Espagne

Puerta del Sol : le village des « indignés » fait de la résistance

Espagne

par Rédaction

Les manifestants qui occupent la Puerta del Sol, célèbre place de Madrid, ont décidé de rester une semaine supplémentaire. Alors que les élections du 22 mai se sont conclues par une débâcle inédite pour les socialistes et José Luis Zapatero, la mobilisation continue en Espagne, contre les mesures d’austérité, les partis politiques, les banquiers. Sur la place de Madrid, le camp autogéré s’organise, entre assemblées générales, repas collectifs, et mini-potager urbain. Visite en images du campement des « Indignados ».

Le mouvement des Indignés, lancé le 15 mai dernier, s’est étendu à toute l’Espagne, où des dizaines de milliers de manifestants sont descendus dans les rues. Le village de bâches bleues de la Puerta del Sol de Madrid reste le cœur de cette mobilisation relayée par les réseaux sociaux. Sans aucune illusion sur une expulsion à venir sans doute prochainement, les nouveaux habitants de la Puerta del Sol s’organisent : cantines et commission « alimentation », équipes de nettoyage, groupe chargé « des infrastructures et de la propreté », infirmeries... Lundi, lors d’une assemblée générale, ils ont décidé de poursuivre l’occupation pendant encore une semaine. Et tentent de déplacer les débats vers des assemblées de quartier.

Ces photos de la Puerta del Sol et du campement ont été prises par des participants du « mouvement des indignés » (cliquez sur une photo pour ouvrir le diaporama).

Photos : © Slimjazz / mauri65 / Carmen Bascaran

A lire sur Basta! : En Espagne, la « génération perdue » se révolte contre les politiques et les banquiers

Propositions approuvées par l’assemblée de manifestants de la place Puerta del Sol à Madrid

Voici quelques unes des mesures, qu’en tant que citoyens, nous considérons comme essentielles pour le renouvellement de notre système politique et économique.

1 - En finir avec les privilèges de la classe politique :
 Restaurer l’obligation pour les élus de siéger dans les assemblées délibérantes. Sanctions en cas d’absentéisme.
 En finir avec les avantages fiscaux et établir une adéquation du salaire des élus avec le salaire moyen espagnol.
 Mettre fin à l’immunité politique et condamner sans appel toute forme de délits de corruption.

2 - Lutter contre le chômage
 Redistribuer le travail en réduisant le temps de travail de chaque salarié pour parvenir à atteindre un taux de chômage inférieur à 5%.
 Maintenir l’âge du départ à la retraite à 65 ans tant que le chômage des jeunes n’aura pas disparu.
 Exonérer les entreprises dont le taux de contrats précaires (CDD, intérimaires) est inférieur à 10% des charges salariales
 Sécuriser l’emploi en interdisant les licenciements économiques aux entreprises bénéficiaires. Sanctionner les entreprises qui maintiennent des emplois précaires alors qu’elles pourraient pérenniser des postes.
 Rétablir l’allocation de 426 euros aux chômeurs de longue durée

3 - Défendre le droit au logement
 Réquisitionner les logements vides pour accroître le parc des logements à loyers modérés.
 Mettre en place des aides personnalisées au logement pour les jeunes et personnes en situation précaire.
 Permettre la dation en paiement pour supprimer les prêts hypothécaires

4 - Restaurer des services publics de qualité
 Mettre en place d’une commission de contrôle des comptes indépendante
 Recruter du personnel hospitalier afin de permettre à chaque citoyen d’être reçu par un médecin sans délais (supprimer les listes d’attente interminables dans les hôpitaux publics)
 Recruter des enseignants pour garantir éducation de qualité aux jeunes générations
 Réduire et harmoniser les frais d’inscription universitaire
 Garantir l’indépendance de la recherche en refusant tout financement privé.
 Garantir à tous des moyens de transport publics bon marché. Favoriser une démarche de développement durable en maintenant les lignes de trains classiques, en restreignant la circulation des automobiles dans les centres villes et en multipliant les voies pour vélo.

5 - Superviser le fonctionnement des banques
 Ne pas aider financièrement les banques en cas de faillite et les nationaliser, si nécessaire, pour permettre la création d’une banque publique sous contrôle citoyen.
 Augmenter les impôts des banques proportionnellement au coût social généré par leur mauvaise gestion
 Obliger les banques à rembourser les capitaux transférés par l’Etat.
 Sanctionner les mouvement spéculatifs et les mauvaises pratiques bancaires.

