États-Unis

Pour l’Amérique en colère, voter Trump, c’est « l’équivalent d’une journée au stand de tir »

États-Unis

par John Feffer

L’ascension électorale de Donald Trump aux États-Unis n’est pas sans rappeler le succès des partis populistes en Europe. Elle est aussi le symptôme d’un divorce croissant entre deux Amériques : sa « face A », libérale, plutôt tolérante, prospère et urbaine ; et sa « face B », davantage rurale et « enragée par la manière dont les riches ont scissionné du reste de la société », dont la colère se dirige « vers ceux qu’ils perçoivent comme ayant pris leurs emplois : les immigrés, les personnes de couleur, les femmes ». Même s’il gagne en novembre, le candidat Trump disposera difficilement d’une majorité au Congrès. Et si le pire était encore à venir ?, se demande John Feffer, du think tank progressiste américain Institute for Policy Studies.

Les électeurs étaient décidés à prendre leur revanche dans les urnes. La prospérité tant vantée de leur pays leur était passée totalement à côté. Ils étaient dégoûtés par les tendances libérales du gouvernement en place. Ils étaient contre l’avortement et pour la religion. Ils se méfiaient des immigrés, des intellectuels méprisants, et des institutions internationales qui voulaient se mêler de leurs affaires. Et ils voulaient surtout, de tout leur cœur, restaurer la grandeur de leur pays.

Ils avaient perdu de nombreuses élections. Mais, cette fois, ils ont gagné.

En Pologne.

En deux élections successives l’année dernière, le parti conservateur polonais Droit et Justice (PiS) a gagné l’élection présidentielle, puis, par une marge encore plus impressionnante, la majorité au parlement (lire : l’ultra-droite au pouvoir et une gauche en lambeaux : la Pologne, laboratoire du cauchemar européen qui menace ?).

Ce n’était pas seulement une victoire pour le PiS. C’était une victoire pour la « Pologne B ».

Un pays scindé en deux morceaux

Depuis sa transition postcommuniste, la Pologne est souvent décrite comme s’étant scindée en deux morceaux, communément désignés « Pologne A » et « Pologne B ». La Pologne A représente un archipel de villes, avec leurs habitants plus jeunes et plus aisés. La Pologne B regroupe les parties les plus pauvres et les plus âgées de la population, souvent dans les zones rurales, particulièrement dans les confins orientaux du pays, à proximité de l’ancienne frontière soviétique.

Après 1989 et la mise en œuvre d’une série de réformes économiques draconiennes, la Pologne A prend son essor économique. En 2010, Varsovie, la capitale du pays, devient l’une des villes les plus chères d’Europe, dépassant même Bruxelles et Berlin. De nouveaux entrepreneurs et cadres d’entreprises tirent profit d’innombrables opportunités économiques, notamment après l’entrée de la Pologne dans l’Union européenne en 2004.

Dans les campagnes, au contraire, la Pologne B tombe toujours plus loin derrière. Les usines ferment, de nombreuses fermes doivent cesser leur activité. Les emplois se sont volatilisés. Plusieurs millions de Polonais décampent à l’étranger, à la recherche de meilleures conditions économiques (lire notamment ici). En d’autres termes, alors que la Pologne A connait une époque dorée, la Pologne B décline.

Jusqu’aux élections de 2015, les libéraux de Pologne ont dominé la vie politique, économique et culturelle. Même s’ils ne sont pas exactement des « liberals » au sens américain du terme (qui implique un soutien aux programmes sociaux mis en place par le gouvernement), ils sont de manière générale moins religieux, plus tolérants des différences, et davantage ouverts sur le monde que leurs homologues conservateurs. Ils ont croisé le fer avec les représentants de la Pologne B sur des enjeux comme le rôle de l’église catholique dans la vie publique, le nombre de migrants à accueillir, ou encore le degré d’implication de la Pologne dans l’Union européenne.

