Santé

Maltraitance « ordinaire » dans les hôpitaux

Santé

par Martin Terrier

A la demande de la Haute Autorité de Santé, Claire Compagnon (ex-présidente de la Ligue contre le cancer) et Véronique Ghadi (sociologue de la santé) ont rendu fin janvier 2010 un rapport intitulé « La Maltraitance « ordinaire » dans les établissements de santé ». Recueil de témoignages tous plus édifiants les uns que les autres, ce rapport décrit la maltraitance « ordinaire » des malades hospitalisés. « Ordinaire », parce qu’elle touche à la banalité du quotidien, aux conduites élémentaires de civilité, à la pudeur, à l’accès à l’information. Autant d’effractions dans l’intime, de blessures morales non dites qui s’ajoutent au motif premier de l’hospitalisation.

Florilège : « Coralie reste nue sur le brancard dans le couloir du service pendant dix minutes. Je prends une couverture dans la chambre, on me reproche d’avoir défait le lit », raconte une mère. « J’ai eu le chirurgien qui est entré dans ma chambre, j’étais aux toilettes. Je lui ai demandé : « Pouvez-vous sortir ? Cela me gêne. » « – Non, moi ça ne me gêne pas », témoigne un autre. Ou encore : « On nous dit sans arrêt de dormir, mais c’est impossible : la porte n’est jamais refermée, elle donne sur un couloir plein de vie à n’importe quelle heure. C’est bien de voir toute cette vie normale, mais c’est insupportable quand on veut dormir (…). »

Terrible constat qui, s’il ne met pas en cause les compétences reconnues et le dévouement de l’immense majorité des acteurs de santé, interroge les effets de politiques managériales toujours plus incisives sur l’organisation hospitalière. Situation complexe sur laquelle les auteures du rapport, dans une interview dans Libération le 27 janvier, restent prudentes : « Et la maltraitance liée à des facteurs institutionnels ? – Bien évidemment, on pense au manque de personnel ou au manque de moyens. Mais il n’y a pas que cela. En règle générale, on va toujours demander au patient de s’adapter aux contraintes de l’organisation et non l’inverse. Son mode de vie est ponctué de contraintes, avec ces réveils en pleine nuit, la porte de la chambre qui est toujours ouverte, il n’y a aucune intimité possible etc. Or, aujourd’hui cela n’est pas pris en compte dans le management. »

Martin Terrier

Le rapport de Claire Compagnon et Véronique Ghadi

« La Maltraitance « ordinaire » dans les établissements de santé », sur le site de la Haute Autorité de santé