Industrialisation

Pesticides, monocultures, coupes rases : comment des entreprises rendent la forêt toxique

Industrialisation

par Gaspard d’Allens

Le saviez-vous ? Industrialisation oblige, les forêts de France sont elles aussi aspergées de glyphosate et d’engrais chimiques. Elles sont devenues le terrain commercial des coopératives forestières, qui multiplient les plantations de résineux, les monocultures et les coupes rases pour rendre les forêts rentables. Dans son livre, Main basse sur les forêts, le journaliste Gaspard D’Allens alerte sur les conséquences environnementales générées par la sylviculture industrielle. Va t-on vers un désert biologique ? Extraits.

Jean-Pierre n’en revient pas. En 2018, il a dû jeter toute sa récolte de miel d’automne. Plus d’une tonne soit 10 000 euros de perte. Ce cinquantenaire est apiculteur dans le Parc naturel des Landes de Gascogne. Ses abeilles butinent la callune, l’erica et la bruyère sous les voûtes des pinèdes. Il y a quelques années, Jean-Pierre s’était réfugié dans la forêt pour fuir la campagne de moins en moins riche en plantes mellifères et arrosée de pesticides qui décimaient ses cheptels. Il avait cru trouver ici un havre préservé. « Mais je me suis trompé », dit-il.

A proximité de ses ruches, il a vu des forestiers en combinaison blanche, masque sur le visage, pulvériser au tracteur un épais nuage chimique. « La bruyère était en fleur ! », s’offusque l’apiculteur. Entre les lignes de pins, les végétaux ont pris une couleur rousse. Les ronces et les fougères se sont desséchées. Le grossiste de Jean-Pierre a retrouvé dans son miel un taux de glyphosate deux fois supérieur à la norme autorisée. Au même moment, le débat sur l’utilisation de cette molécule en agriculture enflammait l’Assemblée nationale. Mais son emploi dans les bois semblait largement ignoré.

Des forêts aspergées de glyphosate

« Tu nous emmerdes avec tes abeilles, tu n’as qu’à prendre ta retraite », lui ont répondu ses voisins quand Jean-Pierre a demandé des explications. Il s’est retrouvé démuni. « Persona non grata », dans cet univers où les plantations sont reines. Peu d’apiculteurs osent faire de vague. Pour ne pas choquer leur clientèle, éviter un surcroît de contrôle. « Plus tu cherches des substances, plus tu risques d’en trouver ». Et puis à quoi bon ?  « Contre qui se retourner ? Attaquer Bayer, le fabricant du Roundup ? Ils ont le droit de vendre leur produit. Les forestiers ? Ils sont autorisés à l’épandre ». Non, tout pousse à se taire.

« Vous savez qui c’est, en face, le voisin ? ». Jean-Pierre fait la moue, exprimant un sentiment d’impuissance. « C’est le nouveau grand seigneur, le pape de la forêt », répond-il. Il s’agit d’Henri de Cerval, propriétaire terrien, président de la première coopérative forestière française, Alliance forêt bois. Elle s’étend de l’Occitanie à la Bretagne, brasse 300 millions de chiffre d’affaires et compte plus de 45 000 adhérents. 15 % du bois commercialisé au sein de la forêt privée passe par elle. C’est une méga structure qui est devenue le chantre de l’industrialisation de la filière. Elle a notamment publié un « Manifeste en faveur des forêts de plantation ».

« La forêt de plantation est avant tout une entreprise »

« La forêt de plantation se positionne d’emblée dans le champ économique », annonce son préambule, « elle suppose un investissement initial qui doit être rentable et implique le plus souvent un lien fort avec l’industrie. » Le voisin de Jean-Pierre, Henri de Cerval, s’attaque régulièrement à la forêt dite « multifonctionnelle », qui aurait à égalité un rôle écologique, économique et social. « La forêt est avant tout une entreprise, assure-t-il dans un édito de septembre 2018. Nous ne pouvons pas assouvir les fantasmes de tous les citadins. Nous ne supportons plus d’être la caution de tous ceux qui polluent notre planète et qui, pour se donner bonne conscience, nous interdisent de travailler. »