L’« Europe B »

On peut trouver l’équivalent de la Pologne A et de la Pologne B ailleurs en Europe de l’Est. Les capitales de la région – Prague, Bratislava, Budapest – jouissent d’un PIB par habitant bien supérieur à la moyenne européenne, mais les zones rurales souffrent. Les populations B, cependant, n’acceptent pas passivement de se voir de plus en plus reléguées à une citoyenneté de seconde classe. À travers toute la région, ils se sont soulevés pour voter en masse pour des partis populistes d’extrême-droite souvent enragés, comme le Fidesz et le Jobbik en Hongrie, ou Gerb et Ataka en Bulgarie, lesquels donnent voix à leur déception et promettent de refaire de leur pays un grand pays. Ces partis sont systématiquement « anti-libéraux » au double sens du terme en Europe : ils s’opposent à la fois à la dérégulation des marchés et à des sociétés ouvertes et tolérantes.

Même au cœur de l’Europe occidentale, on peut assister à la cristallisation d’une Europe B autour de partis nationalistes anti-immigrés comme le Front national en France, le UK Independence Party en Grande-Bretagne, le Parti démocratique suédois, et le Parti de la liberté autrichien (dont le leader a perdu l’élection présidentielle par seulement 0,6% des voix). Alors que l’Europe A tente désespérément de maintenir les apparences de la construction européenne, l’Europe B se dirige droit vers la porte de sortie. Voyez le Brexit en Angleterre.

Il vous vient déjà probablement à l’esprit que les États-Unis ne sont pas épargnés par ce phénomène. Avec l’essor d’une version particulièrement agressive du populisme d’extrême-droite, le pays se trouve confronté à une ligne de fracture qui devient chaque jour plus profonde. Donald Trump a fait les grands titres des médias lorsqu’il a évoqué la construction d’un mur entre les États-Unis et le Mexique, mais sa campagne a mis en lumière une frontière encore plus importante : la frontière entre l’Amérique A et l’Amérique B.

États-Unis : une fracture bien réelle

Attirés par la séduction irrésistible du culte des célébrités et à l’exclusion de presque toute autre considération, les médias américains se sont concentrés sur la personnalité de Donald Trump. Beaucoup plus importants, cependant, sont ceux qui le soutiennent.

Dans le discours qui l’a rendu célèbre, l’adresse inaugurale de la Convention nationale démocrate de 2004, Barack Obama a dénoncé la manière dont « les maîtres à penser se complaisent à saucissonner notre pays » – entre l’Amérique noire et l’Amérique blanche, entre l’Amérique libérale et l’Amérique conservatrice, et, de manière privilégiée, entre red states et blue states, États « bleus » ou « rouges » selon leur affiliation politique. Nous vivons en réalité dans une Amérique violette, suggérait Obama, « tous prêtant allégeance au drapeau américain, tous défendant les États-Unis ».

Ce discours inspiré a lancé la carrière d’Obama. Mais la division qu’il dénonçait lui est revenue en pleine face. Dès qu’il a pris possession de la Maison Blanche quatre ans plus tard, les représentants Républicains des « États rouges » (républicains) se sont opposés sans répit à absolument toutes ses initiatives, depuis la réforme du système de santé jusqu’à l’accord nucléaire avec l’Iran. De sorte que les États-Unis émergent de son mandat encore plus divisés.

D’une certaine manière, Obama avait raison en 2004. La principale ligne de fracture au sein des États-Unis a désormais peu à voir avec les Républicains contre les Démocrates, les riches contre les pauvres, les conservateurs contre les libéraux. Pour réduire en poussière toutes ces divisions conventionnelles, il aura fallu un populiste Républicain milliardaire, naguère Démocrate convaincu, et offrant un programme politique mêlant idées libérales et conservatrices, théories du complot et ressentiment racial, mais reposant avant tout sur une exhortation adressée à l’Amérique B à se soulever et reprendre possession de son pays.

Donald Trump, candidat de l’Amérique B

Le triomphe de Trump dans le cadre des primaires Républicaines s’explique notamment par la séduction qu’il exerce sur d’anciens Démocrates et Indépendants blancs des classes populaires, par ses attaques féroces contre l’establishment Républicain et par son dédain pour tout ce qui est communément considéré comme indispensable pour être élu. Ce triomphe a renvoyé les maîtres à penser vers leurs think-tanks, pour tenter de déchiffrer ce qui était en train de se passer parmi les électeurs américains.

