Présidentielle 2022

Au Parlement européen, une gauche unie, une extrême droite antisociale et des macronistes un peu moins néolibéraux

Présidentielle 2022

par Ivan du Roy

Analyser les votes des formations politiques au Parlement européen depuis trois ans est riche d’enseignement : l’extrême droite y est résolument néolibérale, les macronistes un peu moins qu’en France et des unions à gauche s’y révèlent possibles.

Que votent les députés français au Parlement européen ? Les clivages sont-ils similaires à ceux qui les opposent à l’Assemblée nationale ? Les débats au sein de l’hémicycle strasbourgeois sont beaucoup moins médiatisés que ceux qui agitent le Palais Bourbon (sauf quand un député bulgare y fait un salut nazi...). Ils sont pourtant riches d’enseignement sur les positions prises par les partis qui y siègent. Surtout en campagne présidentielle, lorsqu’il s’agit de mesurer le degré de sincérité derrière les propositions des programmes et les grandes tirades des meetings.

Quel bilan du quinquennat ?
Quel est le véritable bilan d’Emmanuel Macron sur les problèmes que soulève régulièrement basta! ? Pour aller au-delà de la com’, pendant toute la campagne électorale, basta! dresse pour vous des bilans du quinquennat sur une série de sujets très concrets.

79 députés français siègent au Parlement européen. Les deux groupes les plus importants sont celui d’En marche, soutien d’Emmanuel Macron, et celui du Rassemblement national, soutien de Marine Le Pen, avec respectivement 29 élus (dont deux élus qui sont, depuis, passés chez Éric Zemmour). Viennent ensuite les écologistes, qui soutiennent Yannick Jadot (13 députés), LR avec Valérie Pécresse (8 députés), puis la France insoumise (Jean-Luc Mélenchon, 6 députés) et le groupe socialiste (6 députés), partagé pour l’instant entre Anne Hidalgo et Christiane Taubira.

L’extrême droite n’est décidément pas dans le camps des « petits »

Nous nous sommes intéressés à plusieurs votes sur des enjeux que basta! juge essentiels, en matière sociale, économique, écologique et démocratique. Quels enseignements peut-on en tirer ? L’extrême droite vote presque systématiquement contre tout ou s’abstient, même quand il s’agit d’avancées incontestables pour les travailleurs parmi les plus précarisés, et surtout quand il s’agit de la liberté et des droits des femmes, sujet sur lequel les députés « patriotes » français s’alignent sur les droites les plus réactionnaires hongroises ou polonaises (voir le deuxième volet de notre série, qui sera publié le 22 février).

Protection des travailleurs ubérisés
Une avancée majeure pour la défense des droits des travailleurs des plateformes de livraison : en septembre dernier, le Parlement européen a adopté une résolution pour promouvoir la présomption de salariat les concernant. L’extrême droite s’est abstenue...

On pourrait penser que s’opposer à tout est une position de principe anti-européenne. Ce n’est pas le cas : le RN a voté d’une seule voix, aux côtés d’En marche et de LR, une version très critiquée de la Politique agricole commune (PAC). Cette nouvelle PAC est accusée par ses détracteurs de rester aveugle à l’urgence climatique ; et de favoriser l’agrobusiness aux dépens des milliers d’agriculteurs qui, chaque année, doivent renoncer à exercer leur métier et à faire vivre leur exploitation familiale (voir le 3e volet de cette série, qui sera publié le 23 février). L’extrême droite n’est décidément pas dans le camps des « petits ». Et ce depuis longtemps : il en était de même lors de la précédente législature européenne (2014-2019).

Autre enseignement qui fait écho à la campagne présidentielle : les trois forces de gauches représentées – EELV, LFI, PS (et alliés) – votent quasiment d’une même voix sur les sujets sur lesquels basta! s’est penché, comme c’est d’ailleurs souvent le cas à l’Assemblée nationale. C’est le signe supplémentaire que, sur les enjeux sociaux et écologiques, peu de divergences les opposent. Au vu de leurs votes, les députés macronistes à Strasbourg ont un positionnement davantage de « centre gauche » que la majorité présidentielle et son gouvernement à Paris. Ils se sont par exemple prononcés pour une meilleur protection des travailleurs des plateformes numériques, sujet porté par la députée insoumise Leïla Chaibi, en contradiction avec la politique menée par le gouvernement. Ce positionnement entretient probablement chez une partie de l’électorat macroniste venu de la gauche modéré la croyance en la possibilité d’une orientation plus social-démocrate du futur quinquennat Macron.

Enfin, malgré un rapport de force défavorable au Parlement européen, certaines batailles en faveur des biens communs peuvent être gagnées par la gauche : c’est le cas sur la levée des brevets sur les vaccins, à laquelle les députés LREM s’opposaient, avant de basculer aux côtés des écologistes et des insoumis.

Ivan du Roy
Photo : CC Parlement européen