Lareymondie (5e circonscription)

Respectivement fils et belle-fille d’un vieux compagnon de route de Jean-Marie Le Pen, Alain de Lacoste-Lareymondie. Celui-ci participa en 1965 à la campagne présidentielle de Jean-Louis Tixier-Vigancour, ancien membre du régime de Vichy, puis avocat de plusieurs responsables de l’OAS. Le couple Lacoste-Lareymondie, qui tient le FN charentais depuis toujours, représente fort bien la vieille noblesse française, ultracatholique et traditionaliste. Ils sont membres de la Fraternité Saint-Pie-X, fondée en 1970 par l’évêque Marcel Lefebvre. La Fraternité Saint-Pie-X est notamment accusée d’avoir aidé Paul Touvier, chef de la milice lyonnaise pendant l’Occupation, recherché pour crime contre l’humanité pour avoir assassiné des juifs et des résistants. Plus récemment, un évêque de la Fraternité Saint-Pie-X, Richard Williamson, a déclaré le 1er novembre 2008 qu’il ne croyait pas « qu’il y ait eu des chambres à gaz. Je crois que 200 000 à 300 000 juifs sont morts dans les camps de concentration, mais aucun dans des chambres à gaz ». Ambiance. Jean-Marc et Marie-Françoise de Lacoste-Lareymondie ont peu de chance de se maintenir dans une éventuelle triangulaire, malgré les 17,5 % réalisés par Marine Le Pen dans le département. Selon un sondage publié par le quotidien Sud-Ouest, Marie-Françoise de Lacoste-Lareymondie est créditée de 9 % des voix.

Côtes-d’Armor

  Gérard de Mellon (2e circonscription)

Il est le beau-frère de l’un des époux Lacoste-Lareymondie (lire ci-dessus), et lui aussi adepte de l’ultracatholicisme. Pour tenter de faire oublier ce patrimoine idéologique, il déclare dans le quotidien breton Le Télégramme : « Je me fous de l’Algérie française ou de la Deuxième Guerre mondiale (sic). Je considère l’Holocauste comme le pire crime de l’humanité contre elle-même. Je ne comprends les dérapages de Jean-Marie Le Pen que par la nécessité de se faire connaître, en posant des bombes verbales. » [7] Pas sûr que cela l’aide à faire mieux que les 13,6 % de Marine Le Pen obtenus dans le département.

Dordogne

  Emmanuelle Pujol (4e circonscription)

Emmanuelle Pujol est une fan inconditionnelle de Bruno Gollnisch, député européen, conseiller régional en Rhône-Alpes, et candidat dans la 3e circonscription du Var (vous avez dit cumul des mandats ?). Lors du duel entre son mentor et Marine Le Pen pour la présidence du FN, elle s’est distinguée en publiant un communiqué intitulé : « Bruno Gollnisch : son honneur s’appelle fidélité. » Influence révélatrice ? La devise « Mon honneur s’appelle fidélité » (« Meine Ehre heißt Treue ») était celle des SS, l’armée politique du parti nazi… Dans son ode à Bruno Gollnisch, Emmanuelle Pujol se donne les moyens de vous faire pleurer (de rire) : « Bruno Gollnisch est au combat politique ce qu’est la Légion étrangère dans la bataille : sa pensée est précise et fulgurante comme les Commandos du REP (Régiment étranger parachutiste, ndlr) .Sa force est celle des Régiments du Génie : elle désamorce, ratiboise, remblaie, rassemble et élève les remparts de la Cité. Il avance, pugnace, inlassable, infatigable, de son pas régulier, malgré les rafales, les tempêtes, avec l’opiniâtre endurance de l’Infanterie… ». Ah, la poésie version FN… Les 17 % de votants pour Marine Le Pen la suivront-ils aveuglément dans ses sinueuses tranchées ?