6 - Revisiter la fiscalité
 Augmenter l’impôt sur les grandes fortunes
 Supprimer les SICAV
 Récupérer l’impôt sur le Patrimoine
 Sanctionner les fraudes fiscales et la fuite des capitaux vers les paradis fiscaux.
 Développer un plaidoyer pour l’adoption d’une taxe sur les transactions internationales (taxe Tobin)

7 - Œuvrer pour les libertés citoyennes et la démocratie participative

 Refuser la mise sous contrôle d’Internet et supprimer la Loi Sinde
 Défendre la liberté d’information et le journalisme d’investigation
 Soumettre toute mesure qui modifie les conditions de vie des citoyens à un référendum populaire pour approbation
 Soumettre toute mesure émanant de l’Union européenne à un référendum populaire pour approbation
 Mettre en place un système représentatif et proportionnel qui garantisse à toutes les forces politiques, les mouvements sociaux, la parole citoyenne, une visibilité, et qui permettra au vote blanc et au vote nul d’être représentés.
 Rendre indépendant le pouvoir juridique en mettant fin à la nomination des membres du Tribunal constitutionnel et du Conseil général du Pouvoir Judiciaire par le pouvoir exécutif

8 - Réduire les dépenses militaires

Traduction : Rym Nassef

Manifeste du collectif espagnol Democracia Real Ya : « Nous ne sommes pas des marchandises aux mains des politiques et des banquiers »

« Nous sommes des per­son­nes ordi­nai­res. Nous sommes comme toi : des gens qui se lèvent tous les matins pour étudier, pour tra­vailler ou pour cher­cher un boulot, des gens qui ont une famille et des amis. Des gens qui tra­vaillent dur tous les jours pour vivre et donner un futur meilleur à celles et ceux qui les entou­rent.

Parmi nous, cer­tain-e-s se consi­dè­rent plus pro­gres­sis­tes, d’autres plus conser­va­teurs. Quelques un-e-s croyants, d’autres pas du tout. Quelques un-e-s ont des idéo­lo­gies très défi­nies, d’autres se consi­dè­rent apo­li­ti­ques. Mais nous sommes tous très préoc­cupé-e-s et indi­gné-es par la situa­tion poli­ti­que, économique et sociale autour de nous. Par la cor­rup­tion des poli­ti­ciens, entre­pre­neurs, ban­quiers… Par le manque de défense des hommes et femmes de la rue.

Cette situa­tion nous fait du mal quo­ti­dien­ne­ment ; mais, tous ensem­ble, nous pou­vons la ren­ver­ser. Le moment est venu de nous mettre au tra­vail, le moment de bâtir entre nous tous une société meilleure.

Dans ce but, nous sou­te­nons fer­me­ment les affir­ma­tions sui­van­tes :

 L’égalité, le progrès, la solidarité, le libre accès à la culture, le développement écologique durable, le bien-être et le bonheur des personnes doivent être les priorités de chaque société avancée.

 Des droits basiques doivent être garantis au sein de ces sociétés : le droit au logement, au travail, à la culture, à la santé, à l’éducation, à la participation, au libre développement personnel et le droit à la consommation des biens nécessaires pour une vie saine et heureuse.

 Le fonctionnement actuel de notre système politique et gouvernemental ne répond pas à ces priorités et il devient un obstacle au progrès de l’humanité.

 La démocratie part du peuple (demos = peuple et cracia = gouvernement), par conséquent le gouvernement doit être le peuple. Cependant, dans ce pays, la majorité de la classe politique ne nous écoute même pas. Ses fonctions devraient être de porter nos voix jusqu’aux institutions, en facilitant la participation politique des citoyens grâce à des voies de démocratie directe et aussi, de procurer le plus de bienfaits possibles à la majorité de la société. Et non pas, celles de s’enrichir et de prospérer à nos dépens, en suivant les ordres des pouvoirs économiques et en s’accrochant au pouvoir grâce à une dictature partitocratique menée par les sigles inamovibles du PPSOE [1].

 La soif de pouvoir et son accumulation entre les mains de quelques-uns créent inégalités, crispations et injustices, ce qui mène à la violence, que nous refusons. Le modèle économique en vigueur, obsolète et antinaturel, coince le système social dans une spirale, qui se consomme par elle-même, enrichissant une minorité -le reste tombant dans la pauvreté. Jusqu’au malaise.

 La volonté et le but du système sont l’accumulation d’argent, tout en la plaçant au-dessus de l’efficience et le bien-être de la société ; gaspillant nos ressources, détruisant la planète, générant du chômage et des consommateurs malheureux.

 Nous, citoyens, faisons partie de l’engrenage d’une machine destinée à enrichir cette minorité qui ne connait même pas nos besoins. Nous sommes anonymes, mais, sans nous, rien de cela n’existerait, car nous faisons bouger le monde.

 Si, en tant que société nous apprenons à ne pas confier notre avenir à une rentabilité économique abstraite qui ne tourne jamais à notre avantage, nous pourrons éliminer les abus et les carences que nous subissons tous.

 Nous avons besoin d’une révolution éthique. On a placé l’argent au-dessus de l’Être Humain, alors qu’il faut le mettre à notre service. Nous sommes des personnes, pas des produits du marché. Je ne suis pas que ce que j’achète, pourquoi je l’achète ou à qui je l’achète.

A la vue de cela, je suis indi­gné(e).

Je crois que je peux chan­ger les choses.

Je crois que je peux aider.

Je sais que, tous ensem­ble, nous le pouvons.

Sors avec nous. C’est ton droit. »

Manifeste publié sur le site de Democracia Real Ya / Traduit par le collectif Rebellyon.info / Traduction additionnelle : Ophelia Noor - publiée sur Owni

Notes

[1Contraction de PP, Parti populaire (droite) et de PSOE (sociaux-démocrates)