Quand France Bleu l’interroge sur l’usage du glyphosate dans ses parcelles, le président d’Alliance forêt bois prend une voix bravache, un peu désabusée. « On ne peut pas parler du glyphosate en forêt, alors je n’en parlerai pas. Parce qu’il y a des médias et des groupuscules de militants qui condamnent à mort ce produit. » Jean-Pierre ne pèse rien face au géant. Il s’écrase. Mais sa colère ne désemplit pas. « Si la forêt est contaminée, que nous reste-t-il ? Je ne vais quand même pas mettre mes abeilles dans un enclos. Ce n’est pas du bétail ! »

70 pesticides différents utilisés dans les bois

En 2017, dans les Landes, 2 000 hectares de forêt ont été aspergés au glyphosate selon France Bleu. Rapportée aux deux millions d’hectares du parc, la pratique peut sembler marginale mais elle illustre une tendance de fond. « Je vis dans un laboratoire, décrit Jean Pierre, les industriels font des expérimentations. Et si c’est rentable, ils généralisent. » L’usage du glyphosate a d’abord été réservé au désherbage des jeunes plants. Maintenant, on l’emploie aussi pour « nettoyer » les allées de pins quand ils sont plus âgés, entre 15 et 20 ans.

Pour les plantes sauvages, il n’existe pas de réglementation sur les pesticides. Contrairement à l’agriculture, il n’y a pas de quantité limitée, de normes, ou un cahier des charges. Les cadres restent très flous. Les Amis de la Terre ont recensé plus de 70 herbicides et insecticides utilisés dans les bois pour le dégagement des parcelles, le désherbage avant la mise en culture, le traitement des parties aériennes ou la dévitalisation des souches. Mais aucun système centralisé ne permet de se rendre compte de l’ampleur du problème. Aucune étude sanitaire officielle n’a été réalisée pour mesurer l’impact sur la faune et la flore ou sur les nappes phréatiques dont la forêt est le premier filtre. Seules quelques plaintes remontent ici ou là.

Dans le Limousin, c’est le Suxon Forest qui a créé la polémique. Cet insecticide extermine l’hylobe, un charençon qui se nourrit de la sève des résineux et dont la prolifération est favorisée par les coupes rases. Dans la composition du produit, on retrouve de l’imidaclopride, un néonicotinoide très toxique qui ravage les abeilles. C’est aussi la molécule active du Gaucho, en agriculture, qui a été interdit pour ses effets sur la biodiversité. Étrangement, son utilisation en forêt ne semble pas inquiéter. L’imidaclopride est pourtant 7000 fois plus toxique que le DDT et les doses employées sont colossales. D’après les calculs de l’association Nature sur un plateau, on en répand six fois plus par hectare dans une plantation de pins douglas avec du Suxon Forest que dans les champs de tournesol aspergés de Gaucho.

Des algues vertes se répandent dans les lacs

Les pesticides sont le symptôme d’une forêt dénaturée qui ne peut plus pousser par elle-même et que l’on gave d’intrants. Dans les allées de résineux, ce ne sont plus des arbres qui s’étirent sur l’horizon mais de simples chimères, des ersatz immatures directement branchés sur un système industriel. En 2010, un représentant du ministère de l’Agriculture, lors d’un colloque au Sénat, qualifiait la forêt de « gigantesque amas de molécules chimiques ». Alors pourquoi ne pas en injecter quelques autres ?

La Coopérative forestière Bourgogne Limousin (CFBL) traite 90 % de ses plants aux insecticides, elle ajoute aussi des engrais phosphatés pour favoriser la croissance des résineux. Sur les bassins versants, avec le ruissellement, l’acide phosphorique des engrais part dans les cours d’eau. L’été, une fine irisation stagne à la surface. Les lacs se recouvrent d’algues vertes et deviennent impropres à la baignade. Les plantations de douglas vont-elles détrôner les porcheries de Bretagne ? Verra-t-on dans le Limousin des marées vertes comme dans l’ouest de la France ? Plusieurs associations alertent les autorités sur le sujet. En vain. La CFBL, elle, continue de proposer à ses propriétaires d’« enrichir la forêt en l’amendant ».