Trump, ont-ils conclu, est une anomalie, une mutation singulière du système politique américain, générée par une alliance contre-nature entre les reality-shows et la révolte du Tea Party. Mais Trump est tout sauf une aberration. Son essor reflète une tendance mondiale. Il n’est, à bien des égards, qu’un porte-voix pour l’Amérique B.

Il est notoirement difficile de caractériser l’électorat de Trump. Il est bien plus facile d’identifier les électeurs qui ne voteront jamais pour lui : les latinos enragés par ses provocations racistes sur les migrants mexicains et ses propos sur un juge fédéral ; les femmes scandalisées par sa misogynie et ses allusions sexuelles, et à peu près tous ceux qui détiennent un diplôme universitaire au-delà de la licence. L’exclusion de ces électeurs – notamment les femmes, qui représentaient 53% des votants en 2012 – devrait conduire à l’échec la candidature de Trump.

Qui sont les électeurs de Trump ?

Pourtant, Trump apparaît comme un plaisir inavouable pour de nombreux électeurs américains – comme le plaisir de regarder une série télévisée sur un tueur en série pendant des heures et des heures ou manger des paquets entiers de crème glacée. L’envie irrépressible de voter pour lui est quelque chose que beaucoup d’Américains n’admettront pas en dehors de l’isoloir. Mais il sait où ça nous gratte. Il est l’équivalent électoral d’une journée au stand de tir : un moyen de relâcher la pression.

Les électeurs de Trump tendent à être majoritairement blancs, d’un certain âge, à faibles revenus, avec un parcours scolaire qui n’a pas été beaucoup plus loin que le lycée. Mais ils ne sont pas stupides. Et ils ne votent pas contre leurs intérêts économiques immédiats, comme l’avait suggéré Thomas Franck à propos des classes populaires votant Républicain dans son livre What’s the Matter With Kansas ? (Quel est le problème avec le Kansas ?). Trump est peut-être un milliardaire, mais la politique économique qu’il propose est très différente de la vision clairement ploutocratique du parti de Mitt Romney (le candidat républicain battu par Obama en 2012).

Trump s’oppose aux accords de commerce qui favorisent la délocalisation des emplois américains. Il veut une fiscalité plus élevée pour les « managers de hedge funds » (les gestionnaires de fonds d’investissement). Et il s’est engagé à sauver la sécurité sociale, Medicare et Medicaid. Certes, Trump a également fait des déclarations en contradiction avec ces positions, et il s’est allié avec des hommes politiques qui prônent des mesures exactement opposées. Mais le milliardaire a réussi à construire une image de lui-même qui est une sorte de version triomphaliste du « quidam moyen » (avec des milliards d’argent de poche). Cela fonctionne auprès de l’Amérique B. Consciemment ou non, il s’est inspiré des recettes de l’Europe B en combinant une attitude de scepticisme vis-à-vis du marché libre et dérégulé, avec beaucoup de rodomontades nationalistes. Il y a comme un air de famille avec le fascisme, mais la version américaine est fermement ancrée dans des initiatives individuelles comme celles célébrées dans l’émission de téléréalité The Apprentice [émission produite par Donald Trump, au cours de laquelle Trump lui-même fait subir un processus de sélection à un groupe de candidats à l’embauche].

Ce qui distingue également Trump est son engagement à « restaurer la grandeur de l’Amérique ». Ses opposants ont essayé de faire valoir que l’Amérique est déjà un grand pays, l’a toujours été, et le sera toujours. Mais en vérité, pour de nombreux Américains, les deux dernières décennies n’ont pas été particulièrement « grandes ».

Comment les chemins de l’Amérique A et de l’Amérique B ont divergé

Bien plus que les élucubrations de Trump et ses insultes gratuites, cette ligne de fracture est ce qui différencie en dernière instance l’Amérique A de l’Amérique B. En ce moment, l’économie américaine connait une croissance respectable, et le taux de chômage est en dessous de 5% pour la première fois depuis 2008. Mais l’Amérique B est restée à l’écart de cette prospérité. Elle a souffert, et non bénéficié, de la grande transformation qu’a connue ce pays depuis 1989 et a été particulièrement affectée par la quasi faillite économique de 2007-2008. [...]

