Syrie

Ces armes européennes qui équipent l’armée turque, engagée contre les Kurdes

Syrie

par Rachel Knaebel

Plusieurs pays européens, dont la France, ont annoncé la suspension des exportations d’armes vers la Turquie. Un peu tard pour préserver leur allié kurde.

Depuis le début de l’offensive turque lancée contre les Kurdes de Syrie le 10 octobre, plusieurs pays ont annoncé qu’ils suspendaient, complètement ou en partie, leurs exportations d’armes vers la Turquie : la Norvège, les Pays-Bas, l’Allemagne, et la France, comme l’a déclaré la ministre de la Défense Florence Parly.

La Turquie n’est pas vraiment un gros client des exportations d’armes françaises. Avec 590 millions d’euros de prise de commande depuis 2009 (selon le rapport au Parlement 2019 sur les exportations d’armements), la Turquie arrive loin derrière l’Inde (13 milliards), l’Arabie saoudite (11 milliards d’euros), l’Égypte (7 milliards) et les Émirats arabes unis (5 milliards d’euros de contrats depuis 2009). Reste que la France a livré à la Turquie entre 2013 et 2015 des radars militaires de Thales pour équiper des avions patrouilleurs [1].

Des centaines de chars allemands, des hélicoptères de combat italien, des missiles norvégiens…

L’Allemagne a de son côté fourni à la Turquie plus de 350 chars Léopard depuis une décennie. Sur les deux dernières années, 2017 et 2018, l’Allemagne a exporté pour plus de 300 millions d’euros de matériels militaires à la Turquie [2]. L’Italie a vendu des hélicoptères de combat, des canon navals, les Pays-Bas de nombreux radars, la Norvège des missiles anti-navires, l’Espagne des avions patrouilleurs [3]. Le Royaume Uni a approuvé pour plus de 820 millions d’euros d’exportation de matériel militaire vers Ankara depuis 2016, date de la tentative de coup d’État et de la vague de répression qui a suivi dans le pays [4].

Ces matériels sont-ils utilisés dans l’offensive actuelle ? C’est très probable. Lors de l’offensive de 2018 des forces turques contre les unités kurdes YPG dans le canton d’Afrin, en Syrie, l’armée turque avait engagé dans les combats des chars Léopard de fabrication allemande. Ce qui avait provoqué un débat outre-Rhin.

« Dans la plupart de ces campagnes de bombardement, en Turquie, en Irak et en Syrie, l’aviation turque a utilisé des avion de combat Lockheed Martin F-16 des États-Unis et des hélicoptères de combat T-129 produits en joint venture entre Turkish Aerospace Industries et AgustaWestland », indique l’ONG britannique Campaign Against Arms Trade. AgustaWestland est une filiale de l’entreprise italienne d’armement Leonardo (anciennement Finmeccanica). « Les F-16 utilisés par la Turquie pour bombarder Afrin utilisaient des systèmes de laser produits par Leonardo à Édimbourg. BAE Systems (une entreprise britannique) produit aussi des composantes pour les F-16 », ajoute l’ONG britannique.

« À l’heure où l’armée turque attaque les forces kurdes en Syrie, les civils sont gravement en danger », alerte Amnesty International. Plus de 100 000 personnes auraient déjà fui la zone des combats, venant s’ajouter aux 6,6 millions de déplacés internes à la guerre civile, et peut-être demain aux 5,5 millions de réfugiés qui ont quitté leur pays dévasté. Quand la question migratoire sera de nouveau instrumentalisé par les extrêmes droites européennes, il est à craindre que la responsabilité des exportations d’armes vers des régimes autoritaires comme la Turquie sera fortuitement « oubliée ».

La France poursuit cependant ses ventes d’armes vers un autre théâtre de guerre, au Yémen...

 Utilisation d’armes françaises dans la guerre au Yémen : le gouvernement continue de mentir

Photo : Chars Léopard de fabrication allemande utilisés par l’armée turque / DR

Notes

[1Source :bases de données du Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI).

[2Source : rapports 2017 et 2018 du gouvernement allemands sur les exportation d’armements, Rüstungsexportbericht 2017 et 2018.

[3Source : bases de données du Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI).