Transition ?

Mini-révolution à Cuba, qui s’apprête à nommer un nouveau président

Transition ?

par Mathieu Paris

Le 18 avril, pour la première fois en près de 60 ans, un non militaire, n’appartenant pas à la famille Castro et né après la révolution, pourrait devenir le nouveau président cubain. Une fin de règne accompagnée par l’ascension au pouvoir d’une nouvelle génération de dirigeants.

Il y a déjà un mois, en mars, les Cubains ont voté pour les 605 membres de l’Assemblée nationale. Si ce processus ne réservait pas de surprises tant le Parti communiste cubain influence les nominations, le vote du 18 avril, lui, sera historique. Les 31 membres du Conseil d’État désignés par le nouveau parlement devront choisir le successeur de Raúl Castro (87 ans). Pour la première fois depuis la révolution de 1959, ce ne sera ni un membre de la famille Castro ni même un « historique » de la révolution. Au sein d’un pays où l’armée joue un rôle déterminant, le nouveau chef de l’État pourrait même être un civil. Plus largement, la génération des guérilleros, qui ont participé à la révolution et au renversement de la dictature Batista, devrait quitter le pouvoir dans les mois à venir.

L’homme – le renouvellement politique cubain n’ira sans doute pas jusqu’au choix d’une femme – pressenti pour incarner l’ère post-Castro se nomme Miguel Díaz-Canel. Il est actuellement premier vice-président – le n°2 du régime – et a représenté l’île lors de la conférence climatique COP 21 à Paris en 2015. Âgé de 57 ans et donc né après la Révolution, cet ingénieur en électricité a gravi tous les échelons du Parti communiste, depuis son adolescence jusqu’à la direction du Parti dans la province de Villa Clara entre 1994 et 2003. Une fonction dans laquelle ce « civil de la révolution » s’est distingué par ses politiques parfois éloignées de la ligne officielle.

Le premier centre culturel dirigé par la communauté LGBTI

Outre le développement d’un mouvement rock, la province est devenue un symbole de diversité. C’est par exemple sous son mandat qu’a été créé El Mejunje, le premier centre culturel dirigé par la communauté LGBTI, ouvert à tous et à toutes et gratuit pour les personnes séropositives. Un lieu abritant aussi bien une discothèque gay, des concerts de boléro que des activités pour la jeunesse le dimanche. Il prend par la suite la tête de la province de Holguín jusqu’à 2009, au moment où il devient ministre de l’enseignement supérieur.

Ainsi, s’il n’y aura pas de révolution dans la révolution, Raúl Castro restant premier secrétaire du Parti, la figure de Miguel Díaz-Canel détonne dans le paysage politique et l’histoire cubaine. Surtout, c’est le système politique cubain qui tourne une page de son histoire. Comme l’analyse le journaliste d’origine uruguayenne Fernando Ravsberg dans Le Monde diplomatique, avec le départ de Castro et des guérilleros, la figure unique du président, légitimée par son histoire personnelle, pourrait laisser place à une gestion plus partagée du pouvoir entre « pairs ». La légitimité de la nouvelle génération de dirigeants dépendra surtout de leurs résultats économiques et sociaux. D’autant plus dans le contexte économique difficile auquel l’île fait face. La situation est aggravée par les lourds dégâts provoqués par le passage de l’ouragan Irma sur l’île en septembre 2017 et les difficultés économiques de son principal partenaire commercial, le Venezuela.

Photo : CC Ed Yourdon