Durant cette décennie, l’économie américaine a accéléré sa mutation, aux dépens de l’industrie – et des postes d’ouvriers bien payés que ce secteur générait naguère – et au profit d’un secteur des services toujours plus dominant. En termes d’emploi, les postes dans l’industrie ont chuté de 18 millions en 1990 à 12 millions en 2014. Les salaires ont connu un déclin similaire. Durant la même période, le secteur de la santé et du social est passé de 9,1 millions à plus de 18 millions d’emplois. À l’extrémité de cette économie de services, on trouve les 1% travaillant dans les services financiers et gagnant des salaires stratosphériques, avec l’augmentation exponentielle des rémunérations indirectes depuis le milieu des années 1990.

À l’autre extrémité, des centaines de milliers de personnes complètent leur emploi à temps plein par des jobs ponctuels chez McDonald’s ou Walmart, ou monétisent leur temps libre en conduisant leur voiture pour Uber, simplement pour gagner autant que ce qu’ils gagnaient (ou ce que leurs parents gagnaient) avec un seul emploi à l’usine locale. [...] L’économie mondiale a enduré une mutation similaire. Les ouvriers ne jouent plus un rôle aussi vital que naguère dans les économies avancées.

Donald Trump, ticket de loto politique de l’Amérique B

À d’autres époques de l’histoire, les programmes gouvernementaux ont contribué à réduire le fossé entre les gagnants et les perdants de l’économie, à travers les impôts et les aides sociales financées par ces impôts. Mais la fièvre du « retrait de l’État » – qui, de manière remarquable, n’a jamais signifié réduction effective des dépenses publiques – a gagné les États-Unis à partir des années 1980. D’abord Ronald Reagan, puis la faction « réinventons le gouvernement » du parti Démocrate. Dans les années 1990, tous collaborèrent de manière trans-partisane à une réduction drastique de l’assistance aux pauvres. Le réalignement politique et économique qui en a résulté a engendré des situations notoirement ironiques : Richard Nixon, avec ses politiques de contrôle des salaires et des prix, ou ses mesures de protection de l’environnement, a été un président bien plus progressiste dans les années 1970 que Bill Clinton, porte-étendard des Démocrates dans les années 1990.

À cause de ce réalignement, un nombre considérable d’Américains ne peut plus compter ni sur le soutien des Républicains ni sur celui des Démocrates. Ils ont perdu des emplois de qualité durant la période d’expansion économique des années Clinton, et n’ont pas particulièrement profité des baisses d’impôts de la présidence de George Bush junior. Lorsque sont arrivées les années de présidence d’Obama, ils travaillaient plus longtemps tout en ramenant moins d’argent à la maison. Dans le même temps émergeait un nouveau consensus libéral-conservateur. Aussi bien les yuppies libéraux que les « 1% » conservateurs, en profond désaccord sur tant d’enjeux politiques et culturels, s’étaient entendus, en substance, pour abandonner l’Amérique B.

Confrontée à son déclin économique et se sentant trahie par les politiciens des deux bords, l’Amérique B aurait pu pencher vers la gauche si les États-Unis avaient eu une tradition socialiste significative. Dans le cadre de la campagne des primaires 2016, beaucoup d’électeurs touchés par l’angoisse économique ont, de fait, soutenu Bernie Sanders – notamment les rejetons de l’Amérique A qui ont peur d’une relégation dans l’Amérique B. Au contraire de l’Europe B, l’Amérique B a toujours été davantage une affaire d’individualisme acharné que de solidarité de classe. Ses habitants préfèrent s’acheter un ticket de loterie et prier pour obtenir le gros lot que de dépendre des largesses de Washington (mis à part Medicare et la sécurité sociale). Donald Trump est leur ticket de loto politique.

L’élection « la plus importante de notre vie » ?

Avant tout, les citoyens de l’Amérique B sont en colère. Ils sont dégoûtés de la politique qui se trame à Washington et des élites hypocrites et moralisatrices qui la façonnent. Ils sont enragés par la manière dont les riches ont, de fait, scissionné du reste de la société américaine, avec leurs propriétés clôturées et leurs comptes offshore. Et ils ont redirigé ce ressentiment vers ceux qu’ils perçoivent comme ayant pris leurs emplois : les immigrés, les personnes de couleur, les femmes. Ils sont si désespérés de trouver quelqu’un qui « dit les choses comme elles sont » qu’ils préfèrent détourner les yeux pour ne pas apercevoir les liens inextricables de Donald Trump avec cette même élite qui a tant fait pour élargir le fossé entre les deux Amériques.

Le parti Démocrate cherche à faire oublier une primaire éprouvante, et essaie de mettre en avant aussi bien l’importance de l’unité que l’urgence des élections de cette année. Les maîtres à penser qualifient ainsi l’élection de 2016 de « Peut-être la plus importante de notre vie » (Bill O’Reilly, polémiste de droite, vedette de la chaîne conservatrice – et pro Trump – Fox News, ndlr) et de « l’un des tournants de notre époque » (Sean Wilentz, universitaire états-unien, proche du couple Clinton).

Mais si la Pologne fournit une indication valable, l’élection présidentielle de cette année ne sera peut-être pas la plus cruciale. Même si Donald Trump parle au nom de l’Amérique B, c’est un candidat faible. Son bilan n’est pas particulièrement brillant, et sa tendance à dégainer au quart de tour va finir par lui causer d’innombrables blessures auto-infligées. Même s’il gagne en novembre, il aura encore affaire à un parti Républicain divisé, à un parti Démocrate irrémédiablement hostile, et à une élite politico-économique à Washington et à Wall Street qui fera bloc contre ses propositions aussi impraticables qu’exécrables.

C’est exactement la situation à laquelle a été confronté le parti Loi et Justice en Pologne en 2005, lorsqu’il a réussi pour la première fois à mettre le pied au gouvernement. Le parlement polonais était divisé et incapable de mettre en œuvre le programme populiste du parti. Deux ans plus tard, l’opposition libérale est revenue au pouvoir, où elle est restée les huit années suivantes.

Mais lorsque le PiS a de nouveau gagné l’année dernière, le contexte avait radicalement changé. Il a finalement acquis une confortable majorité parlementaire, et a pu imposer la transformation de la Pologne dans un style proche de celui du Tea Party. En outre, il peut surfer sur la vague eurosceptique et anti-migrants qui inonde alors le vieux continent.

Le pire est peut-être encore à venir

L’Amérique B a une certaine tendresse pour Donald Trump et son audace presque enfantine. (« Mon dieu ! Les enfants disent vraiment les choses les plus extravagantes ! ») À ce stade, ses supporters sont attachés à un individu plutôt qu’à une plateforme ou un parti. Nombre d’entre eux ne se soucient même pas de savoir si Trump est sincère ou non. S’il perd, il va disparaître sans rien laisser derrière lui, politiquement parlant.

Le véritable changement viendra lorsqu’un homme politique plus sophistiqué, doté d’une machine politique efficace, cherchera à séduire l’Amérique B. Peut-être le parti Démocrate se décidera-t-il à revenir à ses racines populistes du milieu du XXe siècle. Peut-être le parti Républicain abandonnera-t-il son programme de privilèges pour les 1%.

Plus probablement, c’est une force politique bien plus inquiétante qui émergera de l’ombre. Si, et quand, un tel nouveau parti néo-fasciste lancera la candidature de son leader charismatique, alors ce sera vraiment l’élection la plus importante de nos vies.

Aussi longtemps que l’Amérique B restera délaissée de ce que l’on considère comme la modernité, elle continuera inévitablement à essayer de tirer le pays en arrière vers un âge d’or imaginaire, quand tous « les autres » ne s’étaient pas encore approprié leur pays. Donald Trump a attelé son wagon présidentiel à l’Amérique B. Le véritable cauchemar, cependant, risque d’émerger en 2020 ou après, si un politicien bien plus habile mais aux positions tout aussi rétrogrades réussit à amener l’Amérique B à Washington.

Alors, les invectives des libéraux aussi bien que des conservateurs contre les électeurs « fous » et « stupides » n’auront plus d’importance. Ils n’auront pas non plus de Donald Trump à qui s’en prendre. Finalement, ils n’auront plus d’autre personne à blâmer qu’eux-mêmes.

John Feffer

Cet article a été publié initialement en anglais par Foreign Policy in Focus. Traduction : Susanna Gendall.
— 
Photo : Gage Skidmore CC