L’imagination des industriels est sans limite. Certains souhaitent épandre sous les arbres les boues des stations d’épuration avec leurs résidus pharmaceutiques et leurs métaux lourds. Des expérimentations ont débuté en Franche-Comté et dans les Landes. A quand des forêts fertilisées par le lisier humain, imbibées d’antibiotiques, d’hormones et de mercure ?

Les monocultures résineuses stérilisent le sol

Comme l’agriculture intensive, la sylviculture industrielle a des conséquences environnementales préoccupantes dont on commence à peine à prendre conscience. Son triptyque - plantation de résineux, monoculture et coupe rase - provoque à chaque étape des dégradations qui s’accumulent et font système, jusqu’à créer un désert biologique.

L’enrésinement détériore d’abord la fertilité du sol. Les aiguilles de pin se décomposent très lentement. Elles mettent en moyenne sept ans pour disparaître et donnent un humus acide qui entraîne un appauvrissement en chaîne de tout le milieu. Il y a moins de vers de terre – 0,13 g seulement sous un épicéa pour 3,42 g de lombrics sous un chêne –, 9 fois moins de bactéries en pessières (forêts d’épicéas) qu’en chênaie. Le travail du sol ralentit et il se stérilise peu à peu.

Son acidification conduit aussi à libérer des substances toxiques. Par exemple, avec un PH faible, l’aluminium présent dans la roche mère se solidifie. Il se répand dans les eaux et pollue les sources. Selon une étude d’UFC Que Choisir, en 2014, plusieurs zones de captage proches de plantations résineuses sur le plateau de Millevache, ont été jugées impropres à la consommation humaine en raison d’une concentration extraordinaire d’aluminium. Cet élément est classé parmi les neurotoxiques.

Les coupe rases bouleversent les écosystèmes

Et que dire de la coupe rase avec ses allures de champ de bataille ? Elle bouleverse également les écosystèmes. Les machines de trente tonnes compactent le sol, le décapent, il devient dur comme une cuirasse de béton. « Il faut 100 ans pour fabriquer un centimètre de sol et dix minutes pour le détruire », résume Vincent, un adhérent de l’association Nature sur un plateau dans le Limousin. « Après le passage des abatteuses, la terre est tassée pour au moins trois ou quatre générations. Certains podologues disent même jusqu’à la prochaine glaciation ! ». La micro faune qu’il renferme est broyée. Le monde fongique aussi. Les champignons mycorhiziens, indispensables à l’alimentation des arbres, ne supportent pas le dessèchement ni l’exposition à de très fortes températures. Or, après une coupe rase, sans couvert forestier, la chaleur peut augmenter de dix degrés au sol…

Les professionnels travaillent quelles que soient soit les conditions météorologiques afin d’amortir le prix de leur matériel. Une abatteuse à l’arrêt coûte 1500 euros par jour. Qu’il pleuve ou qu’il neige, ils labourent les parcelles. Lorsqu’elles sont en pente, avec l’érosion, « c’est un toboggan à sédiments ». Les rivières s’ensablent. Les frayères où pondent les poissons se comblent. Des moules perlières aux truites jusqu’à la loutre, les dégradations s’abattent en cascade sur le milieu aquatique. L’association Sources et Rivières du Limousin a porté plainte à cinq reprises contre la filière bois suite à des chantiers particulièrement dévastateurs. « Mais les tribunaux sont débordés et ces questions jugées non prioritaires », se désole Vincent. Tant pis pour « l’espèce emblématique du parc », la loutre dont la tête rieuse s’affiche sur les prospectus touristiques.

Les forêts industrielles créent un désert biologique

Dans les années 1950, Rachel Carlson, une biologiste américaine, publiait Un printemps silencieux, une critique pionnière dans laquelle elle condamnait l’industrialisation des campagnes et leur devenir toxique. Suite à l’épandage de DDT, « le printemps avait perdu sa voix, décrivait-elle. Le matin, naguère vibrant dès l’aube du chœur de dizaines de chants d’oiseaux, aucun son n’était perceptible ; seul le silence régnait sur les champs, les bois et les marécages ». Comment ne pas voir ici l’écho de ce qui se trame aujourd’hui dans les monocultures forestières ?