Eure

  Jean-Michel Dubois (5e circonscription)

Conseiller régional de Haute-Normandie, où Marine Le Pen a attiré 22,7 % des votants, Jean-Michel Dubois est passé du RPR au FN. Il a dirigé la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) en Seine-Saint-Denis, et est un ancien administrateur d’HEC. On le dit l’homme des réseaux pro-arabes du FN, depuis ses séjours auprès du régime irakien de Saddam Hussein. Il s’est rendu une vingtaine de fois à Bagdad avant la chute du régime, accompagné notamment de Jany Le Pen, deuxième épouse du président d’honneur du FN. Il y fut reçu par le vice-Premier ministre irakien, Tarek Aziz. Et anime depuis l’association « SOS enfants d’Irak ». Celui qui était trésorier de la campagne de Le Pen père en 2002 et en 2007 est présent au Zenith lors du spectacle où Dieudonné fait remettre un prix au célèbre négationniste Robert Faurisson, en compagnie de Bruno Gollnisch, de l’essayiste nationaliste Alain Soral, de l’ancien responsable du GUD Frédéric Chatillon et de… Roland Dumas.

Hérault

  Joseph Castano (9e circonscription)

Ce fils de militant de l’OAS est le candidat idéal pour séduire les voix des rapatriés d’Algérie et de leurs familles à Lunel, entre Nîmes et Montpellier, où Marine Le Pen est arrivée en tête avec près de 27 % des suffrages. Lors des élections cantonales de 2011, Joseph Castano n’a pas hésité à désigner « la communauté maghrébine qui ne cesse de croître » comme bénéficiant de prestations sociales et de logements sociaux dont seraient privés les autres Lunellois. Des maghrébins amalgamés « à l’insécurité croissante qui gangrène les établissements scolaires ». Cette stigmatisation se double d’un discours pour « le rétablissement de la vérité historique sur la guerre d’Algérie »… Ou comment surfer sur les frustrations.

Nord

  Louis-Armand de Béjarry (3e circonscription)

Il est présenté par la presse locale (La Voix du Nord) comme un « gestionnaire de copropriétés de 32 ans ». Mais son CV ne s’arrête pas à cette très convenable facette. Ancien responsable du FNJ (Front national de la jeunesse) et ancien secrétaire départemental du FN en Loire-Atlantique, il sera un moment en conflit avec Marine Le Pen pour avoir participé à la « Fête de l’Identité », événement organisé par la droite du FN. C’est lui qui nomme responsable de la propagande du FNJ un certain Arnaud Fréry, qui s’illustrera entre les deux tours de la présidentielle de 2002, opposant Jacques Chirac à Jean-Marie Le Pen, en déclarant : « Jean-Marie Le Pen a fréquenté des nazis comme il a aussi fréquenté des PD »… En 2010, le nom de Louis-Armand de Béjarry figure dans le fichier hacké des clients de « Thor Steinar » [8], une marque allemande de vêtements très prisée par les néonazis. La marque a été créée par un proche du parti néonazi allemand NPD, et son ancien logo, une rune germanique, n’était autre que l’emblème de la division SS Das Reich, responsable – entre autres exactions – de nombreuses exécutions dans la région de Cahors et de Figeac en 1944. Près de 22 % des électeurs ont choisi Marine Le Pen dans le département du Nord.

Var

  Frédéric Boccaletti (7e circonscription)

Frédéric Boccaletti, conseiller régional en Paca, ancien conseiller municipal de Six-Fours-les-Plages, près de Toulon, fait partie des « ex-félons » du MNR, scission du FN fondée par Bruno Mégret. En 2000, il est condamné à un an de prison dont six mois ferme pour « violence en réunion avec arme ». Lors d’un collage d’affiches, le passager de la voiture qu’il conduit fait feu sur des jeunes. En 2008, il invite l’avocat des négationnistes Éric Delcroix, lui-même condamné pour contestation de crimes contre l’humanité, à une réunion dans une salle municipale de Six-Fours, gracieusement prêtée par le maire UMP. Ces polémiques locales ne l’empêchent pas d’être le directeur de campagne de Jean-Marie Le Pen lors des élections régionales de 2010. Malgré ses sympathies, Frédéric Boccaletti demeure pragmatique : il vient de faire invalider la candidature du Parti de la France, petit parti d’extrême droite fondé par Carl Lang et d’autres anciens membres du Front en 2009. Un département qui vote à 25 % pour Marine Le Pen, et où le FN arrive en tête dans une commune sur cinq, attire forcément la concurrence.

Ivan du Roy, avec l’appui de la revue Réflexes

Photo : CC Gueorgui Tcherednitchenko