Amérique latine

Présidentielle en Colombie : quelles sont les chances du candidat de la gauche ?

Amérique latine

par Mathieu Paris

Jamais un candidat de gauche n’avait été si loin dans une élection présidentielle en Colombie. Dimanche 17 juin, les 36 millions d’électeurs colombiens devront choisir entre Gustavo Petro, candidat de gauche du mouvement « Colombie Humaine », et Ivan Duque, candidat de la droite dure du Centre Démocratique (CD). Ce dernier est arrivé largement en tête au premier tour avec 39,1 % des voix, Gustavo Petro recueillant 25,1 % des suffrages.

Économiste hétérodoxe, Gustavo Petro est un ancien guérillero du mouvement socialiste M-19, dissout en 1990. Il a été élu maire de Bogotá en 2011. Il a su réaliser une alliance avec d’autres forces de gauche, le Parti communiste colombien, l’Alliance sociale indépendante et le Mouvement alternatif indigène et social. Il prône un « pacte social » dans un pays où 28 % de la population vit sous le seuil de pauvreté : la mise en place d’un système de santé public efficace et accessible, la gratuité de l’éducation du primaire à l’université ainsi qu’une réforme agraire pour redistribuer les terres. L’écologie n’est pas oubliée. Le candidat de la gauche envisage de diversifier l’économie pour sortir de la dépendance à la très polluante extraction minière.

Quel avenir pour les accords de paix avec les Farc ?

Au contraire de son adversaire, Gustavo Petro est un ardent défenseur de l’accord de paix conclu en novembre 2016 avec l’ancienne guérilla des Farc. S’il le critique, Ivan Duque, le candidat de la droite, annonce ne pas vouloir le « réduire en miettes » tout en le jugeant trop laxiste à l’égard de l’ancienne guérilla. Cet avocat s’inscrit dans la lignée de l’ancien président Álvaro Uribe (2002-2010), farouchement hostile à tout compromis avec les Farc, n’hésitant pas, pour combattre la guérilla marxiste, à s’appuyer sur les groupes paramilitaires d’extrême-droite.

Le pays continue d’être marqué par une grande insécurité. Les assassinats continuent d’augmenter, visant notamment les leaders de mouvements sociaux, les syndicalistes, et les défenseurs des droits de l’homme. En 2017, plus d’une centaine d’entre-eux ont été tués.

Les chances de Gustavo Petro d’accéder à la magistrature suprême demeurent cependant très minces. Le centriste Sergio Fajardo, à la tête d’une coalition avec les verts, est arrivé troisième avec 23,8 % des voix. Mais il refuse de soutenir le candidat jugé trop à gauche et a annoncé qu’il votera blanc le 17 juin. D’autre part, lors des législatives de mars, si la gauche et les écologistes ont progressé électoralement, c’est la droite qui s’est imposée. La campagne des législatives avait été marquée par les meurtres de plusieurs dizaines d’anciens guérilleros des Farc. D’autres démobilisés « croupissent dans des campements de moins en moins provisoires », selon Jean-Jacques Kourliandsky, chercheur à l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris) et spécialiste de l’Amérique latine.

Dans les sondages, Ivan Duque est pour l’instant donné largement vainqueur, même si l’écart se réduit. Gustavo Petro arrivera-t-il à convaincre les 10 à 15 % d’électeurs déclarant vouloir voter blanc ? Il devrait en tout cas recevoir le vote de la majorité des jeunes de 18 à 24 ans. Il lui reste également à contrer la diabolisation dont il fait l’objet, la droite l’accusant d’être le candidat du « castro-chavisme ». Dans un pays qui voit arriver des centaines de milliers de Vénézuéliens fuyant la crise économique et politique vénézuélienne, l’argument peut faire mouche.

Mathieu Paris