L’érosion de la biodiversité est palpable. Tout un cortège d’animaux, d’orchidées, d’insectes se retrouve directement menacé. Chassés des plaines par les activités humaines, ils croyaient trouver dans la forêt leur dernier refuge. Mais les plantations leur ont offert un accueil hostile. Le miroir de ce que à quoi ils tentaient d’échapper. Un monde sous contrôle.

Dans les allées de pins, il n’y a pas d’arbre mort, pas de recoin ni de cavité, pas de vieux arbres dans lesquels nicher ou trouver de la nourriture. 30 % des insectes forestiers en dépendent dont le grand capricorne, les coléoptères, la cétoine dorée. 40 % des oiseaux des bois ont besoin d’arbres sénescents : les pics, les grimpereaux, le gobe mouche, la chouette de Tengman mais aussi le tourquol fourmillier et la pie grièche grise, dont les populations chutent terriblement ces dernières années. En moyenne, dans les plantations de résineux, les arbres sont âgés de moins de 30 ans. Comment un écosystème peut-il se développer dans ce cas ? « C’est un champ propre », s’enthousiasment les industriels. Certes, il est bien astiqué, balayé, nettoyé. La biomasse s’accumule. Mais il est aussi sans vie.

La sylviculture industrielle détruit des milieux invisibles à nos regards

Dans les Landes, un ballet de machines s’affaire sur les parcelles sans que les forestiers se posent la question de leur incidence sur la faune et la flore. On passe des tracteurs surpuissants, la charrue qui lacère le sol, des bulldozers qui déchiquettent les souches. « Le rouleau landais » arrache la végétation. C’est une invention locale : une débroussailleuse lourde tractée avec deux rouleaux et des lames qui pénètrent sous terre. Son passage supprime les bruyères, la molinie, les fougères, les ajoncs. Il écrase aussi les petits vertébrés. Les reptiles, les taupes, les hérissons. Tous hachés menus par les rouleaux.

Mais qui se soucie du fadet des laîches, ce papillon brun avec des ocelles pupillés de clair et cernés de jaune ? Qui connaît cette espèce menacée, prise dans les serres du rouleau landais ? La sylviculture industrielle avance en parallèle de notre ignorance. Elle détruit des milieux invisibles à nos regards.

A l’origine, le profit des coopératives forestières

Les grandes coopératives comme Alliance forêt bois ou la CFBL poussent les propriétaires à multiplier les travaux forestiers. Une fois les tracteurs achetés, il ne faut pas les laisser refroidir. On doit les rentabiliser. Les entrepreneurs ont donc inventé « une sylviculture de la prestation » qui vise à substituer des interventions humaines à des dynamiques naturelles.

 - « Plutôt que la régénération naturelle, privilégiez donc la plantation, le labourage, le désherbage ! »
 « Votre sol est tassé par les machines ? Une solution existe ! Nous vous proposons une prestation de sous solage avec d’autres machines pour décompacter la parcelle ».

A chaque étape, le propriétaire sort le carnet de chèque. L’environnement se dégrade mais le business des entrepreneurs, lui, s’épanouit. D’autant plus que les coopératives maîtrisent l’ensemble de la filière. De la production de plants à la commercialisation du bois, du conseil à la conduite de travaux, elles ont créé une situation de quasi monopole. Un salarié de ces entreprises confie : « C’est une série de conflits d’intérêt, on fait le cubage d’un lot et on l’achète sans acheteur concurrent, on conseille des travaux puis on les réalise. » Avec son pépiniériste Forelite, Alliance forêt bois vend un tiers des plants en France. Au total, les 19 coopératives françaises contrôlent de l’amont à l’aval un quart des volumes commercialisés en forêt privée.

