Appel

Pour une société interculturelle

Appel

par Rédaction

Les propagateurs de l’identité nationale veulent imposer un modèle d’assimilation qui nie les différences et appauvrit la démocratie. A l’occasion des Assises nationales de la diversité culturelle à Paris, des citoyens, élus ou associations ont rappelé le besoin indispensable de construire une société interculturelle. Il est temps d’apprendre à vivre « unis et divers ». Comme il est urgent que les responsables politiques cessent de stigmatiser telle religion ou telle culture.

Notre société a connu en un demi-siècle une mutation sociétale et économique inédite. La cohésion sociale fondée sur des siècles d’Histoire et de valeurs nationales, religieuses et identitaires collectives a été balayée par un individualisme forcené, porté par un libéralisme réduit à sa plus simple expression, la consommation. Aujourd’hui, face au désarroi de la crise économique et dans une société morcelée, la tentation est générale d’en faire porter l’échec sur l’étranger, sa religion, sa culture. Or, ces populations et leurs cultures issues d’Orient, d’Asie, d’Afrique… sont désormais partie intégrante de la société française et de son Histoire. Elles doivent être pleinement actrices de la construction du vivre-ensemble de nos sociétés du XXIe siècle.

Pourtant, au lieu d’être considérés comme une chance pour construire une société de solidarité, les femmes et les hommes porteurs des cultures du monde qui habitent depuis des décennies en France sont de plus en plus dénoncés comme des obstacles à la vie commune. L’obsession d’une identité nationale pétrifiée dans une Histoire plus mythique que réelle impose à tous un modèle d’assimilation qui nie les différences et appauvrit la démocratie.

Au lieu d’unir les citoyens pour vaincre ensemble les défis vitaux qui permettent l’accès de tous à une vie digne, de plus en plus de discours et de pratiques, en France et en Europe, alimentent les peurs et agitent le spectre d’une menace provenant de l’étranger et des personnes de cultures et de religions autres que celles qui ont dominé et dominent encore le Vieux Continent.

Les propagateurs de ces discours font des différences culturelles et religieuses des obstacles indépassables à la construction de la Cité et de la démocratie. Ils jettent la vindicte sur des boucs émissaires, notamment les musulmans ou encore les Roms, bafouent le devoir d’accueil inconditionnel de l’immigré, se servent de la détresse sociale, des difficultés du vivre-ensemble qui touche l’ensemble de la société, réduisent les personnes à leur appartenance communautaire ou religieuse, pour prôner le rejet de l’autre et laisser libre cours à la xénophobie, au racisme et à la discrimination.

Le développement de ces logiques de rejet fait courir des risques graves à la démocratie. Nous, citoyens, associations, médias, réunis dans ces Assises pour une société interculturelle, refusons de toutes nos forces ces dérives au moment où s’annoncent les élections présidentielle et législatives.

Nous nous devons de résister à la propagation de la peur et de la défiance. Nous nous appuyons pour cela sur les ressources et les initiatives développées par les citoyens, de multiples associations et des collectivités territoriales pour inventer une société interculturelle. Beaucoup font déjà l’expérience de manières fraternelles de vivre ensemble, qui répondent à la quête de justice et de dignité sans abolir les différences, sans nier les ressemblances et en augmentant les capacités d’être de chacun.

Nous ne voulons pas d’une société où chacun est sommé de nier ses multiples appartenances culturelles, ethniques, religieuses, spirituelles, pour se conformer à un moule républicain, qui, dans ce cas, nie ou réduit la singularité de chacun. Nous ne voulons pas plus d’une société qui soit l’addition de communautés repliées sur elles-mêmes, qui enferment chacun dans une partie de son identité et ne cherchent pas à construire avec d’autres un espace commun à tous les citoyens.
Nous voulons d’une laïcité qui, pleinement dans l’esprit de la loi de 1905, garantisse et permette la liberté de conscience et le libre exercice des cultes – et des cultures.

Nous croyons fermement qu’une société interculturelle est possible. En cette période de grande dépression économique et d’extrême fragilité sociale, nous croyons vivement qu’il est indispensable et vital de s’attacher dès aujourd’hui à sa construction pour éviter l’implosion de notre société et les replis communautaires destructeurs de la cohésion sociale.

Citoyens, politiques, associations, institutions, nous nous devons de construire un vivre-ensemble durable donc interculturel ! Il est temps d’apprendre à vivre « unis et divers » pour témoigner que notre commune humanité est une espérance.

Aussi, forts de nos expériences et de nos convictions, nous demandons aux responsables politiques de mettre définitivement fin dans leurs discours et leurs pratiques aux arguments désignant une religion, une communauté ethnique ou culturelle comme la cause des problèmes de la France et de l’Europe.

Nous exigeons que soient mises en place des politiques d’accueil respectueux des droits des migrants et que cessent les véritables chasses à l’homme auxquelles se livrent les forces de l’ordre pour atteindre ses objectifs d’expulsion des étrangers en situation irrégulière.

Nous demandons que cesse la mise à l’écart du travail d’une partie de la population du fait de son appartenance ethnique ou de son lieu d’habitation et que les personnes de nationalité étrangère, quel que soit leur pays d’origine, bénéficient du droit de vote aux élections locales dans les mêmes conditions que les citoyens de l’Union européenne à qui ce droit est déjà octroyé.

Enfin, nous demandons la mise en valeur, la mutualisation et l’accompagnement des expériences qui construisent un véritable vivre-ensemble interculturel, notamment dans les quartiers populaires, afin qu’elles servent de références aux politiques publiques dans ce domaine ; et nous proposons que l’école soit, dans un esprit de laïcité ouverte comme l’insuffle la loi de 1905, un lieu de connaissance des différentes cultures et religions du monde et un espace d’éducation au vivre-ensemble.

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