En quelques décennies, ces acteurs ont réussi à transformer la culture forestière, à en inverser les principes de bases. Jacques, un propriétaire dans les Landes, s’étonne encore de la rapidité de cette mutation. « Avant, on voulait accompagner la nature et non la maîtriser. Faire le minimum de travaux pour que cela coûte le moins cher. » Mais une forêt qui pousse toute seule n’est pas intéressante d’un point de vue financier. « C’est comme une vache qui mange de l’herbe alors qu’on pourrait importer des tourteaux de soja. »

Une fuite en avant technicienne

Aujourd’hui, les préjugés prospèrent. « Chez les professionnels, il n’est pas rare d’entendre quelqu’un dire qu’un pin s’arrête de pousser à 40 ans, qu’une forêt s’étouffe et se dégrade si on ne la coupe pas. » Le productivisme construit ses justifications. Et aux dégâts qu’il provoque, il propose ses propres remèdes. Une fuite en avant technicienne. Les ronces envahissent une parcelle après une coupe rase et empêchent les jeunes plants de se développer. Que faut-il faire ? Arrêter cette méthode qui produit subitement un puits de lumière et favorise ce type de végétation ? Ou continuer comme avant, tout en aspergeant la parcelle d’herbicide ?

Face à l’apparition de l’hylobe, ce charençon dévoreur de résineux, faut-il laisser les parcelles se reposer après une coupe, ne pas désoucher, attendre trois ans que la nature se rééquilibre comme le prônent de nombreux biologistes ? Ou maintenir le même rythme effréné, planter directement sur les décombres de la coupe rase et arroser les jeunes pousses de produits phytosanitaires ? Doit-on traiter chimiquement le fomes, ce champignon qui gangrène le cœur des épicéas ou réintroduire dans les monocultures résineuses des feuillus à titre préventif et curatif comme le proposent des forestiers alternatifs ?

Les chenilles processionnaires, maux du productivisme

Le productivisme ne veut pas ré-interroger ses bases. Il s’afflige des effets mais continue d’adorer les causes. Ce système n’a aucune résilience. « Nous n’avons pas tiré les leçons des tempêtes, des incendies et des invasions parasitaires qui frappent la forêt des landes », constate de son côté Jacques. En 2009, 600 000 hectares de forêts ont été balayés par le cyclone Klaus. S’en est suivie une attaque de chenilles processionnaires et en 2010, une invasion de scolytes.

Ces insectes se reproduisent sous les écorces de résineux. Ils font très peu de dégâts dans les forêts mélangées car ils s’attaquent essentiellement aux arbres faibles mais en monoculture leurs populations atteignent de tels niveaux qu’ils dévorent aussi les arbres sains. « Si on met 50 000 poulets sur 300 mètres carrés, les maladies et les parasites se répandent inévitablement. Avec le pin et le douglas, c’est pareil. » Aucune autre essence ne sert de pare-feu.

Repenser le mode d’exploitation des forêts

« En 2009, avec le cyclone Klaus, les arbres qui avaient entre 15 et 35 ans, ceux qui avaient le plus bénéficié du labour et de la fertilisation, n’ont pas résisté. Ils possédaient un réseau racinaire moins solide. » Au lieu de se remettre en question, les industriels ont imaginé une autre solution, « l’amélioration génétique des essences de pins pour les faire pousser encore plus vite, les couper encore plus jeunes, entre deux passages de tempêtes ».

Face à ce constat, Emmanuel Garnier, un historien du climat s’interroge : « d’autres tempêtes plus violentes ont pourtant eu moins d’impact, parce que la forêt était moins dense et laissait plus de place à d’autres activités. Il est indispensable de repenser la forêt dans son mode d’exploitation et sa quasi exclusivité dans le paysage. » A relire l’histoire de la forêt artificielle, on peut se demander si la première catastrophe qu’elle ait connu n’est pas celle de sa création.

Gaspard D’Allens

Ce texte est extrait du livre Main basse sur nos forêts (Seuil, 2019), chapitre 2 : « La forêt toxique ».

 Photo de Une : source

 
Gaspard d’Allens, Main basse sur nos forêts, éditions du Seuil, avril 2019, 176 p., 12 euros.